La métaphore de « l’arbre qui cache la forêt « s’applique parfaitement à l’aspect et aux conditions que présentait le lot de toros de Samuel Flores (4ème et 5ème) et Isabel Flores, fils et fille de D. Samuel Flores Romano regroupés en la société Agropecuaria de Sierra Morena. El Palomar, S.L. En effet, les bois ou arboladura (*), les cornes enfin, étaient de telles dimensions, exagérément développées, celles du 4ème en particulier, que le public ne fixait son attention que sur les armures de ces toros et oubliait de manifester son mécontentement à propos du «moral» des toros qui ne méritent plus le respect fondé sur leur réputation passée. Mêmes les «gardiens de l’intégrité taurine», ceux qui siègent au Tendido 7 de Las Ventas restèrent anormalement silencieux, inhibés par leur adoration des fers dits d’ «encastes minoritaires», ceux que ne veulent pas les figuras. Donc, beaucoup de cornes et peu de bravoure, de la mansedumbre parfois, quelques faiblesses (le 3ème était renvoyé aux corrales et remplacé par un toro de José Cruz), des manques de fixité, de la noblesse aussi pour l’un d’entre eux, mansurrón, le 5ème. Ce dernier affichait un poids de 619 kg qu’il ne paraissait pas porter et faisait douter de l’exactitude de la bascule… impression confirmée pour ce lot de toros de quatre ans trois-quarts, chose rare dans l’actualité, dont les hechuras semblaient en désaccord avec la pesée.
L’expérience du chef de lidia Fernando Robleño, la maturité et persévérance de Morenito de Aranda, permettaient de sauver la face, Damian Castaño qui confirmait l’alternative se tirait d’affaire dignement. La caractéristique commune de ces toros fut de refuser tout toreo de cape à leur sortie du toril, sans pouvoir être fixés, fuyant après deux ou trois capotazos. Tous ces samueles ne s’employaient pas aux piques, certains sortant suelto, sauf le 5ème qui poussait jusqu’aux barrières, blessait le cheval, était piqué par le picador de réserve.
Fernando Robleño livrait un combat à l’ancienne, sur les jambes, pour passer et toréer le 4ème, qui arborait des cornes démesurées qui, en outre, n’ "humiliait" pas pour des charges courtes quand il ne lançait pas de derrotes en fins de passes. Peut-être aussi que la prudence, bien compréhensible, invitait à livrer ce trasteo mobile, la muleta paraissant insuffisante face à l’envergure des cornes pointées vers le haut. Par une estocade rapide et habile Fernando Robleño se défaisait de cet animal incommode. À son premier, la faena était écourtée car le toro, qui n’avait quasiment pas bougé durant le deuxième tiers des banderilles, faible sur pattes, ne permettait que quelques passes correctes sur la gauche. Un pinchazo, une estocade atravesada, sortant sur le flanc gauche, étaient l’épilogue peu décent d’une faena sans intérêt.
Morenito de Aranda (Jesús Martínez dans le civil, natif d’Aranda de Duero – Burgos) était le mieux loti de cette corrida car après la sortie du 3ème, un toro très ouvert ce cornes, qui allait au cheval al relance et tentait de s’enfuir de la brève rencontre sous la pique, flottait sur ses pattes et devait être retiré. Mouchoir vert du président. Le sobrero de José Cruz – d’encaste JP Domecq – pouvait, lui, être toréé à la cape – c’était toute la différence avec les samueles qui ne le permettaient pas. Cet exemplaire, noble affligé d’une raideur des pattes arrière, ne poussait pas dans ses charges et les pattes avant fléchissaient lorsqu’il « humiliait » dans la muleta. Ce handicap limitait la progression de la faena qui se terminait par une estocade desprendida. Le 5ème fut le toro le plus intéressant de la soirée. En effet, il développait une «caste» tantôt bonne, tantôt mauvaise, de telle sorte qu’on pourrait le qualifier de mansurrón. Morenito montrait de la patience et volonté pour faire passer dans la muleta ce toro qui rechignait pour se lancer dans des charges vives à son corps défendant, canalisées par le matador d’Aranda. Sur le point de fuir, il était retenu dans la muleta sur laquelle il fonçait avec rage. Morenito dominait cet exercice et dans le tercio, il servit même des naturelles ! Ces efforts allongeaient la faena et un avis sonnait avant de mettre l’épée pour un pinchazo, une estocade tendida et sonnait un deuxième avis.
Damián Castaño, jeune frère de l’autre matador salmantin Javier Castaño, confirmait son alternative après 10 ans d’exercice de matador et peu de contrats. « Peinanovias » de nom curieux, 603 kg , né en août 2017, acucharado de cornes imposantes était le toro de la confirmation d’alternative. Il se défendait par des coups de tête intempestifs, dans les capes, aux banderilles, dans la muleta et sous l’épée. Un pinchazo et un bajonazo, des descabellos ne laisseront pas un grand souvenir ni au ganadero ni au toricantano retardé… pas plus qu’au public… Le 6ème, large de cornes, sans trapío pour ses 566 kg. non protesté par le public condescendant aujourd’hui, s’arrêtait sans vouloir attaquer la cavalerie, il était piqué en secouant l’étrier du picador et sortait seul de la deuxième rencontre. Par contre, dès le tercio de banderilles, ce toro ne cessait de bouger: il allait à sa guise et, dans la muleta, il passait sans se livrer, n’étant pas non plus fixé ni dominé par Damián Castaño. La mise à mort s’accordait à cette peu brillante prestation : deux pinchazos, une estocade delantera et atravesada.
(*) Métaphore taurine pour désigner les cornes des toros lorsque celles-ci sont de grandes dimensions en référence au gréement des navires ou bateaux à voile…
Fernando Robleño : silence ; saluts. Morenito de Aranda : saluts ; deux avis et applaudissements. Damián Castño : silence aux deux. Fernando Sánchez de la cuadrilla de Morenito, saluait après une paire de banderilles au 5ème. 15.544 spectateurs. |
Georges Marcillac
Photos de Plaza 1