En cette corrida de clôture de la San Isidro de… Carabanchel, Román Collado s’est transformé en un chevalier sans peur et non sans reproche devant deux toros d’Adolfo Martín. S’il y a un seul reproche à faire, c’est le propre torero qui le fera à lui-même pour avoir mal terminé ses batailles par de mauvais coups d’épée qui ruinaient un succès de grand retentissement. En effet, la succession de pinchazos, au terme de deux faenas angoissantes, risquées et calculées, éliminait les trophées que le public peu nombreux mais connaisseur était prêt à accorder. Tout d’abord « Román » touchait les deux toros les plus impressionnants du lot, le premier par son trapío et ses 536 kg., l’autre, le 5ème, pour son encornure, un cornivuelto qui annonçait sans aucun doute ses cinq ans bien accomplis (né en 09/2015). Le brindis au public du 2ème représentait un défi car celui-ci n’avait montré aucune aptitude à faciliter une faena : il se freinait dans les capes, se déplaçait avec parcimonie et provoquait un difficile tercio de banderilles en coupant le terrain au subalterne « Lipi ». Au-delà des lignes, le toro passait une fois sur la droite et se retournait en se « collant », sur la gauche Román lui imposait une longue passe sans réponse pour la suivante. Pour forcer une quelconque passe, Román se croisait, le toro figé, à l’affût. Chaque position et chaque « cite » représentaient un danger imminent et l’accrochage, la bousculade plutôt, survenait au sortir d’une passe de poitrine. Les nombreux pinchazos, l’avis qui sonnait, n’empêchaient pas la forte ovation que lui attribuait le public soulagé. D’entrée, le 5ème montrait que la tâche de Román n’allait pas être facile : saut dans la cape pour une demi-véronique hasardeuse et retour vif. Ce toro avait une charge longue « humiliée » caractéristique des albaserradas, mais s’arrêtait aussitôt après, mirón (esp : voyeur…), les naturelles une à une, forcées et de la droite pareil, le torero se croisait et réussissait des passes de grande valeur. La faena travaillée et de grand mérite était gâchée une nouvelle fois de plus à l’épée.
Les produits d’Adolfo Martín ne facilitaient pas le labeur des deux autres matadors Juan del Álamo et José Garrido. Habituellement, ces toros ne se prêtent pas à un exercice brillant à la cape dès leur entrée en piste. Toutefois Juan del Álamo et José Garrido s’appliquaient à leurs opposants respectifs à dessiner une des véroniques valeureuses assorties de la demi-véronique plus risquée. La mono-pique s’imposait et seuls, justement les 1er, 4ème et 6ème recevaient une deuxième seulement pointée. L’exposition de la geste de Román ne doit en aucune manière laisser au second plan l’actuación du salmantino et de l’extremeño. Bien au contraire, sauf que les difficultés existantes étaient moins évidentes et leur gestion moins laborieuse.
Juan del Álamo devait faire face à un premier adolfo-martín au cours d’une faena permise par un toro mou, qui entrait avec lenteur au premier derechazo mais se retournait par le bas et obligeait à perdre quelques pas pour engager la passe suivante. De même sur la gauche. Cette sosería, néanmoins cette mollesse cachait toujours la possibilité d’un accrochage à cause de ces retours vifs. Il s’agissait d’être attentif et adroit, ce que fit Juan del Álamo. Le 4ème faisait illusion à la pique pour ensuite n’accepter aucune passe, de charge ultra-courte. Plusieurs pinchazos et une demi-épée horizontale couchaient l’animal.
José Garrido affrontait un toro qui chargeait à mi-hauteur, avec mollesse aussi, s’arrêtait sans violence, distrait en fins de passes… Un pinchazo et une demi-estocade un peu croisée. Le dernier chargeait fort dès les premiers muletazos pour s’arrêter ensuite La faena de José Garrido se déroulait selon le même format et rythme : sur les deux cornes, il devait « perdre des pas », corriger sa position pour enchaîner les passes. Une dernière série de la droite résultait mieux liée, le torero restant fixe sur ses appuis. La corrida se terminait par un nouveau festival de pinchazos.
Juan del Álamo : vuelta al ruedo ; silence. “Román”: un avis, ovation et saluts aux deux. José Garrido : silence ; un avis et applaudissements. Etaient fortement applaudis Roberto Martín « Jarrocho » aux banderilles et Juan Rivas picador de la cuadrilla de Juan del Álamo, José Luis López « Lipi » de celle de « Román », de même Oscar Bernal aux ordres de José Garrido. |
Georges Marcillac
Photos d'après cultoro.com