Un quart d'entrée pour voir, en ce dernier jour de la Semana Grande de Bilbao, un lot impressionnant de présentation, faible à divers degrés, de bravoure modérée avec une dose non négligeable de noblesse. Ces Miuras, bien que massifs comme antan, ne sont plus les terreurs des ruedos. Ce qui fait leur difficulté maintenant c'est l'association de leur volume, c'est à dire leurs caractéristiques physiques compliquant le toreo, et leur faiblesse qui les incitent à se défendre plus qu'"imbister". La jeune génération n'a pas démérité avec cette alchimie. Saúl Jiménez Fortes avec une sincérité palpable, Juan Leal avec une entrega généreuse et Román Collado avec classe et stratégie. Juan Leal et Román effectuaient leur présentation à Vista Alegre.
Le premier Miura jette les pattes dans la cape de Fortes en serrant à droite. Le torero trébuche en menant au cheval et se fait un auto-quite opportun, allongé au sol, par larga cambiada. Le Miura s'emploie sans force en deux rencontres. Il sème le désordre au second tiers en coupant fortement les trajectoires. Brindis au public. Fortes presente la muleta avec douceur dans les doblones et obtient de l'opposant des embestidas meilleures qu'attendues. Il a ensuite un passage où il se fait accrocher la muleta à droite. À gauche, les naturelles, servies une par une, alternent entre charges profondes et d'autres rebrincadas selon que le toque soit précis et la suerte "templée". Dans la série suivante, il lie avec rythme et profondeur des naturelles supérieures, avant de distiller de nouvelles naturelles une par une. L'attitude est supérieure avec des cites jambe et la poitrine en avant. Le résultat artistique est conditionné par le manque de répétition du bicho qui s'avère cependant noble. Pinchazo et entière basse en entrant droit. Palmas et salut aux medios.
Le second de Fortes raccourcit rapidement sa charge et annihile toute possibilité de toreo de cape. L'animal donne de la tête dans une longue carioca avant de faire un passage symbolique pour la seconde pique. Plusieurs fléchissements du train arrière ainsi qu'un second tiers laborieux provoquent l'ire des tendidos. Le toro saigne abondamment et ne passe pas dans la muleta. Fortes fait l'effort pour tirer des derechazos improbables. Quelques muletazos isolés ressortent du lot. Sur la gauche, la problématique est la même avec un effort notable du Malagueño qui poursuit un trasteo sur les deux cornes voué à l'indifférence malgré sa sincérité incontestable. Deux pinchazos et entière basse. Descabello. Sifflets au toro. Silence.
Juan Leal s'ajuste aux charges vives et courtes à droite du second Miura pour dessiner des véroniques de bon aloi. Piqué en arrière, le cárdeno subit le tercio de varas plus qu'il ne l'anime, même s'il répond de loin pour la seconde rencontre. Les cornes du toro sont escobilladas. Juan Carlos Garcia salue aux banderilles. Brindis au public. Au centre, Juan Leal cite longuement pour un double péndulo, passe de poitrine et pase del desdén. À droite, le Français se replace entre les derechazos de belle facture. Puis, étonnement, il opte pour les "cercanías" (toréer rapproché. NDLR) et se fait prendre sur un desplante que le Miura ne lui pardonne pas. Al natural une bonne naturelle profonde est infirmée par des passes avortées par le manque de déplacement du toro. Juan Leal sans poursuivre l'effort pour toréer de forme classique opte pour un arrimón qui entraine la division sur les tendidos . Demi-lame desprendida et tendida. Pétition d'oreille non reconnue par le président. Grande ovation et vuelta.
Le second de Juan Leal apparait en piste avec les pointes abimées. Il est faible et charge sans conviction dans la cape timorée du Français. Aux piques, il subit et trébuche à plusieurs reprises. Le public proteste. Marco Leal et Manolo de los Reyes saluent pour une bonne paire de banderilles chacun. Brindis au public. À genoux au centre, le Français cite pour deux derechazos avant de poursuivre debout. Communion du torero et du public conquis. La suite est moins profonde, mais la musique joue et le public "marche". La muleta est accrochée sur les deux cornes dans des muletazos imposés par le toro, sans arriver à baisser la main. Juan Leal tentera le toreo rapproché qui lui sied habituellement mais qu'il n'arrive pas à l'imposer, cette fois-ci. Pinchazo dans le style sauté du torero. Entière contraire en restant sur la face. Vuelta.
Román opte pour des véroniques pieds joints pour gérer les charges courtes de son premier Miura. Le toro combat avec la tête au cheval en deux rencontres mesurées, faute d'être bien portées. Le bicho sème le trouble au second tiers. Brindis au public. Le tanteo révèle une charge longue que les muletazos par le haut ne mettent pas en valeur. Au centre le toro est tardo et les derechazos sont donnés un par un. Ensuite, sur trois derechazos en restant dans le terrain du toro, Román arrive à enchaîner avant de revenir, ensuite, à des muletazos isolés. À gauche, l'animal proteste en plus d'être tardo. Pinchazo et entière caída. Palmas et salut au tiers.
Le dernier Miura est un monstre de 657 kg dont les premières charges longues se désunissent rapidement. Mal piqué, le bicho subit. ll répond de loin à la seconde sollicitation qui débouche sur une rencontre courte. Raúl Martí et "El Sirio" se mettent en valeur au second tiers. Román évite d'obliger le Miura dans les premiers derechazos. Il recule de deux pas entre les muletazos pour profiter de l'inertie des charges. À gauche la première série est inégale mais prometteuse. La suivante confirme et est liée par le bas. Baisser la main avec cet opposant, c'est placer la muleta à mi hauteur à un toro de taille normale. La corne gauche est abandonnée pour la droite pourtant moins propice. Après avoir pris l'épée, il dessine des ayudados por alto sur la corne gauche et trincherillas sur la droite. Estoconazo en entrant pour couper l'oreille qui lui est accordée. Palmas au toro. René Philippe Arneodau.
Photos: Emilio Mendez - Cultoro.
Bien Leal,muy bien Román.