En l’absence de soleil et sans chaleur caniculaire, s’est déoulée la deuxième corrida à Plumaçon et un nouveau lleno était enregistré. Le cartel réunissait Sébastien Castella, de retour dans le circuit des férias, Daniel Luque, triomphateur l’an passé, et Dorian Canton, jeune matador béarnais qui réapparaissait après l’interruption de sa saison à la suite d’une blessure au tendon du pouce de la main droite au cours d’un entraînement survenu début juin. Ils affrontaient des toros de El Pilar, une branche JP Domecq de Moises Fraile par Aldeanueva. Ces derniers font partie de toros prisés par les figuras bien qu’ils ne donnent pas exactement ce que l’on attend de toros de cette origine, principalement par le physique et par le moral, comme ceux de cet après-midi: des toros pas toujours très costauds, charpentés, et d’une tendance à la sosería, donc d’une noblesse assez ennuyeuse. Des cinqueños, sauf le 1er et le 5ème, volumineux, très épargnés aux piques et dont le rendement s’est amélioré entre les mains expertes de Daniel Luque principalement. Sébastien Castella, malgré ses efforts, n’arrivait pas à s’accorder à ses toros. Dorian Canton, lui, ne suscitait pas l’enthousiasme des aficionados? qui ne reconnaissaient pas ses mérites principalement au 6ème, sobrero du même fer de El Pilar.
Daniel Luque est donc sorti en triomphe de cette corrida après une exhibition de technique et élégance face surtout à son premier, corpulent et raisonnablement armé. Il était reçu avec parcimonie et suavité car il avait tendance à fuir la cape. Il s’ensuivait, comme dans une ronde, des mouvements - en redondo - qui entraînaient le toro vers le centre du ruedo, comme aimanté par l’étoffe (percale) sans un accrochage, sans brusquerie, du grand art! Le maestro s’occupait de la brega pour un tercio de piques où le toro tirait des coups de tête au premier contact, peu châtié au second. Ivan García saluait pour sa pose spectaculaire de banderilles. Avec la muleta, Daniel Luque poursuivait sa démonstration toréant à mi-hauteur, avec autorité et élégance. Les séries de la droite ètaient longues, plus que les deux ou trois passes et passe de poitrine standardisées. Parmi cela, de la gauche, l’enchaînement parfait des passes, une grande et profonde naturelle et la passe de poitrine. Sans compter le placement et l’entame de chaque série par un molinete ou ayudado por alto. Mesurant la durée de la faena, dans un bouquet de passes il menait le toro vers le tercio par des passes alternées en changeant de main. Il la prolongeait néanmoins, pour le plaisir, le sien et le nôtre, dans une últime série de derechazos en mouvement calculé avant les fameuses luquesinas, hésitantes au début et vibrantes les suivantes. Estocade un peu tombée, un avis et deux oreilles!! Daniel Luque avait le toreo et “fait” le toro. À la réception du 5ème, le même processus à la cape aurait pu avoir lieu – tentative – mais ce toro n'était pas disposé à collaborer et de plus il avait les forces limitées après des piques en simulacre, de telle sorte que la faena caressante de Luqe n’avait plus le même intérêt qu’au 2ème, des détails effectivement mais cela n’était pas suffisant. Une estocade habile à toro avancé et un peu tombée en finissait avec ce toro quelconque. Un avis.
Sébastien Castella, reçu par une ovation au terme du paseíllo. Le 1er faible, suelto, n’était pas piqué, et fuyait dès le premier muletazo. L’absence de classe au passage dans la muleta ni la qualité des passes rendaient la faena dénuée d’intérêt. Une estocade verticale, bien placée et ce fut tout. Le 4ème avait meilleure allure, haut sur pattes mais encore le manque de fixité et tendaence à sortir de la suerte rendaient la brega un peu compliquée mais sûre de Rafael Viotti. Le cheval était soulevé à la première pique, la deuxième était escamotée alors que le toro chargeait encore tête baissée dans le peto. Ce signe de bravoure s'éffilochait au cours de la faena de muleta, Sébastien Castella chercahait par le temple à intéresser le toro, il toréait facile… avec les pans de la muleta… Le toro réticent, ne chargeait pratiquement plus, Estocade trasera et basse. Un avis.
Dorian Canton réapparaissait donc après 45 jours d’arrêt forcé et, tout en montrant parfois des erreurs de placement ou réaction lorsque ses toros le serraient de plus près, il montrait à bien des égards, une qualité intrinsèque du toreo: le temple. Son premier était renvoyé au corral pour une légère mais visible déficience d’appui de la patte arrière droite.
Sortait, le 6ème du sorteo, un toro noir, meano corrido, bragado, axiblanco, qui s'échappait de la cape et recevait un châtiment discret aux piques. Les premières passes de tanteo, par le haut et celles de la première série de la droite, à mi-hauteur, ménageaient ce toro de forces réduites. “Cite” à distance, la série complète de derechazos montraient à l’évidence, dans le geste, le temple qui ne pouvait être maintenu dans les naturelles suivantes. Le toro passait dans la muleta avec un léger cabeceo, suffisant pour accrocher sans conséquece la jambe gauche de Dorian. Des manoletinas pour se redonner courage et une grande estocade – l’estocade de la feria à ce jour! – qui valait à elle seule l’oreille. Le sobrero de El Pilar, gardé en réserve et pour cause, de poids et encornure notables, jettait ses pattes avant dans la cape de Dorian Canton et se retournait vivement, dans des charges courtes. Le quite par chicuelinas devraient rester dans les mémoires, bien que modéremment fêtées, car elles furent TORÉES, c’est-à-dire que la cape n’était pas retirée brutalement comme c’est habituellement le cas, mais accompagnant la charge du toro. Encore le temple! De la faena de muleta, presque exclusiment sur la gauche, on remarquait plusieurs séries de naturelles, à mi-hauteur certes, mais le torero, vertical, ne semblait pas gêné et au contraire terminait par une très bonne tanda… sans que cet intéressant trasteo fut accompagné par la musique, le public resté indifférent! La mise à mort n’ètait pas aussi réussie; un pinchazo bas et un laid metisaca tangent aux flancs du toro suffisaient, néanmoins.
Sébastien Castella; silence; un avis et silence. Daniel Luque: un avis et deux oreilles; un avis et saluts. Dorian Canton: une oreille; silence. Aux banderilles Ivan García et Juan Contreras, de la cuadrilla de Daniel Luque saluaient après la pose des banderilles au 2ème et 5ème respectivement, Rafael Viotti de la cuadrilla de Sebastien Castella et Mathieu Guillon de celle de Dorian Canton se distinguaient aussi aux banderilles. Toros sifflés à l’arrastre… |
Georges Marcillac
Photos d'André Viard pour mundotoro.com