Comme chaque année de nombreux aficionados locaux, de Madrid, de France et d’ailleurs se retrouvent dans cette ville industrielle de la province de Guipúzcoa autour de la coquette plaza de toros que l’on surnomme La Bombonera. Les 4.000 places sont généralement garnies et, le premier jour, était même affiché le no-hay-billetes. Il faut dire que la commission taurine, avec à sa tête Joxin Iriarte, avait bien fait les choses puisque le premier jour, étaient annoncés un cartel sévillan avec Morante de la Puebla, Daniel Luque et Juan Ortega! Des toros de María Loreto Charro de Salamanque se présentaient pour la première fois, alors que les deux jours suivants étaient répétés les santa-coloma de Ana Romero et les portuguais de Murteira Grave. Pour l’empresa le succès est total: des oreilles coupés après des oeuvres magistrales de Morante et Juan Ortega le premier jour, de la personalité et toreo versatile de Danuel Luque qui dut affronter trois toros le deuxième jour par suite de la blessure de Diego Urdiales et comme point culminant de la feria, l’indulto de “Almirante” de Murteira Grave, le vendredi après une démonstration du Venézuélien Jesús Enrique Colombo. Ce fait historique devrait augurer, de nouveau, la présence de l’élevage portuguais l’an prochain et pourquoi pas la répétition des principaux acteurs de la cette cuvée 2024 qui restera dans les mémoires. Par une minute de silence, hommage était rendu au maestro Paco Camino “Niño sabio de Camas” décédé, la veille au matin, de la feria azpeitiarra. Il est à noter, que dans cette arène de troisième catégorie, sont affichés les poids des toros! Pourquoi ne le fait-on pas en France, même dans les places de première catégorie… françaises?
Mercredi 31 juillet – Encourageante reprise de Morante. Juan Ortega arrête le temps. Luque se démène. Sortie a hombros des trois Sévillans.
Après son succès enregistré une semaine auparavant à Santander, Morante de la Puebla était attendu avec le doute des aficionados à propos de l'état animique et les semaines d’absence de los ruedos depuis le mois de juin du maestro de La Puebla del Río. Azpeitia a pu fêter ce retour après la faena au 4ème, de Loreto Charro, un toro dont la vivacité après une seule pique mettait en danger Curro Javier en clouant de justesse deux paires de banderilles près des planches. Faena classique de maestro, entamée par des ayudados por alto au fil de la barrière, un molinete belmontista et la passe de poitrine achevaient un tanteo prometteur. Une énorme série de naturelles améliorait encore plus les séries précédentes, principalement de la gauche, qui avaient composé un trasteo sobre et mesuré, malgré quelques défauts de tête du toro. Des passes hautes rappelaient un autre maestro - Antonio Ordoñez – avant de porter une estocade de souverain effet. Le premier sorti du toril, sans hechuras, commode de cornes, peu piqué par Pedro Itturalde, aplomado, sans charges, ne permettait rien. Dans ces circonstances Morante ne fait pas d’effort à l’épée…
Daniel Luque faisait tout son possible au 2ème qui se déplaçait et durait encaissant toutes les passes qui lui étaient prodiguées, trop décollé des trajectoires, toréant à l’aide des vuelos de la muleta. Un pinchazo hondo sans effet et les descabellos qui suivaient, mettaient le point final à une faena, trop longue. Ce toro recevait les applaudissements à l’arrastre. Avec un toro, le 5ème, de bonnes hechuras mais moins propice au succès, qui s’etteignait au fil des multiples muletazos reçus, Daniel Luque se livrait à un arrimón et laissait une épée tombée. La présidence accordait deux oreilles sans valeur…
Juan Ortega se devait d’être à l’unisson de ses compagnons de cartel du moins pour les oreilles coupées. Mais de quelle manière! Le 6ème paraissait plus "encasté" que ses congéneres mais il allait a menos, à la limite de l’épuisement mais le miracle se produisait dans un quite par véroniques et une demie… éternelle, toute la toile libre du capote se déployant pour une arabesque inimitable. A partir de là, en faisant abstraction de l’état du toro, il n’était plus posible de se détacher du jeu de la muleta, du temple, de l’attraction que produisait l’étoffe dans une lenteur intemporelle. L’obsession de Juan Ortega est de ralentir coûte que coûte la charge des toros, même de ceux qui ne le permettent pas, Quand il y parvient, cela relève de la magie et d’une esthétique à nulle autre pareille. Il couronnait ce petit chef d’oeuvre par une grande estocade… Le 3ème, toro cuajado de 515 kg. était reçu par une série de véroniques, de grand temple, superlentes. Le trasteo de muleta qui suivait était imprégné d’une grande élégance: les doblones un genou en terre, les passes aidées, les remates de la gauche desmayados, mais le peu de trasmission du toro ne permettait pas de relever le niveau de la faena. Deux pinchazos… un avis et un descabello.
