En ce dimanche de Rameaux, la corrida de Victorino Martin, désormais habituelle pour lancer la saison à Las Ventas, avait attiré un nombreux public – plus de 15.000 entrées – qui garnissait tous les tendidos de soleil en une après-midi printanière. Justement ce public montrait tout au long de la corrida une réceptivité positive pour les victorinos et les trois matadors qui devaient les affronter. Après le paseillo des applaudissements prétendaient remercier Fernando Robleño, Octavio Chacón et Pepe Moral de figurer à ce cartel après leurs bonnes prestations de l’an dernier, mais ceux-ci, par modestie ou concentration ne répondaient pas à l’invitation et restaient derrière leur burladero. Les toros de Victorino, tous de cinq ans sauf le 3ème, ne répondaient pas non plus à l’attente qu’ils génèrent: fait peu habituel les six étaient sifflés à l’arrastre. De belles hechuras et trapío les trois derniers, un tío le 1er, le 2ème recevait quelques protestations à la sortie du toril avec ses 489 kgs. Le seul qui s’accordait à la réputation des alimañas des albaserradas de Las Tiesas fut le premier de nom «Minorista» qui au contraire développait un sentido majeur et apportait l’émotion absente du reste du lot. A la mollesse des charges des 4ème et 5ème s’ajoutait de toute évidence un manque de caste. Le 6ème , de surcroît, affichait une faiblesse du train avant. De plus, il était illusoire de voir de la bravoure durant le tercio de varas après des élans et charges longues au cheval, une poussée qui provoquait la chute de la cavalerie car le toro renonçait aux cites du picador pour une troisième pique avortée. Le public voulait cette troisième pique et manifestement la télépathie ne fonctionnait pas. Avis aux animalistes!
Fernando Robleño, dès les premiers capotazos, devait avoir vu que son toro se «serrait» fortement à droite, néanmoins il débutait sur ce côté et subissait deux dangereuses coladas. Finalement c’était pire à gauche, le danger était latent et mieux valait en finir. Les passes de pitón a pitón précédaient une estocade entière. Au 4ème, après un tanteo qui ne définissait rien de bon pour ce toro qui ne se livrait pas, le Madrilène profitait de sa bonté, noblesse molle, pour dessiner des passes de la droite et naturelles, le corps relâché, vertical, dans un style nouveau et de bon aloi. Sans doute les meilleurs moments de sa prestation et la confirmation d’un torero déjà vétéran dont l’expérience et l’assurance l’amènent à réaliser un toreo reposé et artistique. L’estocade tombait desprendida.
Octavio Chacón avait les faveurs du public et tentait d’y répondre en maniant fort bien la cape pour sortir ses toros des planches et dans un quite au 2ème où il «templait» dans des véroniques et une demi-véronique belmontienne. Ce toro, après des piques insignifiantes, se déplaçait peu, la tête à mi-hauteur. Les passes des deux côtés étaient lentes, certes, le torero se croisait, les passes de poitrine étaient les meilleures mais le toro n’en «voulait» plus. Plusieurs pinchazos et une coupure accidentelle à la main gauche devançaient une estocade entière horizontale. La division d’opinion traduisait la déconvenue des spectateurs. Après un passage à l’infirmerie pour recoudre la coupure à l’index gauche, Octavio Chacón mettait en valeur son toro, sorti en sixième position, qui «humiliait» et laissait entrevoir des qualités qui allaient se révéler inexistantes pendant et après les piques. La faena se réduisait à des passes à un toro amorphe et arrêté. Une estocade et un descabello mettaient un terme à cette prestation décevante bien qu’Octavio Chacón conservait quelque crédit pour sa participation future à la San Isidro.
Pepe Moral, lui, n’était pas dans un bon jour, n’étant pas aidé par ses toros, il est vrai. Il n’y eut pas de faena au 3ème, sans charge, la tête haute, faible de pattes, sans poussée de son train arrière maigrichon (sans culata). Au 5ème - Octavio Chacón étant à l’infirmerie – qui «humiliait» mais se traînait avec mollesse, Pepe Moral, envahi par une prudence qui n’avait pas lieu d’être, donnait l’air de toréer artistiquement au ralenti, décollé du toro sans force ni transmission. Plusieurs pinchazos et descabellos, assortis d’un avis, concluaient une bien piètre après-midi.
Jesús Romero de la cuadrilla de Fernando Robleño saluait après la pose de deux bonnes paires de banderilles au 1er.
Fernando Robleño : applaudissements ; saluts. Octavio Chacón : un avis et timide salut ; silence. Pepe Moral : silence ; un avis et sifflets.
Georges Marcillac