La Fiesta de los Toros réserve toujours des surprises et cette Corrida de la Culture réunissait trois figuras et c’est Paco Ureña, celui qu’on attendait le moins qui triomphait sur toute la ligne. Deux grandes faenas et, surtout, la dernière au 6ème couronnée par les deux oreilles confirmaient, si besoin était, la dévotion que témoigne le public au torero de Lorca (Murcie) qui le lui rend bien par son entrega et sincérité sur le sable de Las Ventas. Sébastien Castella et Andrés Roca Rey complétaient un cartel qui valait à Plaza 1 d’afficher une nouvelle fois le «no hay billetes» en cette corrida où les toros de Victoriano del Río faillirent transformer l’évènement en un fracas tonitruant. Pas très bien présentés malgré les poids et les armures, ces toros n’avaient pas le trapío ni les hechuras du toro de Madrid. Quant à leur comportement, la mansedumbre fut le signe commun de trois d’entre eux (3ème, 4ème et 5ème) et c’est le 6ème qui sauvait la mise : hechuras, bravoure, noblesse. C’est aussi le sorteo qui favorisait Paco Ureña car si le sixième fut le meilleur du lot, le 2ème se déplaçait avec vigueur lors du tercio de banderilles poursuivant dangereusement jusqu’à la barrière Agustín de Espartinas remplaçant «Pirri» dans la cuadrilla d’Ureña. Ce toro montrait une belle charge sur la corne gauche, moins bien sur la droite puisque c’est au cours d’une série de derechazos qu’il allait droit sur le torero et le cueillait au bas de la poitrine dans un derrote qui le soulevait en deux temps. La faena continuait par des naturelles, comme à son début, le toro plus circonspect mais bien conduit par Paco Ureña qui abrégeait pour placer un pinchazo suivi d’une estocade tombée d’effet presque immédiat. L’oreille demandée n’était pas accordée. La faena avait débuté par des passes par le haut, le torero assis sur le marchepied des barrières et, debout, par des passes par le bas qui peut-être n’étaient la meilleure solution car le toro réduisait sa charge. Il faut aussi dire que ce toro s’était dépensé lors du premier assaut au cheval et dans le quite d’Andrés Roca Rey par chicuelinas auquel avait répondu Paco Ureña par delantales et une demi-véronique s’enroulant dans la cape. Après un passage à l’infirmerie et ayant laissé son tour en cinquième position à Andrès Roca Rey, Paco Ureña recevait le 6ème par de magnifiques véroniques «templées» et à la faena de muleta par des statuaires. Les passes par le bas et un pase de pecho énorme concluaient une ouverture de faena explosive, le public debout ovationnait et applaudissait à tout rompre. Les derechazos longs et surtout les naturelles plus courtes mais d’un dessin parfait, terminées derrière la hanche, de grande intensité et beauté, étaient accompagnés de olés rugis par un public extasié et ému. Le toro réduisait sa charge, un arrêt à moitié d’une passe laissait Paco Ureña impassible qui l’obligeait, d’un toque, à aller jusqu’au bout de la passe. . Les naturelles se succédaient, le toro «humilié», noble et brave, repris dans un espace réduit. Le regard vers le public, les passes manquaient de netteté mais qu’importe, conquis le public scandait :Torero ! Torero ». L’épée entière portée avec décision blessait à mort «Empanado» 534 kg, nº62 né en novembre 2014, qui tardait à tomber, le public anxieux de demander les deux oreilles… évidemment accordées. Ce toro avait bien chargé le cheval à la première rencontre, piqué par Pedro Itturalde. La deuxième pique n’était pas trop appuyée. Au deuxième tiers, avec une belle course, Curro Vivas clouait deux bonnes paires de banderilles. Ce toro redorait le blason de la ganadería de Victoriano del Río bien ternie par les exemplaires précédents.
Sébastien Castella moins bien servi par le sorteo promenait son allure élancée et fatiguée au cours de ses deux faenas d’un calme et tranquillité - sans doute apparente – que l’on pourrait assimiler à de la déception et résignation. Il faisait passer ses deux opposants, l’un, le 1er faible mais «humiliant», sans souffle ni transmission et le 5ème, manso dont il fallait après chaque passe éviter qu’il aille s’appuyer vers les tablas. Le désir de bien toréer était effacé par l’inconsistance de ces toros. Notre compatriote n’était guère brillant à l’épée.
Andrés Roca Rey souhaitait sans doute terminer la Feria de San Isidro d’une autre manière et surtout avec cet autre matériel que lui avait destiné le sorteo. Deux mansos devant lesquels il ne semblait être le même, torero arrogant (face aux toros), varié et improvisateur. Ici, ce n’était que des passes techniques réduisant un toro qui refusait le combat, essayant de gommer les défauts, baissant la muleta au 3ème qui «protestait» à chaque passage. Là, il fallait aussi éviter les fuites vers les barrières du 5ème pour finir avec des naturelles lentes dans le tercio mais sans grande importance. Les pinchazos aux deux mises à mort n’arrangeaient pas l’affaire d’ARR qui « écoutait » - fait rare - deux assourdissants silences.
Sebastian Castella : un avis et silence ; silence. Paco Ureña : vuelta après pétition d’oreille ; un avis et deux oreilles. Sortie a hombros par la Grande Porte. Andrés Roca Rey : un avis et silence Le 6ème de Victoriano del Río applaudi à l’arrastre.; silence. 23.624 spectateurs. |
Georges Marcillac