Mont-de-Marsan - 17 juillet 2019 - 1ère de Feria de la Madeleine - Idylle et état de grâce de Daniel Luque dans le Sud Ouest.

La première de la Feria de La Madeleine réunissait trois matadors dont la réputation dans le Sud Ouest n’est plus à faire. Face aux toros de La Quinta, c’est Daniel Luque qui confortait sa position dans notre région alors qu’Emilio de Justo et le «régional de l’étape» (on est en plein Tour de France cycliste) Thomas Dufau ne convainquaient que par intermittence lors de leurs prestations. Les toros de La Quinta avaient bien les allures de l’encaste Santa Coloma: robe cárdena, pas trop de cornes, du tempérament, du genio pour le 6ème, de la sosería le 5ème, de l’endurance - tous mourraient la bouche fermée -, des tendances à la distraction et pour la plupart celle de terminer leurs passages dans la muleta la tête en l’air avec plus ou moins de complication comme le 1er, d’ailleurs le seul cinqueño du lot. Certains ne recevaient pas trop de châtiment aux  piques et les picadors en étaient fêtés pour cela, d’autres, plus sévèrement châtiés en arrière, ne s’en ressentaient pas pour autant. Comme les poids n’étaient pas affichés, on ne peut se fier qu’aux hechuras, au trapío, les 1eret 6ème conjuguant ces deux qualités.

De toute évidence l’air du Sud Ouest sied parfaitement à Daniel Luque car après Vic, Aire sur l’Adour et La Brède, c’est aux Arènes du Plumaçon qu’il étalait son talent et son toreo à la fois dominateur et gracieux. C’est au 4ème, prénommé «Vendaval» (vent fort et violent), qui n’avait pas les caractéristiques de la bourrasque mais plutôt une vivacité, noblesse et «humiliation», que Daniel Luque mettait à profit dès les premières véroniques, lentes, profondes, «templées». Ensuite, un tanteo époustouflant marquait le début de la faena de muleta, composé de passes par le bas, trincherazos, naturelles, trincherillas, le tout lié sans à-coups, en marchant vers le centre de la piste.  Les séries, se succédaient surtout de la droite, où le toro se déplaçait dans une charge longue, le museau dans le sable, sans un seul mouvement de tête, le corps du torero vertical, relâché. Un changement de main suave concluait une d’elles et amenait les naturelles moins longues car le toro levait la tête à la sortie. Une série de naturelles, sans l’ayuda, annonçait les luquesinas qui arrivaient, sans la limpidité souhaitée.  Le plaisir de toréer prolongeait  de trop une faena qui aurait pu être mieux terminée que par des passes par le bas embrouillées car le toro, en bon santa-coloma, ne s’en laissait pas trop conter. La mise en suerte pour la mort obligeait Daniel Luque à changer de terrain pour porter une estocade quasi entière, restant sur la face. Il devait conclure par un descabello, au toro blessé mais toujours vif, quand sonnait un avis. La demande d’oreille, unanime, était accordée.

                                  

A son premier, sans trop briller, Le torero de Gerena (Séville) ne parvenait pas à corriger complètement le défaut de tête du cinqueño, déjà entrevu dès les premiers capotazos. Cet inconvénient paraissait avoir disparu après la rencontre avec les piques mais restait évident dans la muleta que Daniel Luque laissait, malgré tout, inaccessible aux derrotes continus du toro. Là était tout son métier. L’estocade d’un trois-quarts de lame était d’effet rapide. Silence.

Emilio de Justo commençait fort bien sa faena au 2ème par des doblones qui se voulaient plus artistiques que dominateurs. La suerte de varas révélait une certaine faiblesse des antérieurs mais la perte d’équilibre ne se reproduisait pas durant la faena. La charge du toro, bien meilleure de la corne droite permettait une bonne série «templée» sur la fin, allant a más, toro et torero. A gauche ce n’était pas pareil, les deux doutaient, l’un avant de charger, l’autre pour se placer. La reprise à droite confirmait la qualité du toro sur la droite mais sa charge se réduisait. Il était temps de prendre l’épée de matar et une dernière série de naturelles, pieds joints n’ajoutait rien à l’affaire. Un pinchazo trasero et une estocade basse valaient le silence de l’assistance qui toutefois applaudissait la dépouille du toro à l’arrastre… Le 5ème, pas très beau, haut sur pattes et armé large, était le modèle de toro qui, par sa charge molle, noble et continue, n’intéressait personne sauf le torero qui s’évertuait à donner des passes. La sosería patente, parfois caractéristique des santa-coloma, exaspérait le public alors qu’Emilio de Justo, à genoux, dessinait des passes en redondo… Pinchazo et une estocade un peu basse. L’avis rappelait que la faena s’était éternisée. Apparemment le cacereño saluait pour son compte.

Nul n’est prophète dans son pays, dit le proverbe, et Thomas Dufau en faisait l’expérience au cours de ses deux prestations de l’après-midi. Tardo le 3ème, il entrait néanmoins avec vigueur dans la muleta sans trop «humilier» et gênait le torero qui en toréant al hilo, avec des accrochages de l’étoffe, n’arrivait pas à s’imposer. Le public priait de stopper la musique qui entreprenait un pasodoble incongru étant donnée la circonstance de la faena. Les descabellos, après un pinchazo hondo, provoquaient un avis, le tout sanctionné par un avis et silence. Le dernier, plus costaud et vif, bien piqué mais pas assez, allait prendre le dessus du matador landais, qui donnait des passes sans s’imposer se faisant déborder. Il était même déséquilibré au sortir d’une passe et roulé au sol avec peut-être un puntazo à l’arrière de la cuisse droite. Voulant sans doute bien terminer et se racheter par une dernière série de naturelles, Thomas se voyait mis en danger car le toro se collait et se retournait brusquement. Sonnait un nouvel avis après un pinchazo et une demi-lame tendida.

Dans les cuadrillas, se distinguaient Manolo de los Reyes et «Morenito de Arles» aux banderilles de celles de Thomas Dufau et d’Emilio de Justo respectivement ainsi que Juan José Esquivel le picador de Dufau au 6ème. Celui de Daniel Luque, le deuxième, lamentable dans son manque d’adresse n’entachait pas pour autant la qualité du 4ème ovationné à l’arrastre.

Georges Marcillac

Photos d'André Viard pour aplausos.es

Ce contenu a été publié dans Georges Marcillac Escritos. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.