Sans doute ce fut une des corridas les plus glorieuses pour Paco Ureña – à Bilbao de surcroît - sous une chaleur étouffante et un peu plus d’une demi-arène. Les toros étaient un mix de deux élevages qui en fait n’en sont qu’un seul, Jandilla (1er, 2ème et 5ème) et Vegahermosa (3ème, 4ème et 6ème). Des toros pour Diego Urdiales, Cayetano Rivera Ordoñez et Paco Ureña, ce dernier touchant les deux meilleurs lui assurant un succès extraordinaire. C’est dire que ses compagnons de cartel ne furent pas aussi heureux tout en étant crédités de deux prestations honorables. De poids entre 532 et 548 kg affichés et d’hechuras satisfaisantes sauf peut-être les deux premiers, les pensionnaires de Borja Domecq - père et fils - eurent un comportement moyen sans être trop châtiés. Les deux de Diego Urdiales, les moins commodes, ceux de Cayetano ne tenant pas le rythme qui leur était imposé et ceux de Paco Ureña plus mobiles et nobles, bien « traités » par le torero de Lorca (Murcie)
Paco Ureña affrontait le 3ème, un toro de charge courte dès les premiers capotazos. Il se déplaçait assez peu durant le deuxième tiers tant et si bien qu’Álvaro López «Azuquita» qui plantait sa paire de banderilles au toro arrêté était néanmoins poursuivi, perdant pied contre les planches. Il échappait de justesse à une cogida au sol ! La faena de muleta commençait supérieurement par statuaires, passes par le bas et passe de poitrine, le tout en continuité. L’entame parfaite qui montrait aussi bien la condition du toro - charge courte mais obéissante – que celle du torero parcimonieux mais ferme dans ses gestes et déplacement. Au centre du ruedo se déroulait la faena, par des naturelles, une à une d’abord, liées ensuite. A droite, la série était bouclée par une passe de poitrine en cercle presque complet. La baisse de rythme du toro n’était pas un obstacle, torero et toro ne faisant qu’un, tant les passes des deux mains étaient serrées sans corriger la position. Le tout avec lenteur sans les exagérations de gestes habituelles. Les passes aidées par le haut et par le bas, un genou en terre et passe de poitrine finales - très toreras - précédaient plusieurs essais d’estocade a recibir qui ne s’imposait pas. Finalement Paco Ureña optait pour un estocade al volapié dont il sortait accroché, le toro ayant suivi le matador se défaussant plutôt que la muleta présentée par le bas. Deux oreilles étaient accordées à la suite de l’émotion produite par cette suerte – l’épée un peu tombée – et son résultat concluant. Au 6ème, la détermination et le bon toreo, posé et pausé de Paco Ureña donnaient une autre dimension à la faena. Il fallait à la fois forcer les charges – se croiser - mais aussi garder le bicho dans la muleta, d’où le dessin et le serré des passes, le «temple», le tout avec pureté et bon concept des temps. De nouveau pour terminer, les ayudados por alto et por bajo et une autre estocade, celle-ci meilleure que la précédente qui roulait en un instant le vegahermosa. Le président retrouvait ses mouchoirs et attribuait d’un seul coup les deux oreilles. Paco Ureña signait ainsi deux faenas qui donnaient la mesure d’un toreo, sérieux, sincère, sans concession ni au toro ni au public et qui, par la même occasion, se différenciait de pas mal de ses confrères du haut de l'escalafón...
Diego Urdiales touchait deux toros dont le dénominateur commun était l’absence d’ «humiliation» avec en prime, pour le second, sorti montado, une vivacité dans la charge qui compliquait singulièrement la terminaison des passes, que ce soit à droite comme à gauche. Le danger en était accru et Diego devait batailler dur pour rester maître de la situation, «rompant» par obligation, revenant vers l’animal dans la tentative et l’espoir de lier des passes qui auraient permis de faire faena… Il devait se résoudre à monter l’épée pour un pinchazo et une estocade entière et contraire. Il devait aussi abréger la faena au 1er .Deux séries sur les deux cornes s’avéraient terminées par les hachazos en final et il s’ensuivait des accrochages de muleta. Après cela, le toro déclinait toute charge, se réservant. Diego Urdiales portait un pinchazo hondo en prenant la tangente et une demi-estocade un peu croisée.
Cayetano se démenait tout au long de sa prestation à ses deux toros, avec un jeu varié à la cape, présent dans les quites - l’un d’entre eux par demi-farol, gaoneras et remate par brionesa au 5ème - et toréant avec douceur et «temple» le 2ème qui s’arrêtait sans caste après deux ou trois séries des deux mains. A son second, sans force, il n’y eut pas de faena. Il faut dire que ce toro s’était dépensé au cours des quites – dont un de Paco Ureña par véroniques - les chicuelinas marchées pour l’amener au picador et aux banderilles où se distinguait Joselito Rus. Aux deux, Cayetano, dans son style particulier, se montrait efficace à l’épée. On ne saura jamais pourquoi ce torero volontaire, vaillant et qui paye de sa personne, recevait des sifflets au terme de la dernière faena à ce toro défoncé.
Diego Urdiales : silence ; saluts. Cayetano Rivera : saluts ; division d’opinion. Paco Ureña : deux oreilles aux deux. Sortie a hombros. Torero ! Torero ! Agustín de Espartinas de la cuadrilla de Paco Ureña saluait après la pose des banderilles au 6ème. Les toros 1er et 5ème étaient sifflés à l’arrastre. |
Georges Marcillac
Photos: Arjona pour aplausos.es et Emilio Méndez pour cultoro.es