La traditionnelle corrida de la Presse de Madrid recevait l’adhésion du public et les guichets de Plaza 1 affichaient le no-hay-billetes. Il faut dire que les toros de Victorino Martín qui étaient annoncés font habituellement le spectacle et leur réputation est connue même par ceux qui ne se considèrent pas aficionados. Face à eux, deux matadors, en mano a mano, Paco Ureña et Emilio de Justo, administrés par l’ex-matador Juan Diego et Tauroemoción, empresa dirigée par Alberto García, respectivement. Tous deux, peuvent se targuer des faveurs du public madrilène et être considéres “experts” des toros d’origine Albaserrada. Le lot d’aujourtd’hui était d’une présentation irréprochable, tous cinqueños, arborant des armures imposantes, cornivueltos. On connaît le tempéremment de ces toros et ils ne fallirent pas, certains dangereux en fins de faenas, d’autres plus nobles, tous respectables dans la piste aussi bien pour les subalternes que pour les deux matadors. Aux piques, c’est peut-être au 4ème que la suerte de varas fut la mieux exécutée. le picador Germán González recevait une longue ovation. À la fin de la corrida, le mayoral Felix Majada, était invité à saluer en honneur, une fois de plus, à la bonne tenue et présentation des toros de Victorino Martín.
Paco Ureña est un torero de pundonor et les raclées qu’il subissait à ses deux premiers toros ne le faisaient pas reculer et il restait en piste malgré une blessure au front et autres invisibles. Il devait sortir du tercio son premier victorino car il ne parvenait pas à le fixer dans la cape. Le toro se déplaçait, la tête en l’air et il allait ainsi au cheval pour deux piques, tête figée dans le peto, le picador s’appuyant fort sur l’échine du toro. Le quite d’Emilio de Justo par chicuelinas, confirmait le port de tête et la courte charge de l’animal. À la muleta, le tanteo montrait que le toro passait mieux du côté droit et c’est par des derechazos que la faena débutait, sans l’”humiliation” du toro. La série suivante, de bons tracés, se terminait par une passe de poitrine qui augmentait la tendance du toro à tirer des hachazos. Paco Ureña était déséquilibré en fin de passage d’un derechazo et piétiné pendant de longues secondes. Le toro avisé ne permettait plus grand chose et le torero, ses facultés physique diminuées, portait une estocade, entrant droit, de laquelle il était de nouveau accroché. Sous l’émotion, le public demandait une oreille - exagérément - qui n’était pas accordée. D’entrée, le 3ème acceptait de bonnes véroniques, courtes, mais il passait. Le picador Juan Melgar piquait bien, un peu en arrière, et Emilio de Justo récidivait dans un quite par chicuelinas accélérées. La fijeza du toro lors du deuxième tiers et sa qualité de charge dans les capes étaient mise à profit, à la muleta, par Paco Ureña qui pouvait toréer a gusto, compas exagérément ouvert, dans des derechazos “templés”. Le toro se freinait dans les naturelles qui n’avaient pas la même profondeur que les passes de la droite précédentes. Ureña insistait de ce côté, d’abord pieds joints, puis compas semi-ouvert, le toro se retournait, la tête à mi-hauteur. Il finissait beaucoup mieux pour deux bons derechazos d’une dernière série, passes courtes mais bien “templées”. Un pinchazo précédait une estocade delantera, contraria, qui roulait le toro. Encore une fois, la pétition d’oreille était importante et le président décidait de concéder l’oreille! Le 5ème était un toro applaudi à son entrée en piste. Paco Ureña le sortait des tablas. Il avait tendance à puntear légèrement dans le capote mais cela ne gênait en rien la suite à condition d’éviter les enganchones en fins de passes. Le toro sortait des piques, tête relevée, ce qui gênait la pose des banderilles. La charge, sosa, à mi-hauteur, obligeait Paco Ureña à “perdre des pas” et profiter de l’inertie de cette même charge pour pouvoir lier les passes. Tout le mérite revenait au matador qui resteait ferme et attendait la charge du toro, tardo et avisado. D’ailleurs, en amorçant une passe de poitrine, le toro l'accrochait sans vraiment le blesser. Des desplantes, inútiles, dans un arrimón tout aussi saugrenu, précédaient une estocade, tentée à recibir qui se réduisait à une demi-lame, dont l’effet n’était pas immédiat. Sonnaient deux avis avant le descabello.
Emilio de Justo devait sortir des tablas le 2ème, un toro de 580 kg. cornivuelto, qui, dans cet exercice de capotazos sur les deux cornes, chargeait “humilié” et qui poussait sous les piques, fixement la tête dans le peto. Les doblones du début de faena confirmaient cette bonne disposition mais ce toro réagissait au moindre enganchón. Les premières naturelles, ajustées et lentes, inclinaient Emilio de Justo à changer de tactique dans la série suivante: cite à distance et petits pas de correction qui permettaient d’éviter un corps à corps problématique. Il changeait de main et dessinait une bonne série de la droite, "templée". La suivante n’était pas aussi parfaite car le toro se serrait et, surtout ne chargeait plus pareil, tardo, et la tête relevée. Une dernière série de la gauche, pieds joints dans le cite, obligé de “rompre” car le toro terminait avisado. Estocade tendida, desprendida. La pétition d’oreille n’était pas admise par le président. Des capotazos de brega recevaient le 4ème qui se freinait. D’un bel élan, ce toro allait au cheval pour deux piques bien placées et de châtiment bien dosé. Ovation au picador Germán González. Aux banderilles, le toro, rétif sur le côté droit, obligeait Morenito de Arles à passer en faux. Cette attitude réservée du toro se poursuivait à la faena de muleta. La pluie et le vent qui se levait obligeaient Emilio de Justo à changer de terrain vers le tendido 6 pour tirer des natuelles au ralentí. Sur la droite, le toro s’arrêtait et à l’épée la demi-estocade croisée était d’effet immédiat. Le 6ème et dernier, ancho de sienes, cornivuelto, impressionait pour son encornure mais on ne remarquait pas ses 524 kg… Comme aux précédents, le capoteo de réception conduisait le toro au centre de la piste (les victorinos se prêtent rarement aux véroniques artistiques habituelles). Devant le cheval, le toro s’élançait pour une première pique, tête relevée dans le peto. La deuxième était ratée et, malgré la rectification du picador, le toro n’était pas piqué. Sans le tanteo habituel, Emilio de Justo “citait” sur la droite pour deux séries avec une bonne charge du toro qui relevait la tête en fins de passes. Sur la gauche, il s’appliquait dans des naturelles accélérées au début et plus “travaillées” les suivantes et remate par le bas. Les derechazos suivants étaient cités à distance et liés après correction de position. Cites à la voix et posture forcée d’Emilio de Justo qui terminait par des passes par le bas avant de prendre l’épée et porter deux pinchazos et une estocade basse d’éffet rapide.
Paco Ureña: saluts et forte pétition d’oreille; oreille; deux avis et división d’opinions. Emilio de Justo: saluts après pétition d’oreille; un avis et silence; un avis et applaudissements. Se distinguait aux banderilles la cuadrilla d’Emilio de Justo. Le Roi Felipe VI assistait à la corrida en barrera du Tendido 9, assisté de l’ex-matador Paco Ojeda et accompagné du ministre de la Culture, Miguel Iceta, et du maire de Madrid, José Luis Martínez-Almeida. Un peu de pluie et vent au 4ème. 22.964 entrées payantes. |
Georges Marcillac
Photos de Plaza 1