Bien que ce soient les toros d’Adolfo Martín et leur réputation qui aient attiré le grand public de Las Ventas, les protagonistes de la journée sont deux toreros opposés par leur concept et style du toreo, leur position dans l’escalafón, le type de toros auxquels ils sont habituellement confrontés, le premier recueillant les faveurs du public, l’autre écoutant les protestations ou même sifflets a priori pour être figura du toreo et peut-être aussi représenté par la empresa de Madrid. En consultant le cartel du jour vous aurez reconnu Rafael Rubio « Rafelillo » et Sebastián Castella respectivement.
Des toros d’Adolfo Martín nous pourrons dire qu’ils ne furent pas à la hauteur de l’attente, ce qui devrait faire réfléchir le ganadero pour l’avenir et la sélection de ses futurs produits. En effet, la présentation était satisfaisante conforme à l’origine Albaserrada marquée par l’empreinte de Saltillo sauf le premier qui était maigrichon malgré ses 543 kg. Les armures étaient respectables avec deux cornivueltos s’échelonnant entre 484 kg, le 2ème le seul au-dessous des 500 kg. les autres allant de 528 à 559 kg. Les trois premiers avaient cinq ans. Au moral, nous dirons que s’ils allaient au cheval, peu chargeaient avec force, les uns restaient collés au peto sans grands efforts de poussée, les autres «protestaient» á coups de tête. Les picadors ne brillant pas particulièrement, s’évertuant à piquer en arrière ou rectifiant si la pique était allée trop loin… « Rafaelillo » faisait piquer ses toros trois fois, la dernière puya n’étant qu’un simulacre pour satisfaire un certain public - ne sommes-nous pas déjà dans la semaine torista ?? - sans trop de raison pour démontrer leur bravoure. La plupart terminaient arrêtés et ce n’était que la vaillance de « Rafaelillo » et la technique de Sébastien Castella qui mettaient en valeur leur travail face à ces toros réticents, les 4ème et 5ème. Les deux meilleurs toros échurent à notre compatriote bien que son trasteo ne fut pas toujours de l’assentiment de certains «puristes» ou trublions. Le troisième comparse, Manuel Escribano, touchait deux toros qui ne lui donnaient aucune option de triompher et encore moins d’exhiber ses talents de banderillero rarement démontrés.
La faena de « Rafaelillo » au 4ème , fut épique avec une touche de tragédie-comédie qui recevait à juste titre l’adhésion du public : sorti en trombe l'adolfo "Malagueño-7", le murcien le recevait par de magnifiques passes de cape, véroniques genou fléchi, bras tendus mais guidant par le bas, à l’antique, un toro qui répétait vivement sa charge. Le toro se déplaçait durant le tiers de banderilles malgré un excès de capotazos de la part de la cuadrilla mais tout changeait dès le début de la faena de muleta. Dans les premières passes le toro se «croisait» dès la deuxième, finissait par s’arrêter n’oubliant pas de «chercher» des deux cornes le corps de l’homme. Dès lors, il n’y avait plus de faena sinon un effort de déclencher les charges radines du toro, à la pointe des cornes, le torero se croisant. Des desplantes et attitudes de maîtrise de la situation malgré l’immobilisme du toro et dessinant parfois, isolées, des passes de bonne facture. Quant au toro il ne semblait pas s’être livré. Ce dernier recevait un pinchazo et un bon 3/4 d’épée. La forte pétition d’oreille n’était pas écoutée par le président qui avait fait, auparavant, sonner un avis. La vuelta de « Rafaelillo » était fêtée par un public impressionné et reconnaissant pour le petit – sans l’offenser – torero de Murcie. A son premier, la faena se déroulait presque exclusivement de la main droite alors que le toro avait montré quelques problèmes de ce côté, les naturelles venaient un peu tard. Faena sin pena ni gloria comme disait ma voisine, conclue par 3 pinchazos et une estocade entière contraria.
Sébastien Castella, en d’autre occasion aurait formé un lío – une grande commotion – pour sa faena au 5ème. Avec ténacité et patience, perdant les pas en début de faena pour habituer le toro à muleta, donnant des toques imperceptibles mais convaincants pour prolonger sa course dans la muleta. Parfois, ce toro fléchissait des antérieurs en fin de passe, s’arrêtait même en milieu et, peu à peu, la faena voyait se transformer le toro en deux ou trois séries liées, les naturelles étant les meilleures au ralenti, templées. Du beau travail moins valorisé par la mollesse des charges et le peu d’émotion transmise par ce trasteo reconnu par les bons aficionados. L’estocade tombait légèrement desprendida. Son premier était d’une telle mollesse, s’arrêtant après chaque passe, défaussant le torero incapable de répéter les passes - ce qui était fortement protesté par le public, toujours le même – que la faena templée par le toro et le torero n’arrivait pas recueillir le minimum d’acceptation. Le toreo de profil du biterrois n’était pas du goût du public. Ce toro recevait l’ovation à l’arrastre après un pinchazo et une bonne estocade entière.
Manuel Escribano accueillait ses deux toros a porta gayola sans grand résultat ni efficacité quant aux capotazos, ensuite véroniques prodiguées dans ce même terrain. Le 3ème, au sortir des piques, allait au pas, gazapeando, perdait cette façon gênante de se déplacer dans la muleta pour finalement ne passer dans aucun côté. Au dernier, la 3ème paire de banderille au quiebro, partant assis sur le marchepied des barrières était la mieux réussie des 6 paires imposées à ses toros avec même des suertes ratées. Le toro avait un bon tranco qui permettait deux cambios por la espalda, allure et galop qu’il perdait ensuite, se déplaçant descompuesto. A gauche comme à droite le toro s’avisait et il fallait abréger. Manuel Escribano devait porter une demi-estocade et un descabello…
« Rafaelillo »: un avis et silence; pétition d’oreille non accordée et tour de piste. Sébastien Castella : un avis et division d’opinion ; saluts et forte ovation. Manuel Escribano : silence ; un avis et silence.
Georges Marcillac