Le lot de Pedraza de Yeltes a été, comme d’autres durant cette San Isidro, complété par un Torrestrella (6°). Le Mexicain Isaac Fonseca a coupé avec sérieux et entrega l’oreille de son premier et est sorti à son second pour couper le trophée qui lui aurait ouvert la grande porte. Malgré sa volonté et son engagement, c’est une cornada dorsale grave qui l’attendait. La voltereta fut violente et effrayante, mais heureusement la blessure, dans une partie délicate de l’anatomie, n’a pas mis en danger la vie du torero. Est également passé à l’infirmerie Francisco José Espada avec un traumatisme crânien lors d’une voltereta dramatique. Quant à Juan Leal, fidèle à son style, il a construit des prestations privilégiant la recherche de l’effet à l'opposé du toreo fondamental.
Juan Leal reçoit son premier a puerta gayola avec une larga cambiada de rodillas et des véroniques servies entre les fuites d’un toro abanto et harmonieusement présenté. Distrait le bicho charge avec sosería et tarde à aller au cheval. Quand enfin il y va, c’est pour y être peu et mal piqué, en s’employant au minimum. Brindis au public. Depuis les medios Juan Leal cite à genoux sur la corne droite en redondo, échappant à la cornada sur un péndulo bousculé et en se faisant le quite à lui même une fois au sol. La charge molle du pedraza-de-yeltes permet au Français de toréer à droite en ligne, depuis une position fuera de cacho, puis en rond sans laisser sortir le bicho de la muleta. Le passage à gauche est aussi fade que la charge, distillé en allongeant le bras sur le corps penché. Leal opte pour un final en arrimón qui divise le public. 3/4 d’épée delantera, tendida et atravesada d’effet rapide. Silence.
Le second de Juan Leal est armé large et n’inspire à son matador qu’une brega limitée. Chargeant le cheval de réserve, le toro reste longuement appuyé contre le peto en poussant. La seconde pique est prise en contre-querencia sans que l’on puisse voir le toro puisqu’il a été mal placé par le matador. Marco Leal salue l’ovation suite à deux poses de banderilles au berceaux. Brindis au public. Depuis le centre, Leal "cite" pour le péndulo et se fait emporter par les pattes. Tombé au sol, il poursuit brièvement alors que le palillo de la muleta est brisé. La suite, debout à droite, est exécutée en marginalité, restant hors trajectoire sans dominer la charge. Le fait que le bicho ne se retourne pas complètement rend difficile de lier les muletazos. Ce comportement pourrait être le résultat du manque de dominio du matador. Les naturelles sont un mélange de différentes techniques et positions, sans continuité ni profondeur. Dans certains voyages l’animal charge toutefois avec classe. L’insistence du torero n’est pas appréciée de tous. Entière en bonne place avec avis. Descabello. Silence.
Francisco José Espada ne s’accouple pas avec l’embestida du second de Pedraza de Yeltes, charge pourtant "humiliée" bien avant d’arriver à l’engaño. Une vuelta de campana rend cet intéressant toro impropre à la lidia. Mouchoir vert.
Le sobrero est un de Chamaco, cinqueño, bas et massif, qui mansea d’abord, puis passe en "humiliant" dans la brega de F. J. Espada. Bien piqué, le toro pousse brièvement au premier passage, puis les deux protagonistes se décomposent au second. Quite d'Isaac Fonseca par chicuelinas et demi-véronique, face à une charge au pas. Au second tiers, le chamaco faiblit et charge avec irrégularité. Francisco José Espada démarre son trasteo par estatuarios face à l’opposant qui trébuche. Distrait de surcroît, le toro charge avec mollesse sans transmition. La suite à droite voit le bicho sautiller et tituber. Il en va de même à gauche. Malgré la fadeur de l’ensemble, le matador insiste sous la protestation d’une partie du public. Pinchazo et entière dans la croix. Silence.
Le cinquième est un pedraza, massif, qui cogne dans les tablas et charge avec difficulté la cape du Madrilène. Sa faiblesse se confirme dans les piques qui de surcroît sont mal exécutées. Quite de Fonseca par véroniques et demie en privilégient la corne gauche. La faena débute par pases par le haut, allant a más. Au début de la série suivante, le matador est bousculé et violemment soulevé, mis KO. Alors que Leal s’apprête à poursuivre le trasteo, on lui demande d’attendre le retour du torero. Le public s’impatiente et finalement Leal prend la muleta pour des doblones. Dans son style laborieux, le torero travaille les deux cornes puis doit abandonner compte tenu des protestations du public. Demi-lame tendida en passant à distance, et presque entière verticale et atravesada. Silence.
Le troisième de Pedraza de Yeltes est protesté. Il "humilie" dans les véroniques engagées et trois demi-véroniques d’Isaac Fonseca. Sous le fer, le toro proteste plus qu’il ne combat. Le quite par tafalleras de Juan Leal fait fléchir l’animal. Juan Carlos Rey et Jesús Robledo "Tito" brillent aux banderilles et saluent avec Raúl Ruiz dont la brega a été excellente. Brindis au public. Au centre du ruedo, le Mexicain "cite" à genoux muleta dans la main droite. Les derechazos, le cambio de mano sont intenses grâce à la charge vibrante du toro. Le toro répète avec verve dans les derechazos liés de Fonseca. La série suivante est coupée en deux avec la seconde partie plus réussie que la première. À gauche, le toro est tardo et ne respecte pas les toques. Quelques naturelles isolées sont engagées. D’autres "citées" de face, pieds joints, vont a más, les dernières liées avec la passe de poitrine. pase de pecho, méritant les olés de las Ventas. Ayant pris l’épée, le Mexicain répète l’exercice à gauche avant d’entrer a matar a ley, l’avis sonnant. Oreille.
La corrida se termine par la sortie en piste d’un de Torrestrella, montado, qui doute avant de charger la cape d'Isaac Fonseca sans que ce dernier n’arrive à le maintenir fixé. Ce sont finalement des lances sur jambe fléchie accompagnés de olés qui fixent le toro. Ce dernier ne brille pas au cheval. Brindis au compañero blessé. Le torero soutient le calamocheo du toro dans des derechazos tout en cherchant le bon placement entre les passes. Sur la corne gauche, il embarque la charge avant d’être mis en difficulté, soulevé et pris dramatiquement et emporté à l’infirmerie. C’est Juan Leal qui se charge de porter deux pinchazos et une épée défectueuse au Torrestrella.
René Arneodau