"Hebrea" de Jandilla était un splendide animal, au trapío de Madrid avec des hechuras harmonieuses qui inspiraient le respect.
Je suis, avec Carlos Ilían (Marca), un des rares à avoir mis un bémol sur la vuelta al ruedo de "Hebrea" nº 94 - 527 kg. - 02/12. La presse dans son ensemble s'extasie à propos d'un toro extraordinaire de bravoure. La grande particularité de la presse actuelle est d'éviter à tout prix d'entrer dans les détails et tend à se cantoner et exprimer une opinion à base d'adjectifs et superlatifs sensés emporter l'adhésion et non la démontrer. C'est ce même comportement qui, le moment venu, emportera la perte de la tauromachie.
Mais revenons à "Hebrea" et apportons les éléments nécessaires à la réflexion. Le superbe Jandilla est très mobile dès sa sortie en piste, d'abord avec distraction et une certaine envie de sauter la barrière dès avant le toreo de cape de Sebastien Castella. Il y a une velleité très claire de cela lorsqu'il passe la cape sans se fixer et en allant droit vers les tablas. Ensuite dans la cape du maestro, sa charge est plus rythmée que vigoureuse ce qui explique aussi que S. Castella ait du mal à le fixer sauf dans deux remates qui eux déclanchent des olés.
Au cheval, "Hebrea" gratte le sol puis charge et combat a menos se plaignant du fer en essayant de faire le tour du cheval par l'avant lors de la première rencontre. À la seconde, il gratte et baisse le museau à l'instar d'un toro mansito avant de charger avec alegria et surtout de sortir du peto presque immédiatement à la première sollicitation de la cape de Raphael Viotti.
Dans les moments qui suivent un tercio de varas très mesuré, "Hebrea" glisse et titube durant le quite de Alberto López Simón. Sa charge est toujours plus ondulée que vive ce qui en fait une charge à faveur du torero car prévisible, sans genio, sauf qu'elle démarre par un léger gazapeo. Pendant tout le second tiers, "Hebrea" gratte le sol avant de charger avec alegria comme décrit ci avant. Il gardera toujours la tête relevée au moment de la réunion avec les banderilleros.
Durant la faena "Hebrea" continue à gratter le sol. Il n'humilie pas toujours dans la muleta, mais charge à la demande et va loin en partenaire obéissant. Son comportement va clairement a más, mais ses embestidas deviennent aussi sautillantes. Sa noblesse et sa fixité sur la muleta sont incontestables et représentent un avantage pour le torero. Ceci explique le geste inhabituel de S. Castella qui jette la muleta au sol dans desplante, un mouvement tremendista, qui répond à l'ambiance ressentie dans la plaza.
"Hebrea" a été un bon toro qui est allé a más. Il a montré durant tout le combat des signes ambivalents de bravoure et de doute. Seul la théorie moderne qui base toute la qualité d'un toro sur sa mobilité permet de faire d' "Hebrea" un toro exceptionnel méritant la vuelta al ruedo. Cette vision est partielle et va dans le sens de la dispartion du tercio de varas et de la mise à mort. Ce changement viendra de l'abandon des nuances par ceux qui vivent de la fiesta.
René Philippe Arneodau