Morante de la Puebla: silence; deux oreilles et vuelta triomphale. Daniel Luque: un avis et saluts; deux oreilles. Juan Ortega: un avis et saluts; deux oreilles. Les trois diestros a hombros et triomphe aux essences du Guadalquivir au bord de l’Urola. |
Jeudi 1er août - Nouveau triomphe de Daniel Luque face aux toros d’Ana Romero. Forte contusion costale de Diego Urdiales qui passe à l’infirmerie
L’élevage d’Ana Romero est de toute évidence la ganadería de prédilection d'Azpeitia puisque c’est la onzième fois que ses toros étaient à l’affiche. Cette année, de bonne présentation ils développaient leur jeu caractéristique de l’encaste Santa-Coloma, tantôt compliqués, tantôt d’extrême noblesse. Le premier, de sentido dès son entrée en piste, envoyait Diego Urdiales à l’infirmerie au troisième pinchazo lors de la mise à mort. Sans avoir pu le fixer à la cape, Diego avait eu toutes les peines du monde à la muleta, obligé de corriger sa position, le toro se collant ou se retournant dangereusement. Le manque de confiance du Riojano n’arrangeait rien. Il était mis en difficulté et poursuivi par ce toro toujours vif et avisado. La cogida survenait dramatiquement à la troisième tentative de placer l’épée.
Daniel Luque, avait donc la responsabilité de mettre à mort ses deux toros ainsi que celui de Diego Urdiales. Il remplissait son rôle de torero en plénitude de facultés et les idées claires devant ses opposants. Le 2ème répétait ses charges dans la cape et Daniel Luque pouvait le toréer, en début de faena de muleta, par des passes suaves, le corps vertical et de la gauche, pour ce toro qui semblait mieux user sa corne de ce côté. Sous une menace de txirimiri, la faena se déroulait, Daniel Luque à l’aise et solide, dans son style particulier et il coupait une oreille au meilleur toro de la soirée malgré une baisse de régime sur la fin, après une estocade desprendida. Le 4ème, pas très costaud après une pique tombée et vite relevée, n’offrait pas de difficultés particulères. Il était torée à mi-hauteur pour éviter les fléchissements des pattes avant, essentiellement de la gauche. Une oreille généreuse primait une faena volontaire terminée par une estocade, tendida, trasera.
Après avoir sauté son tour à cause de la blessure de Diego Urdiales, Daniel Luque affrontait un toro qui n’”humiliait” pas dans la cape. Manso, il s’échappait de la première pique mais se battait sous la seconde. À la muleta, il montrait une faiblesse de pattes avant et .. arrière, bien que debout, il livrait des charges de qualité dont profitait le torero de Gerena qui pouvait tout se permettre et qui finalement coupait une nouvelle oreille, après un avis et une estocade arrière d’effet rapide.
Borja Jiménez ne montrait rien de bien convainquant pour sa présentation à Azpeitia. Il relevait de sa blessure grave de Pampelune... Pourtant son toro, le 3ème, en bon santa-coloma chargeait au ralentí et sortait de la muleta la tête en l’air mais pouvait répéter les passes à condition de lui présenter la muleta au bon moment. Â la mort, l’épée tombait basse. Le 5ème avait sûrement la charge la plus claire et la plus répétitive. Borja Jiménez ne profitait de cet avantage . Un pinchazo hondo et une demi-épée en arrière. Au premier tiers, Aberto Sandoval avait bien piqué sans excès de zèle mais bonne technique à ce toro qui avait répondu aux banderilles.
Diego Urdiales, blessé, diagnostiqué d’une fracture de côte et fissuration de deux autres, côté gauche de la cage thoracique. Daniel Luque: oreille; un avis et oreille; une oreille. Borja Jiménez: ovation? aux deux. Juan Contreras de la cuadrilla de Daniel Luque saluait après la pose des banderilles au 6éme. Sans atteidre le plein, belle affluence à La Bombonera…. finalement sans la pluie. |
Georges Marcillac
Photos de Philippe Gil Mir pour mundotoro.com