Après le déploiement de toreo de la veille, toreo d’un autre âge comme il devait se pratiquer au début du siècle dernier, la corrida d’aujourdhui ne mérite d’autre chronique que celle qui relatera ce qui l’a entouré et les conséqueces de l’échec retentissant de l’élevage salmantin. Les toreros ont cette faculté de faire face aux évènements comme ceux d’hier, Sébastien Castella et Paco Ureña qui surent résoudre avec clairvoyance, vaillance et métier les difficultés que présentaient les deux Toros de Cortés, mansos “de livre” et passer d’un succès mémorable pour leurs défaillaces à l’épée. Ceux d'aujourd'hui durent faire face, au contraire, aux "mouvements" divers de l'afición.
En ce jour de resaca (esp: gueule de bois) après l’ivresse de vrai toreo et de jubilation pour les aficionados, nous était présenté un cartel remanié par suite de l’absence de Daniel Luque qui avait annoncé l’annulation de ses contrats de fin de saison. Juan Ortega et Pablo Aguado complétaient cette affiche d’”artistes” et le public avait répondu nombreux alléché par les succulences et parfums sévillans dont ces deux matadors sont les privilégiés porteurs. Damián Castaño était le remplaçant du torero de Gerena et la surprise doit en avoir déconcerté un grand nombre, car ce torero ne fait pas partie de la caste des figuras, plutôt de la catégorie des modestes qui doivent se coltiner les toros que bien d’autres refusent.
Damián Castaño était annoncé le jour même de la corrida, sans aucun doute une manoeuvre de la empresa Plaza 1 pour éviter le remboursement des places, auquel ont droit les spectateurs en cas de modification du cartel annoncé, et voir ainsi sa recette amoindrie. Notre information fait état que ce remplacement était décidé dès mercredi dernier… donc occulté pour éviter une posible perte économique, celle-ci éventuellement compensée par le cachet inférieur correspondant au torero de Salamanque moins exigeant quant à ses honoraires. Il faut quand même reconnaître l’opportunité de Plaza 1 d’engager Damián Castaño auteur d’une des meilleures faenas de l’année à un toro de Valdellán le 10 septembre dernier. Il méritait au moins cette récompense.
Cetre manoeuvre fut sans doute une des raisons pour lesquelles un certain secteur du public - on devine lequel – ne cessa de manifester tout au long de la corrida, invectivant la empresa, s’appuyant aussi sur les revendications exprimées le jour même dans “La voz de la Afición” la feuille de l’Asociación el Toro de Madrid distribuée à l’entrée des arènes. La présentation des toros de El Pilar ne faisait qu’envenimer la situation et leur comportement en piste y participait grandement. Â cela s’ajoutait la frustation du public en général sans compter celle plus dissimulée des trois matadors qui voyaient s’échapper un succès qui leur aurait servi pour leurs contrats de l’année prochaine.
Venons-en à l’objet de cette chronique. Les exemplaires de El Pilar avaient plus ou moins des physiques semblables, des cornes certes, mais des hechuras inférieures aux “normes” de Las Ventas, des poids de 512 à 554 kg, hauts sur pattes, ce qui augmentait l’éffet de terciado. À cela il faut ajouter que, presque par système, les protestations s’élevaient particulièrement lorsque étaient en piste les toros de Juan Ortega et de Pablo Aguado dont l’image de figuras suscite des exigences accrues, justes ou non. Le tercio de varas mettait en évidence le peu de casta des toros, mansedumbre pour le 2ème, faiblesse le 4ème, etc. Des faenas il y a peu de choses à dire. Damián Castaño, surprenait parfois dans des attitudes de torero artiste. Il abrégeait rapidement son trasteo ne pouvant aller au-delà de quelques passes bien dessinées à un bon 1er mais sans intérèt pour l’insignifiance des charges de ses deux opposants. Pratiquement sur le même modèle se déroulaient celles de Juan Ortega et Pablo Aguado qui essayèrent de se justifier, en pure perte, sous les quolibets des radicaux. Le seul éclair de l’après-midi survenait dans un quite de Juan Ortega par véroniques de grand temple, au ralentí, et la demi-véronique de grand style. Pablo Aguado, lui aussi, toréait de son style reposé, son geste inimitable de changement de main “par devant”, des trincheras…Heureusement, on ne souffrait pas trop aux mises à mort eficaces en dépit de leur position sauf au 2ème avec trois descabellos.
Damián Castaño: silence aux deux. Juan Ortega: silence aux deux. Pablo Aguado: un avis et silence; silence. 21.436 spectateurs. |
Georges Marcillac