Azpeitia, ville industrielle de la vallée de l’Urola dans la province basque de Guipúzcoa, est chaque année le cadre d’une fête taurine très particulière. Sur trois jours, avec en son centre le 31 juillet, pour la Saint Ignacio de Loyola - fondateur de la Compagnie de Jésus (1491-1556) - sont programmées trois corridas de toros. Une commission taurine, avec à sa tête son président Joxin Iriarte, est chargée de la gestion sans objet de lucre puisque une partie des bénéfices est versée à des œuvres caritatives et aux sœurs Clarisses de la commune dont les fenêtres du couvent ont regard sur la plaza de toros et desquelles, se penchent les bonnes sœurs pour observer le spectacle… Il faut savoir aussi que le maire actuel d’Azpeitia est de Bildu, parti politique qui en d’autres villes basques s’est opposé aux corridas…
A Azpeitia, le TORO est la référence et le principal élément sinon protagoniste de ses corridas car la commission taurine se donne pour mission de "promouvoir sa passion pour l’intégrité du toro de lidia" et par conséquent de sélectionner les toros, avant de compléter l’affiche avec des toreros disposés à affronter les produits d’élevages qui ont fait leur preuve dans ces mêmes arènes. D’où la fidélité et confiance dans des élevages et encastes comme ceux d’Ana Romero (Santa Coloma), des Héritiers de D. Celestino Cuadri et de Pedraza de Yeltes ( JP Domecq via Aldeanueva et El Pilar), cette année à l’affiche comme en 2015. C’est d’ailleurs dans ces arènes que les pedraza-de-yeltes avaient acquis leur notoriété pour une grande corrida et prix au meilleur toro en 2013. Fidélité aux toreros qui triomphent dont le contrat est renouvelé – s’ils le souhaitent, évidemment - et fidélité aussi des aficionados toristas qui garnissent les tendidos parmi lesquels on comptait, cette année, des représentants de clubs taurins d’Arles, de Nîmes, de San Sebastián (en voisins) et bien d’autres venus individuellement aussi bien de diverses régions d’Espagne et de France. En reconnaissance à cette fidélité, après le paseo de la corrida du 1er août, hommage était rendu aux aficionados français présents tandis que Luis Uranga, représentant de Pedraza de Yeltes, recevait un trophée pour le prix du meilleur encierro de 2015.
Azpeitia possède une longue tradition taurine puisque, déjà, lors de la canonisation de Saint Ignacio de Loyola en 1622, furent organisés des spectacles taurins. En 1846 se produisait une tragédie en la plaza mayor de la ville transformée en plaza de toros, le banderillero José Ventura "Laca", originaire de Deva (Guipúzcoa), de la cuadrilla de José Ituarte "Zapaterito" était victime d’une cogida mortelle en banderillant un toro… déjà toréé. Pour les obsèques, le compositeur Aldalur créait un zortziko qui est interprété de nos jours, à chaque corrida, après la mort du troisième toro par la banda de música en mémoire de "Laca", public recueilli, debout et train d’arrastre au pied de la dépouille du toro mort.
La feria de 2016 peut être considérée comme positive car les trois jours les toros ont répondu aux caractéristiques de leur encaste et les toreros ont, eux, su s’adapter et certains triompher. Le samedi 30 juillet, des ana-romero présentaient les hechuras propres à leur origine, poids et armures sans exagération.
Le 4ème de nom "Malva" nº42 toréé par Juan Baurista recevait le prix du meilleur toro de la feria. Notre compatriote perdait l’oreille avec l’épée après deux faenas, meilleure la deuxième, de style dépuré et technique. La pluie - un vrai déluge aux 2ème et 3ème - et l’état de la piste auraient sans doute permis un plus grand succès des toreros, Daniel Luque recevait une oreille à son premier et on reconnaissait la bonne volonté de Borja Jiménez. Les cuadris du 31 juillet formaient un lot homogène de trapío et d’embestidas "humiliées" favorisant de bonnes faenas comme celles de Luis Antonio Gaspar "Paulita" qui coupait une oreille à chacun de ses toros et était déclaré triomphateur de la feria. Le 1er août, c’était le tour des pedraza-de-yeltes, toros grands, de poids et mobiles mais inégaux de présentation et comportement. Curro Díaz était crédité de la meilleure faena de la feria, torería, duende dans les remates, un plaisir des sens. Joselito Adame coupait la seule oreille au dernier, toro manso mais noble. On peut regretter que, même à Azpeitia, la mono-pique s’est imposée et l’attribution des trophées était peu regardante quant à l’exécution et placement des épées… Les places de soleil restées vacantes aux guichets étaient finalement occupées gratuitement par la jeunesse azpeitiarra. Autre joli geste de l’organisation.
Georges Marcillac