L’inauguration de la Feria de San Isidro présentait un cartel attractif qui réunissait le presque vétéran Alejandro Talavante qui confirmait l’alternative de notre compatriote Clément Dubecq “Clemente”, Juan Ortega étant le témoin de la cérémonie. Les toros étaient de l’élevage de Victoriano del Río de Guadalix de la Sierra (Madrid) auquel étaient ajoutés deux de Toros de Cortés (5 et 6ème) de même origine et propriétaire. Ces toros passaient à la bascule pour des poids allant de 560 à 640 kg, cinqueños avancés sauf les cuatreños, 2ème et 3ème. Le premier de la confirmation de Clemente s’avérait un toro de grand ramage et de comportement changeant qui prodigait au Bordelais une terrifiante cogida, pris d’une corne à l’autre, accroché par la chaquetilla, sortant apparemment indemne! Seul le 4ème, après ses errances, était fixé par A. Talavante et permettait une faena de qualité.
“Clemente” confirmait avec “Forajido” nº11 de 585kg. né en octubre 2019. Accueilli froidement, Clemente ne fixait pas son toro à la cape et l’amenait au centre de la piste, la cape accrochée… Toro de peu de codicia, sans “humilier”. Tardo devant le cheval, il chargeait par surprise et il était piqué en arrière. Idem à la deuxième charge et pique. Sans tanteo, Clemente entreprenait sa faena par des doblones supposés calmer une charge bronca mais celle-ci subsistait et on notait toutefois un bon derechazo, torero entregao dans la première série à droite. Le tono n’”humiliait” pas et relevait la tête en fins de passes. Une bonne série de la droite, s’imposant aux charges brusques de la bête mais cela ne durait pas. Des hauts et des bas dûs à ce comportement irrégulier, des arrêts à moitié passe et Clemente ne bronchait pas. Mucho valor! Survenait la cogida sur le retour d’une passe par le bas. Tel un pantin au-dessus des cornes, il s’en sortait miraculeusement. Il reprenait la muleta pour une ultime série de naturelles face à ce toro qui évidemment ne “mettait pas la tête”. Désastreuse mise à mort, l’épée tombant très bas… Le 6ème, cornivuelto, astifino, jouait de la corne à chaque contact avec le peto en trois rencontres dont une avec le réserve… Charge insipide, demi-charges, qui n’apportaient rien, ni au matador, ni au public. Une demi-estocade arrière et x descabellos en finissaient avec ce toro et s’évaporaient tous les espoirs mis dans cette présentation à Madrid, prestation digne marquée par une grande entrega mais sans la chance toujours nécessaire.
C’est au 4ème que Alejandro Talavante devinait des qualités jusqu’alors insoupçonnées d’un toro incertain dans ses charges, sans fixité, erratique sous la pique, corne gauche à la jugulaire du cheval, allant voir le picador de réserve, suelto, éliminant une tentative de quite de Juan Ortega… Le début de faena face au Tendido 6, le corps vertical, Talavante contenait cette charge aléatoire pour dérouler plusieurs série de la droite et de la gauche, surtout de ce côté à la suite d’un changement de main issu d’un derechazo. D’ailleurs, ces changements de mains, dans le dos ou devant, faisaient les délices du public. Talavante exhibait une grande maîtrise et facilité, dessinait des remates primesautiers, sortant de la suerte d’un pas élégant, regardant le public qui acquiescait ravi de cette belle ouvrage. Le toro, séduit lui aussi?, suivait docilement la muleta. Une dernière grande série de naturelles et remate du pase del desprecio précédaient une estocade dans tout le haut. Un genou en terre, Alejandro Talavante attendait triomphant la mort de ce toro transformé. Les deux oreilles étaient accordées. Avant cela, le héros du jour s’était plutôt dépensé à la cape dans des quites, un au 1er par chicuelinas et larga, un autre par véroniques et remate par serpentina au premier de Juan Ortega qui lui avait répondu par de superbes et élégantes chicuelinas et une superbe demi-véronique de long tracé. Quant à la faena de muleta au 2ème, ce toro s’était dégonflé, mou et sans transmisión dans ses charges. Estocade tombée.
Juan Ortega retient l’attention du public. Dans un silence peu commun à Las Ventas, il tentait selon son habitude, de calmer et arrêter ses toros pour amorcer dans la plus pure naturalité et élégance des séries à la cape ou muleta. Au centre la piste, il ne pouvait assujetir à la cape le 2ème, cape déchirée. À la muleta, la faena débutait par le haut et les derechazos qui suivaient, longs de trajectoire, lents, ne pouvaient être reproduits dans la série suivante car le toro s’était transformé, ne durait plus longtems dans la passe. Sur la gauche, le toro répondait au toque puis n’allait pas à la fin du muletazo. Juan Ortega réussissait, malgré cela, des naturelles courtes, certes, mais d’un dessin parfait. Cela ne suffisait pas. Un pinchazo et une épée desprendida dans une belle exécution de la suerte de matar. Le 5ème, en dépit d'une belle charge dans la cape, était peu piqué, et là aussi, changement d’attitude: il “protestait” dans la muleta, terminait par un derrote… Le macheteo s’imposait et commençait un désagréable festival de pinchazos…et sonnait un avis malgré le peu qu’avait duré la ¿faena?
Alejandro Talavante: silence: deux oreilles. Juan Ortega: un avis et silence; un avis et silence. Clemente: saluts; un avis et silence. Des cuadrillas se distingait Juan José Domínguez de celle de Clemente, dans la brega et aux banderilles. Alejandro Talavante en était aisi à sa sixième sortie par la Grande Porte de Las Ventas- 22.964 spectateurs c’est à dire no-hay-billetes. |
Georges Marcillac