Le 25 Août, le Matador de Toros Mexicain d'Apizaco, Rodolfo Rodriguez El PANA fera son deuxième Paseillo en Espagne, après son apparition à Vista Alegre (Madrid) aux cotés de Morante de la Puebla en 2008. A plus de 60 Ans il y a peu de choses à attendre de cette prestation, surtout si on se réfère aux critères actuels de la tauromachie moderne. Les quolibets ne manqueront pas de la part des plus incultes d'entre nous qui ne sauront pas qu'en parlant de ce torero on se réfère à un phénomène hors normes, capable du meilleur comme du pire, comme le furent tous les génies du toreo.
Je n'irais pas à Cuenca voir El Pana. J'ai eu la chance de le voir à plusieurs reprises au Mexique et en deux occasions aussi génial qu'on pouvait espérer le voir à un stade avancé de sa carrière. Pourtant je ne saurais trop recommander, à ceux qui le pourront, de se rendre à Cuenca. Comme on le disait de Curro Romero, seul le voir faire le paseillo mérite la peine. Mais dans le cas du mage d'Apizaco c'est une vérité plus forte et plus complète encore. Plus forte parce que le Paseillo d' El PANA est véritablement chose unique. Il portera probablement un sarape en guise de capote de Paseillo. Puis il interrompra, cigare aux lèvres, son défilé pour jouir de l'instant, communier avec le public et imprégner l'ambiance de toute sa personnalité. Et si les autres Maestros, ainsi que les subalternes derrière eux, ont la moindre once de toreria, le moindre sens de l'honneur et du respect, ils s’arrêteront, eux aussi, pour attendre ce Maestro qu'ils ne peuvent imaginer dépasser qu'en marchant. Car trastos en main ils n’atteindront jamais l'inspiration et la profondeur de ce magnifique Espada aux meilleurs moments de sa carrière.
A Cuenca il faudra être très attentif pour pouvoir cueillir quelques détails de son génie. Mais si son corps ne fonctionne presque plus après tant d'années d'abus de pulque, de vie de luxure, de dépression et d'angoisse, son âme sera bien là et capable de quelques folies qu'il ne faudra pas comparer à ce que vous avez l'habitude de voir sur le sable des arènes contemporaines. Peut-être donnera t-il "inconsciemment" une TLAXCALTECA ou distillera t-il un TRINCHERAZO en deux temps dont lui seul a le secret, ou encore une paire de banderille del CALAFIA ou des capotazos chorégraphies par anticipation. Ne soyez pas non plus étonnés s'il donne, en cours de trasteo, une vuelta triomphale après un instant de partage avec le public, car la cuadrilla de Javier Castaño n'a rien inventé, El PANA le fait depuis bien longtemps. En tout état de cause, même si le moment n'est pas le plus adéquat pour découvrir le toreo du génial Mexicain, le voir une fois dans sa vie c'est toucher du bout des doigts une part de l'histoire du toreo. En ce qui me concerne je suis heureux d'avoir pu voir toréer El PANA de la même manière que je jubile d'avoir pu voir Paco CAMINO, El VITI, Antonio ORDOÑEZ, Curro ROMERO, Rafael de PAULA et quelques autres toreros d'exception. Car ne vous y trompez pas, il y a dans cette carrière atypique, tronquée par les vetos du mundillo Mexicain et par ses propres turpitudes, une grandeur tragique et une profondeur de muletazo que seuls les incultes tournent en dérision. Et s'il ne reste que cela à Cuenca, il y aura l'extraordinaire capacité de ce torero à communiquer avec le public, car instinctivement il a besoin de créer, avec les tendidos, une relation à chacune de ses prestations.
Pour conclure j'offre à votre sagacité un petit jeu d'images. C'est probablement inconsciemment que les graphistes, chargés de la publicité pour Cuenca, en ont dit plus en image qu'un long discours.