La corrida en ce jour de fête à Madrid qui célébrait son patron, San Isidro, Las Ventas enregistrait la meilleure entrée de la feria jusqu’à ce jour pour 22.275 spectateurs. Ambiance de fête, donc, avec le cortège des chulapos et chulapas – les madrilènes en costumes typiques – pour une corrida de toros du Puerto de San Lorenzo, élevage habituel à Madrid représentant l’encaste Atanasio Fernández de Salamanque. Alberto López Simón, du barrio de Barajas était le seul madrilène du cartel puisque accompagné de David Fandila « El Fandi » de Grenade et Paco Ureña originaire de Lorca de la province de Murcie. De cette corrida on retiendra surtout un grand toro, sorti en deuxième position, de nom « Cuba II », de 585 kg, qui se révélait après les piques et offrait une charge longue et « humiliée » dans la muleta de Paco Ureña qui fut sur le point de marquer un grand coup sans sa déficience ou malchance à l’épée. Les autres pensionnaires du « Puerto » avaient des hechuras typiques de leur encaste - hauts sur pattes, sans morillo, des encornures raisonnables - et comportements divers : abantos de sortie, faible le 1er, manso le 4ème, allant a menos les 3ème et 6ème ; les 2ème et 5ème furent les plus complets à la muleta.
Paco Ureña marquait ses intentions dès le début par des véroniques allant du tercio jusqu’au centre de la piste, terminées par une demi-véronique en molinete. Le toro mal piqué donnait malgré cela le jeu nécessaire pour un grand triomphe qui n’eut pas lieu. Le toro s’était bien déplacé durant le tercio des banderilles de telle sorte que Paco Ureña, en début de faena, le «citait» de loin pour une première série de la droite. Là, le toro ne semblait pas avoir suffisamment de force et le torero n’avait pas encore pris sa mesure. Par la suite, le toro allait à más répondant aux cites et aux séries alternées de la droite et de naturelles, la tête basse dans la muleta et répétant les charges, passes liées, le torero le compas ouvert, parfois exagérément, et terminées par des passes de poitrine profondes, si profondes que le torero en sortait parfois bousculé.
Des passes, le regard en direction du public, comme dans le pase del desdén et, pour terminer, des passes aidées par le haut et le bas. Une faena complète que Paco Ureña gachait par une succession de pinchazos et l’oreille conquise s’envolait. En prolongeant trop la faena, le toro s’était désunis et ne pouvait pas être bien fixé pour la mise à mort. Pour vouloir se racheter, Paco Ureña faisait de tout dans sa faena au 5ème, un toro long, donnant l’impression de maigreur – escurrido de carnes - malgré ses 547 kg, suelto de sortie, qui n’ «humiliait» pas. Malgré cet inconvénient, il restait ferme dans les cites et surtout dans les passes à mi-hauteur, pour une charge un peu désordonnée au début, qui se réduisait sur la fin. Paco Ureña concluait sa faena par des manoletinas et en remate, le meilleur, une naturelle basse et une belle passe de poitrine. Il se jetait sur le garrot pour placer une lame entière sortant accroché – cogido – de cette rencontre dramatique. L’oreille était cette fois-ci concédée. Une remarque : le péché de Paco Ureña est sans doute de tomber dans le toreo encimista, ce qui, à la longue, devient crispant…
David fandila « El Fandi » n’était pas très heureux dans le choix de ses toros, mystère du sorteo, pour avoir touché deux toros l’un sans force perdant souvent l’équilibre et ne répondant à aucune des invites du torero qui en plus n’avait pas brillé aux banderilles. Peut-être avait-il demandé trop à ce toro déjà faiblard ? Au suivant, le 4ème, il réalisait un spectaculaire tercio de banderilles, deux paires al sesgo por fuera et une autre de la moviola profitant de ses facultés physiques mais aussi techniques dans cet exercice où il excelle…quand il le veut bien. La mansedumbre de ce toro éclatait à chaque passe dont il sortait en cherchant un terrain libre ou se réfugiant près des tablas. C’est dans ce dernier terrain qu’il poursuivait l’animal fuyard pour enfin, au premier arrêt, avec métier, lui porter une estocade à la course.
Alberto López Simón aurait pu obtenir un certain succès, surtout pour sa première faena à d’un toro qui avançait par petits sauts dans la muleta. Il restait fixe dans son placement et laissait la muleta pour la répétition des passes. A priori, ce n’était pas facile. Ensuite venait une série quelconque, au fil de la charge rectiligne du toro, la jambe contraire défaussée tel que nous habitue le toreo moderne. Le toro n’en pouvait plus après deux ayudados, un por alto et un autre por bajo avant de terminer par des manoletinas (lui aussi). Entre-temps, sonnait un avis pour une demi-estocade et deux descabellos. Après une bonne deuxième pique de « Tito » Sandoval, le 6ème, se déplaçait au ralenti, la tête basse, sans transmission. Le jeu du torero en était facilité mais sans grand intérêt pour personne. La charge du toro se réduisait et malgré l’insistance d’Alberto, il ne se passait plus rien. Deux pinchazos suffisaient pour «abattre» ce toro insipide.
La cuadrilla d’Alberto López Simón se distinguait aux banderilles et saluaient successivement Vicente Osuna et Jesús Arruga, était applaudi «Tito»Sandoval à la pique.
David Fandila « El Fandi » : silence aux deux. Paco Ureña : un avis et saluts ; une oreille. Alberto López Simón : un avis et silence aux deux.
Georges Marcillac