La corrida du 1er mai jadis célébrée par Jean Cocteau (en 1954, précisément à Séville) aurait sans doute enrichi, aujourd’hui, son oeuvre poétique ou graphique tant les artistes sévillans qui composaient l’affiche donnèrent cours à leur talent et inspiration face à des toros dont on aura oublié la médiocrité. Le toreo de cape des trois sera sans doute la partie fleurie, magique la plus remarquable de cette corrida. Morante de la Puebla, après une première timide apparition le jour de Pâques dans le bijou que représente cette plaza del Baratillo, sans le “matériel” de ce jour, coupait deux oreilles du 4ème et montrait, que lorsqu’il le peut, il se place au sommet de la torería actuelle, Il entera, sans le moindre doute, dans l’histoire, au niveau des plus grands.
Juan Antonio Morante Camacho (de La Puebla del Rio) recevait “Bodeguero” un toro noir de 513 kg, cinqueño, assez bien encorné par des capotazos qui ne le fixaient pas. Aussitôt après survenait le miracle, l'apparition improvisée d’une série de six largas, alternées d’une main et de l’autre, suivies d'un molinete - peu habituel à la cape - et une brionesa, dans la clameur de la Maestranza, public debout: il venait d'assister à la manière de toréer d’un autre âge. Morante inspiré, héritier de Joselito “El Gallo”, il avait l’espace de six lances fait revivre ce qu’a pu être, en son temps, une des génialités du “Roi des Toreros”, se hissant en l’an 2025, en cette occasion, au plus haut niveau du toreo. Le public, sans doute aveuglé applaudissait le picador Aurelio Cruz pour deux piques basses. A la muleta, tout le mérite revenait à Morante de tout faire pour parachever son oeuvre: des ayudados por alto en début de faena et au centre du ruedo, des passes de la droite à mi-hauteur et ensuite par le bas au toro un peu réticent qui proteestait carrément dans des naturelles; de la main droite à nouveau, plus en redondo, toujours le corps vertical, pieds joints ou semi-écartés, dominant son sujet, un molinete invertido lié à la passe de poitrine. