Le 13 octobre dernier, le Matador Camille Juan a proposé une conférence introductive à la Tauromachie aux élèves de terminale de l'Institut d'Alzon de Nîmes. A cette occasion s'est tenu un échange courtois et constructif que L'Alliance anti corrida a tout fait pour saboter avec les armes qu'elle a l'habitude d'employer : attaques, mensonges, menaces, insultes, anathèmes, opprobre, un véritable arsenal "terroriste" auquel Yvan Lachaud, le directeur général de l'Institut d'Alzon, n'a pas hésité à résister. Le directeur a aussi laissé le choix aux élèves de se joindre ou pas à la conférence et il convient de remarquer qu'ils sont venus nombreux car la jeunesse aime se faire sa propre opinion, sans se laisser imposer les idées auxquelles elle devrait adhérer. "Il ne s'agit en aucune façon d'inciter les élèves à aimer la tauromachie, donc pas de prosélytisme" a précisé aux médias Yvan Lachaud, directeur général de l’Institut d’Alzon. Et il est évident que chacun des élèves présents est reparti avec ses propres convictions.
Nous avons saisi l’occasion de cet événement pour proposer au matador de nous accorder un entretien. Camille Juan a toujours été un homme déterminé et vaillant, ainsi qu'un torero hors norme et atypique. Il sera intéressant, un jour prochain, de revenir en détail sur sa carrière.
Bonjour Matador. Comment va le torero et comment va l'homme ?
Bonjour, et bien écoute, les deux vont pour le mieux. Ma famille va très bien et j'ai un travail qui me passionne. Aujourd'hui que je ne torée plus, je joue au golf. Mais, soyons clair, les taureaux sont constamment dans mes pensées, ils m'accompagnent tous les jours.
Rappelles-nous, Matador, les étapes de ta carrière de torero.
Des étapes marquantes de ma carrière, je retiens mes débuts. Le premier jour où j'ai pu prendre une cape et donner une passe à une vache. Ce fut intense. Je me rappelle aussi ma première capea pour laquelle je m'étais mis une pression énorme, comme si j'allais toréer à Las Ventas. Puis vient le début en sans picadors, à Santa Ana en Espagne, lorsque j'ai porté le costume de lumière pour la première fois. Je retiens, bien sûr, ma présentation dans ma ville, à Nîmes et mes débuts avec picador à Vauvert avec un triomphe important. Sans oublier l'expérience mexicaine, et la présentation de novillero à Las Ventas. Viennent ensuite l'alternative, les Adolfos de Céret, et le seul contre six de Vauvert en 2016. Des souvenirs que je pourrais raconter pendant des heures.
Est-ce que le "toreo" te manque ?
Je dirais que c'est le contact, l'échange, l'interaction avec le toro qui me manque. Porter le costume de lumières, se rendre aux arènes pour faire face à l'adversité et le "compromiso". Oui, le toreo me manque. Le mundillo, par contre, ne me manque pas. C'est ça, ce qui manque c'est le contact et le lien avec le toro. Comme pour tout matador de toros retiré, je suppose.
Il y a quelques jours tu as été impliqué dans une controverse médiatique. Quelles en étaient les circonstances ?
Oui, en effet. Mon expérience de 20 ans en tauromachie a créé des liens d'amitié très forts et particulièrement avec François Dufour et Yvan Lachaud, directeur et directeur général de l'établissement d'Alzon. François m'a invité à partager une présentation, une introduction à la corrida pour les élèves de terminale. J'ai accepté en toute simplicité. Le fait est que la fille de Claire Starosinski, présidente d'une association anti-corrida, est élève dans le lycée. Informée du projet par sa fille, cette personne a tout de suite fait beaucoup de bruit, comme à son habitude, et tout a pris des proportions inappropriées.
Résultat, cela a fait parler et a mis la lumière sur la corrida. En voulant faire interdire la présentation et empêcher les jeunes de penser par eux-mêmes, elle a obtenu l'effet inverse. Les jeunes, par nature, sont rebelles. Dites leur que l'accès à une pelouse est interdite, et ils iront pique-niquer dessus. Du coup la présentation a connu un grand succès.
Quel était le message que tu souhaitais transmettre aux élèves ?
Le message que je souhaitais transmettre aux élèves, c'était d'abord que ce n'était ni un discours, ni un débat pour ou contre la corrida. Mon intention n'était pas non plus de les inciter à aller voir une corrida. Je voulais partager l'expérience humaine de mes 20 années de carrière. Expliquer ce que représentait pour moi le taureau, ce qu'est la corrida sous l'angle technique et historique.
J'ai essayé d'être le plus pragmatique, honnête et pondéré possible, en expliquant que bien évidemment on peut ne pas aimer et qu'on est libre aussi d'avoir envie de découvrir et éventuellement d'apprécier.
J'ai proposé un échange courtois, ce qui est systématiquement refusé par les opposants. Pour moi l'idée était que les élèves repartent avec quelques connaissances historiques, éthiques et techniques nouvelles et qu'ils aient le libre choix.
Est-ce que les élèves t'ont posé des questions ?
Oui, les élèves m'ont posé énormément de questions. Ils ont été notablement intéressés et attentifs, même ceux qui avaient, initialement, des à priori négatifs. L'avantage d'être étudiant dans un cadre sécurisant et avec une liberté de parole, c'est qu'on s'autorise de poser des questions spontanées et honnêtes. Raison pour laquelle l'expérience et l'échange ont été très intéressants pour moi et je l'espère pour les élèves.
Si l'opportunité se présente, est-ce que tu réïtérerais l'expérience ?
Bien sûr je renouvellerais sans hésitation l'expérience, parce que je pense que les toreros, les professionnels ainsi que les aficionados, nous avons un devoir d'explication. On ne peut pas se contenter aujourd'hui de garder le silence face aux attaques des anti-corrida. Il faut qu'on puisse aussi se défendre avec les armes qui sont les nôtres, c'est-à-dire la parole et la sincérité, sans entrer dans l'idéologie ni le prosélytisme. D'autant plus que nous vivons à une époque où les réseaux sociaux ont tendance à remplacer la réflexion.
Les étudiants doivent pouvoir se confronter au réel, avec des paroles et des interlocuteurs sincères.
Le 12 octobre Morante de la Puebla a symboliquement retiré sa "coleta" lors de la dernière corrida de la Feria d'automne de Madrid, laissant penser qu'il prenait sa retraite, définitive ou temporaire. Que t'inspire cet évènement ?
Pour être honnête ce n'a pas été une surprise. Je l'ai suivi toute la temporada et j'ai noté son engagement payé par de fortes volteretas. Je pense aussi que Morante a bouclé la boucle. Pour moi, c'est le dernier romantique qui quitte le toreo, et c'est difficile, en tant qu'aficionado, de se dire qu'on ne le verra plus. Je ne pense pas qu'il y aura un retour. C'est ma conviction compte tenu de ce que je connais du personnage.
A mon sens c'est une belle façon de se retirer en triomphant, avec une Grande Porte à Madrid. Quelle chance d'avoir pu en être témoin, ainsi que d'avoir pu vivre l'art et la tauromachie du maestro.
Ton souvenir le plus marquant de ta carrière de torero ?
Question difficile. S'il faut en retenir un, ce serait le seul contre six de Vauvert. Pas seulement parce que cela a été ma dernière corrida. En fait au moment du paseo l'ambition était de donner un nouveau départ.
Je me souviens que, dans une situation précaire parce que toréant peu, l'effort moral et physique ont été intenses. J'ai pu aller au terme de cette corrida avec mes moyens, motivé par mon ambition, mon envie et ma sincérité. L'investissement et la supération personnels lors de cette corrida reste le souvenir le plus fort de ma carrière.
Hasta pronto Matador !
A bientôt René.
Photos :
- Laure Crespy pour Céret et Vauvert - https://www.instagram.com/laurecrespy/
- Juan Pelegrin pour Madrid Las Ventas - https://juanpelegrin.es/work/a-los-toros/
- Communication Institut Emmanuel d'Alzon pour la conférence - https://dalzon.com/actualite-a-nimes/lycee/2025/rencontre-avec-camille-juan-ancien-torero/



