Le Maestro Enrique PONCE restera dans l'Histoire de la Tauromachie comme l'un des plus grands maestros de tous les temps en vertu de sa technicité, de son élégance, de sa régularité et de sa longévité.
Toujours aussi prolifique malgré l'approche de sa fin de carrière, il laisse libre cours à sa créativité en proposant pour la première fois le 17 Août 2017 à Málaga un spectacle de type "Corrida Picassiana" qu'il a dénommé CRISOL spectacle aux fondements multiculturels. Il s'agit d'une fusion d'Opéra, de Flamenco, de Musique Classique et de Tauromachie. Autour de cette idée le maestro a créé le 14/10/2015 la société CRISOL BY ENRIQUE PONCE SL, société qui présage de sa vision à long terme pour ce spectacle. Le créateur a donc pris le temps de peaufiner son idée et s'est assuré de la collaboration d'artistes de renom dont Javier Conde avec qui il assurera la partie taurine en mano a mano. Le spectacle sera retransmis en direct par Canal Toros Espagne.
Le terme CRISOL signifie Creuset. Subsidiairement, il fait référence aussi à l’anglicisme "Melting Pot". C'est aussi une marque d' huile de soja!
Pour être objectif, il convient de préciser que les éléments constitutifs de CRISOL ont été élaborés en grande partie en France et particulièrement en Arles dans le cadre des Corridas Goyescas. Ce que le Maestro PONCE apporte est une formule aboutie d'un spectacle donc l'objectif est probablement d'être nomade.
Ces précisions étant données, il convient de se poser la question du bien fondé d'un tel mélange des genres.
Au regard de la valeur artistique de chacune des composantes du spectacle, il n'y a aucun doute que chacune d'elles entre dans le champ des Arts. Nous aficionados, savons et clamons que la Tauromachie est un Art. Il est historiquement reconnu comme tel par de nombreux artistes dans des spécialités autres que la tauromachie. Mais cette dernière est aussi un art dont la symbiose entre ses deux protagonistes, l'Artiste Torero et le Toro, est aléatoire. Cet aléa, loin de diminuer la valeur finale de l'oeuvre, est ce qui lui donne, au contraire, toute son intensité. Sans cet aléa la corrida deviendrait chorégraphie, ce qu'elle n'est pas censée être. Dans la corrida le triomphe est incertain, le courage du torero et du toro espéré, et la blessure ou la mort du torero crainte.
La présentation d'un spectacle tel que CRISOL tente de réunir des expressions artistiques dont les rythmes et les messages sont totalement différents. Lorsque un chant ou une danse sont parfaitement définis en contenu et en durée, le toreo est par définition aléatoire et incertain. Pour se donner les meilleures chances d'aboutir à une harmonie de toutes les composantes du spectacle, les toreros doivent tenter de modifier le contenu fondamental du combat tauromachique. Nous le savons trop bien, il sera apporté le plus grand soin au choix des toros pour qu'ils soient plus des collaborateurs que des combattants. Cela va à l'encontre de l'esprit même de la corrida qui a absolument besoin de l'incertitude et du danger pour exacerber, s'il arrive, le moment d'expression artistique.
CRISOL met en exergue les tendances à l'oeuvre dans le mundillo. D'une part les partisans d'une évolution consensuelle de la tauromachie et d'autre part les puristes qui prônent un retour aux fondamentaux. La question qui se pose à propos de l'expression artistique en tauromachie est de savoir si celle-ci résulte uniquement de la gestuelle du torero ou si elle est le fruit de la symbiose entre les spécificités contraignantes du toro brave et la gestuelle du torero qui en vient à bout. En ce qui nous concerne nous pensons que la gestuelle artistique du torero n'a de sens qu'au regard des contraintes et du danger apportés par les spécificités et l'intégrité du toro de combat.
René Philippe Arneodau.