Cette corrida en complément de la San Isidro, close dimanche dernier, était programmée en mémoire de “Yiyo”, jeune matador Madrilène victime de la corne de “Burlero” le 30 septembre 1985 à Colmenar Viejo. Pour cela était offert un grand cartel avec Julián López “El Juli”, Alejando Talavante et Andrés Roca Rey pour des toros de la famille Victoriano del Río de Guadalix de la Sierra (Madrid). Un nouvel no-hay-billetes était enregistré et le beau temps revenu. La grande déception n’était plus à mettre au compte des toros ni des matadors mais de la persistance d’une ambiance désagréable “animée” par un secteur du public dont le comportement ces dernières semaines arrivait à son paroxisme cet après-midi. La sévérité du public madrilène n’est pas une nouveauté. Il y plus de cent ans le grand “calife” de Cordoue, Rafael Guerra “Guerrita” laissait tomber, en son temps, cette sentence: “En Madrid, que toree San Isidro…” ne voulant plus toréer lui-même dans la capitale car, déjà, les vedettes étaient soumises à la vindicte populaire. Actuellement, s’élèvent de la partie haute du Tendido 7 (et pas seulement) des manifestations bruyantes, à contre-temps, sans le moindre respect et, de plus, souvent sans justification, de surcroît de mauvaise foi et absolue méconnaissance des conditions de la lidia. Cela ne veut pas dire que les protestations ne doivent pas être admises si les toros ne répondent pas aux critères et catégorie de Madrid ou bien lorsque les professionnels, par leur attitude ou carences de lidiadores, manifestement sont en-dessous des conditions des toros qu’ils combattent et des règles de l’orthodoxie taurine. Mais il y a des limites que malheureusement franchissent les “experts es-tauromachie” de bas étage et mal éduqués. Les matadors vedettes sont principalement les cibles de personnages irascibles et insultants, plutôt à tort qu’à raison, avec la conséquence de créer une atmosphère toxique conduisant à des échanges d’un tendido à l’autre, nuisibles au déroulement respectueux des toreros qui, eux, mettent en jeu leur intégrité physique pour ne pas dire plus. Lamentable situation que celle vécue dans la capitale mondiale de la tauromachie.
Les toros de Victoriano del Río (2ème, 5ème et 6ème) et de Cortés (deuxième fer de la ganadería) ne partipaient à la fête car leurs charges incertaines, descompuestas et parfois dangereuses obligeaient les trois matadors à user de leurs techniques respectives pour composer des faenas peu brillantes qui éliminaient les chances de succès. La mansedumbre du 5ème, le manque de classe des 1er et 4ème, sans forces le 2ème, le 3ème court de charge et le 6ème, âpre dans des embestidas sèches et serrées, tel était le “matériel” avec lequel les trois maestros devaient composer leurs faenas. Tous cinqueños et de poids échelonnés entre 534 et 574 kg. La suerte de varas ne fut pas à l’honneur, sans trop agressivité des toros et parfois maladresses des picadors!
Andrès Roca Rey coupait une oreille du 3ème dans le tumulte partagé de ses partisans et contestataires. Ce toro avait un bon tranco au début pour ensuite réduire considérablement sa charge dans la muleta. Le double péndulo et passes de poitrine donnaient le ton des intentions de l’as péruvien. Dans la suite, ARR devait forcer chaque passe et réussissait à les enchaîner dans deux séries émouvantes de la droite dans le tercio. Idem, sur la gauche. Dans les cornes à toro presque arrêté, il alternait les passes régulières et celles dans le dos provoquant l’enthousiasme du public. L’épée entrait, en bonne place, légèrement desprendida. La pétition majoritaire de l’oreille était accordée. Sonnaient deux avis… Le 6ème, reçu par des delantales, mal et peu piqué, se déplaçait bien durant le tercio de banderilles. Les statuaires du début faena et le remate par le bas étaient du meilleur effet. Ensuite, ARR cherchait la bonne position et la façon de gérer les charges avant de répondre, dans un geste, à l’impatience et incongruités du secteur réfractaire… Ce toro marquait un temps imperceptible d’arrêt avant l’embroque et ARR, encaissait ensuite les charges, laissant la muleta à la vue de l’animal malgré des retours vifs. A l’amorce d’une passe de poitrine de la gauche, il était accroché au niveau de la poitrine et fortement secoué… sans dommage apparent. Il reprenait son trasteo forceant les charges d’un toro désintéressé qui laissait néanmoins traîner sa corne à chaque passage. Un pinchazo et une demi-lame atravesada suffisait. Cetre fois-ci la demande majoritaire de l’oreille n’était pas concédée, évitant ainsi une sortie par la Grande Porte… règlementaire mais, dans ce cas, hors propos…
Julián López “El Juli” développait avec ses deux toros une technique, qui permettait de les habituer et les garder dans la muleta, leur donnant de l’avantage, au reservón le 1er, “perdant “ des pas au 4ème, sans classe. Il parvenait toutefois à lier principalement des naturelles et garder la maîtrise du peu d’intérêt de ses opposants. A l’épée, le julipié de rigueur avait pour conséquence, une estocade basse et une demi-lame trasera, respectivement, suivie d’une serie de descabellos pour la dernière.
Alejandro Talavante dans un style épuré, toréait ses deux toros sans options. Le 2ème, sans forces et le 5ème de charge désordonnée, sans entrega. Malgré son allure nonchalante, il faisait l’effort de bien toréer sans répercussion sur le public. Il avait “brindé” son dernier toro… Un pinchazo qui précédait une estocade entière et une autre tendida respectivement.
Julián López “El Juli”: ovation; un avis et saluts. Alejandro Talavante: silence aux deux. Andrés Roca Rey: deux avis et une oreille; un avis et vuelta. 22.964 entrées paynates. Lleno. Au terme du paseillo, une minute de silence était gardée en mémoire de José Cubero "Yiyo" (Bordeaux 1964 - Colmenar Viejo 1985) |
Georges Marcillac
Photos Plaza 1