On retiendra de ce mano a mano entre Curro Díaz et José Garrido la vergüenza torera, le pundonor de deux toreros qui furent sévèrement accrochés par les toros sortis troisième et quatrième et qui continuèrent leur dur labeur sans toutefois triompher. Mano a mano atypique de deux toreros qui par leur différence d’âge, leur style et leur « pedigree » professionnel ne paraissaient à priori un jour être opposés, surtout à Madrid. L’un, Curro Díaz de Linares, après 19 ans d’alternative, sortait a hombros de Las Ventas le dimanche des Rameaux – succès qui lui valait de nombreux contrats cette année - et qui confirmait à chacune de ses prestations ses grandes qualités de torero artiste et bon matador. L’autre, José Garrido de Badajoz, qui dans sa deuxième année de matador de toros après une brillante carrière de novillero, « décollait » vraiment après ses triomphes en août à Bilbao et glanait des contrats imprévus au gré des remplacements de toreros blessés comme ceux, entre autres, du péruvien Andrés Roca Rey.
Ils étaient opposé à des toros de Puerto de San Lorenzo qui, aujourd’hui se révélèrent, mansos, compliqués, avec du genio (le mauvais), âpres sauf les deux derniers plus pacifiques et toréables. Les cogidas endurées par les deux toreros ne les faisaient pas reculer et ils revenaient au combat – José Garrido après un passage à l’infirmerie – sans arriver complètement à conclure leurs faenas par le mauvais usage de l’épée.
Curro Dïaz, à son premier, nous gratifiait de sa particulière torería en début de faena par des passes de tanteo, alternant les passes par le haut et le bas, dans un déplacement parcimonieux qui augurait le meilleur pour la suite. Malheureusement, ce n’était plus le cas car, pendant la faena, la muleta était souvent accrochée, le toro, qui terminait ses charges par des derrotes, devenait « avisé » et le torero souffrait quelques coladas. L’estocade basse provoquait une forte hémorragie et son trasteo était passé sous silence. Le troisième puerto-san-lorenzo était du type « atanasio » - son origine - haut sur pattes, pas trop de cornes et difficile de lidier à la cape dans laquelle il se freinait. Après les piques et un quite de José Garrido par chicuelinas que le toro prenait en tirant vers les chiqueros, la faena de Curro Díaz débutait par de beaux derechazos à un toro de charge courte, tant est si bien qu’en amorçant une passe pieds joints, le corps relâché, le toro le cueillait sur un retour vif et court et lui infligeait une sévère volterera en deux temps. Il reprenait la muleta pour de nouvelles bonnes passes de la droite. A la suite d’un changement de main, le toro l’accrochait de nouveau pour une nouvelle « rouste » sans cornada heureusement. Ensuite des naturelles, main basse, pieds joints, sculpturales et un pase de la firma avant de monter l’épée pour une succession de pinchazos, évitant une nouvelle cogida, et un descabello qui ternissaient une faena émouvante avec des passages magnifiques. L’ovation unanime récompensait un trasteo de qualité gâché par un toro qui manifestement ne participait pas à la fête. Le cinquième de gros gabarit - 617 kg - sortait au pas, reniflait le sable de l’arène à la recherche de l’herbe salmantine et se freinait à la vue du moindre capote. Il prenait les piques du picador de service et du « réserve » comme un manso qu’il était. Malgré de jolis gestes de Curro, le toro qui semblait s’être blessé à la patte avant gauche, fuyait à chaque deuxième passe de muleta… Il fallait abréger et la conclusion de cette courte faena était, à la mort, un pinchazo et une estocade verticale.
José Garrido recevait un toro volumineux et de poids - 648 kg – qui se désintéressait de la cape, s’animait face à la cavalerie de laquelle il fuyait et finalement se déplaçait aux banderilles. La faena entamée par des statuaires se composait de passes que José Garrido dirigeait par deux toques imperceptibles qui montraient que le torero maîtrisait son sujet car le toro avait tendance à sortir de la suerte. Des naturelles forçant la charge et finalement une estocade légèrement atravesada mettaient fin à cette faena courte mais technique adaptée à la médiocrité du toro. Le trapío du 4ème et les véroniques de réception donnaient quelque espoir mais il fallait déchanter car le toro se réservait, probón, entrait dans la muleta en « protestant », s’arrêtait en fin de passe et cherchait le corps du torero. De plus, il lorgnait les barrières… José Garrido le poursuivait, terminait par des manoletinas et à la mise à mort survenait l’accrochage. A la deuxième tentative, nouveau pinchazo, le toro poursuivait le torero désarmé, le déséquilibrait et le traînait au sol sur plusieurs mètres… On craignait la cornada et le pauvre José Garrido était emporté à l’infirmerie d’où il réapparaissait pour toréer le 6ème. Ce toro était sans doute le meilleur du lot, noble, mou dans ses charges qu’il réduisait sur la fin, aurait mérité une meilleure faena que celle administrée par José Garrido, car visiblement diminué, il toréait à distance sans se livrer. Blessé au poignet droit, il lui était difficile d’appuyer sur l’épée pour l’estocade, les pinchazos se succédaient et par bonheur un seul descabello mettait fin à l’épreuve endurée par le torero extremeño qui avait tenu à honorer sa présence à Las Ventas jusqu’au bout.
Des cuadrillas, qui eurent à se dépenser face aux toros de Puerto de San Lorenzo, peu commodes, coureurs, donc difficiles à mettre en suerte soit aux piques, soit aux banderilles, se distinguaient Manolo Montoliu, Antonio Chacón, José María Amores à la brega, Abraham Neiro, José María Amores Javier Valdeoro aux banderilles.
Curro Díaz: applaudissements ; saluts ; saluts. José Garrido: silence ; deux avis et saluts aux 4ème et 6ème.
Georges Marcillac