Pour cette corrida de vedettes l’attente et l’attractivité de l’affiche était grande bien que le taux de 40 ou 50% de remplissage du Palais Vistalegre ne paraissait pas avoir été atteint. Et pourtant : Enrique Ponce, Morante de la Puebla et Pablo Aguado face à des toros de Juan Pedro Domecq représentaient un menu de choix et le public présent obtenait ce qu’il attendait bien que les ingrédients firent défaut à partir du quatrième toro. En effet, ce dernier était toréé par Enrique Ponce qui ne pouvait réaliser la faena qu’on attendait de lui, trop précautionneux et superficiel ; ensuite le 5ème était remplacé par un sobrero de Daniel Ruiz dont Morante se débarrassait par un toreo de «chasse-mouche» ; le dernier pour Pablo Aguado ne répondait pas non plus aux exigences du torero, ni du public d’ailleurs. Dans ce cas, le taux de 50 % était bel et bien observé… Tout ceci pour regretter que les produits de Juan Pedro Domecq de présentation exemplaire, de poids - 545 kg de moyenne du lot - , d’armures respectables, tous de cinq ans révolus ont été aussi les coupables de ce résultat moyen quant à leur comportement en piste, à leur moral si l’on peut dire. Par contre les maestros décidèrent de faire piquer leurs opposants et plus d’une fois… On donnera une mauvaise note au fournisseur des piques dont le palo, la hampe, se brisait en trois occasions au premier contact de la puya avec l’échine des toros.
Enrique Ponce en est à son troisième échec à Madrid après de festival du 2 mai, sa présence à Leganés la semaine dernière et aujourd’hui. Ayant a priori un meilleur «matériel» que ces dernières occasions, il arrivait à fâcher ses partisans par un toreo distant, composant « sa « figure à son premier qui se dégonflait aussitôt, ayant duré deux séries une en redondos et une suivante sur la corne droite. Ce toro terminait arrêté. Pourtant le tanteo de début de faena avait été magnifique en doblones, trinchera et passes des deux côtés lentes et cadencées, Enrique ne pouvait plus intéresser outre mesure en défaussant la jambe contraire ou en étirant le bras gauche pour des naturelles décollées et abusant ostensiblement du pico dans des séries supposées artistiques… au 4ème. Ce toro faible du train arrière, avançait par saccades. Enrique Ponce tuait par une estocade arrière et deux descabellos au 1er, et par une demi-lame croisée au 4ème.
José Antonio Morante Camacho ”Morante de la Puebla” del Río (Séville) trouvait à son goût le toro “Nacarado” nº 31 de 585 kg et l’entreprenait en premier par un bouquet de véroniques, menton sur la poitrine, jouant de la ceinture, depuis les planches jusqu’au centre du ruedo pour une demi-véronique et une serpentina. Grosse ovation. On pouvait craindre le pire après un demi-vuelta de campana, corne dans le sable faisant suite à une première pique bien placée dont ce toro sortait derrengado. Une deuxième puya qui semblait ne pas s’imposer. Malgré cela, le toro serrait ses charges au tercio de banderilles et tenait le coup tout au long de la faena sui generis de Morante. Après un tanteo de deux ou trois passes, il entrait en action par des passes de la droite, à mi-hauteur, templées à merveille, accompagnées par un mouvement de ceinture dans un style inimitable. De la classe à revendre dans une autre série de la droite. Un molinete pour placer le toro pour des naturelles, lentes, élégantes, ajustées. Un changement de main sublime pour une nouvelle série de la gauche avant des doblones efficaces pour le placement et la mise à mort : estocade dans le haut, entrant avec lenteur et précision. L’ oreille unanimement sollicitée paraissait juste malgré les protestations pour en réclamer une seconde.
Après le mouchoir vert qui renvoyait aux corrales un toro applaudi dès sa sortie du toril pour ses belles hechuras et trapío, il était pourtant allé deux fois au cheval et même rechargé pour une troisiéme pique mais perdait ensuite l’équilibre à maintes reprises. Sortait un sobrero de Daniel Ruiz qui se révélait bronco, âpre dans ses premières courtes charges à la cape. Ses retours vifs sur la corne droite empêchaient toute passe, se révélant évidemment à contre-style pour Morante qui usait d’un toreo à l’ancienne pour fixer l’animal et lui porter une demi-estocade, basse, à la sauvette.
Pablo Aguado devait, à son tour, faire honneur à sa réputation d’artiste après la démonstration de Morante. Il le faisait en grande partie à la cape par de belles véroniques de bon rythme et temple terminées par une larga. Le toro grattait le sol et dans ses déplacements enseignait une pointe de mansedumbre. Après une pique arrière ce toro donnait quelques signes de faiblesse. Une autre série de véroniques, moins accomplie que la précédente. Le toro s’animait brusquement surprenant les banderilleros. La faena de muleta débutait par des doblones, bien ajustés pour ensuite une série de derechazos, de long tracé, un joli changement de main, le tout à mi-hauteur sans «obliger» le toro. C’est sans doute le défaut de ce jeune torero sévillan de privilégier l’esthétique en oubliant la lidia et de s’ajuster aux conditions du toro lorsque celui-ci ne l’aide pas particulièrement. Ce fut le cas avec son premier qui finissait par se désunir, lâcher des derrotes. Deux séries – des naturelles pieds joints – et un pinchazo suivie d’une estocade très basse. Un avis avec les descabellos.
Le 6ème sortait en trombe et Pablo Aguado ne pouvait l’assujettir dans la cape. Au tercio de piques, il chargeait avec force une première fois, poussant par le poitrail du cheval – chute évitée de justesse – rechargeait al relance. Sa course vive au deuxième tiers cachait en réalité une mansedumbre car dès que la muleta lui était présentée, il refusait de répondre aux cites de Pablo Aguado et se réfugiait près des barrières. Beaucoup de pinchazos… et le toro s’affaissait sans lutter.
Enrique Ponce : saluts forcés ; silence. Morante de la Puebla : une oreille ; bronca. Pablo Aguado : un avis et saluts ; silence. Abraham Neiro « Algabeño », Iván García et Pascual Mellinas saluaient aux banderilles au 4ème et au 6ème respectivement. «Nacarado» - 2ème - applaudi à l’arrastre. |
Georges Marcillac
Photos d'après cultoro.com