On attendait Andrés Roca Rey après la course d’hier, mais son état physique l’empêchait de faire le paseo. Il était remplacé par Alejandro Talavante après son succès d’avant-hier et la catégorie qu'il représente. L’autre attrait de cette corrida était évidemment la présence de Morante de la Puebla et celle de Paco Ureña, triomphateur de la dernière féria de 2019. Les toros étaient de Puerto de San Lorenzo et de La Ventana del Puerto (3ème et 4ème), deux élevages d’origine Atanasio Fernández/Lisardo Sánchez avec pour le deuxième fer des additions de sang de Jandilla et de El Torreón (JP Domecq). La différence entre les produits de ces deux élevages ne se faisait pas sentir avec dénominateur commun la médiocrité et le peu de possibilités offertes aux matadors. Néanmoins des trophées étaient accordés par le président Matías González dont les critères de décision restent souvent discutables. Il répondait à l’unanimité des pétitions d’oreilles, il est vrai, mais restait inflexible pour l’octroi de la deuxième oreille à Paco Ureña au 3ème. Il n’y eut pas vraiment de grande suerte de varas, certains toros affichaient leur couardise sous le fer et d’autres perdaient l’équilibre à la sortie de l’ « épreuve ». La moyenne des poids à la bascule était de 589 kg alors que certains ne paraissaient pas aussi lourds.
Le triomphateur relatif de cette corrida était Paco Ureña, qui recevait l’adhésion du public par sa ténacité face au 3ème, qui ne montrait rien de positif lors des deux premiers tiers. D’ailleurs, ce toro poursuivait et accrochait Álvaro López « Azuquita » jusqu’à la barrière au sortir d’une paire de banderilles. Le subalterne devait passer à l’infirmerie. Paco Ureña débutait la faena par des doblones, acceptés par le toro sur la droite et qui rechignait en fins de passes sur la gauche. Le toro, mirón, ne démarrait pas aux cites et ne chargeait que sur un court trajet, Le trasteo méritoire de Paco Ureña allait a más malgré les difficultés, les séries de la droite déclenchaient les ovations, le torero se livrant dans une attitude de vérité et extrayant les passes et réussissant même à les enchaîner. Il n’y avait pas à proprement parler de arrimón, mais la proximité des cornes et serré des passes y ressemblaient fortement. A l’épée il entrait droit et sortait accroché, pour une estocade entière. Une oreille et pétition de la deuxième. Il passait à l’infirmerie.
Au 6ème, on retrouvait Paco Ureña boitant légèrement face à un toro de 615 kg, acucharado de cornes qui trottait dans tous les sens et refusait le combat au cheval. Il coupait le terrain aux banderilles, sur la droite, sans grande vélocité ce qui compliquait la tâche des banderilleros. La faena débutait par des statuaires et des passes alternées sur les deux cornes, marchées, accompagnées d’un joli remate. Là, encore ce toro avait peu de charge mais Paco Ureña, insistait et parvenait à tirer de bonnes passes courtes certes, des naturelles tirées jusqu’à l’extrême derrière la hanche. On notait, sur la fin, une série de la droite avec changement de main, un circular inversé et pase del desprecio. Fixe sur ses appuis, il égrenait quelques passes de remate, passes aidées par le bas. L’estocade verticale, basse, faisait son effet et une autre oreille tombait dans l’escarcelle du torero de Lorca (Murcie) confirmant ainsi une nouvelle étape dans sa conquête de Bilbao.
Morante de la Puebla, qui exhibait un vestido de torear tabac et broderies de fils blancs, des bas blancs et une chemise verte assortie habituellement à un costume vert pomme ! Tout pour se faire remarquer. Quant au bon goût ??? Le trasteo au 1er n’était peut-être pas apprécié, mais Morante agissait en lidiador, s’accommodant ou recherchant les terrains et le sens de ses passes en fonction de la mansurronería du toro, allant le toréer près des planches ou vers le toril. Les naturelles sont serrées mais le toro ne « dit » rien. Trois-quarts de lame suffisaient pour coucher le bicho. Au 4ème, cela allait bien plus vite, Des passes hautes aidées au fil des barrières du Tendido 5 se terminaient par des enganchones qui se multipliaient malgré les précautions de donner des passes douces qu’inévitablement le toro accrochait. Demi-estocade en prenant la tangente et allongeant le bras… On devine la réaction du public.
Alejandro Talavante, arrivait un peu en retard, il venait de loin, sans doute appelé le matin même pour compléter le cartel en l’absence de Roca Rey. Le 2ème était un toro qui se déplaçait sans codicia, sans vitesse, dans les premières véroniques desquelles il sortait sans envie d’y retourner… Cette tendance se manifestait aussi pendant la faena de muleta, sans se livrer l’animal. Malgré cela, Talavante signait des séries de la droite, passes plus réunies. Sur la gauche, il ne se passait rien. Le toro noble, sans transmission, acceptait une dernière série de derechazos. Une bonne estocade, entrant lentement et un descabello valaient au torero de Badajoz une oreille pour une faena, loin de la mériter. Le 5ème enseignait une faiblesse, soit du train avant, soit du train arrière. Avec ce « matériel » Alejandro Talavante dédiait sa faena et la mort du toro au public ! Les séries des deux mains se limitaient à deux ou trois passes et la passe de poitrine car il ne fallait pas brusquer ce toro qui s’arrêtait. Le talent et la facilité du torero faisaient le reste… Une estocade de lente exécution, cette fois-ci tombée, achevait l’actuación de Talavante.
Morante de la Puebla : saluts ; sifflets. Alejandro Talavante : une oreille ; silence. Paco Ureña : une oreille aux deux. Grande entrée. Beau temps. Déception. |
Georges Marcillac
Photos BMF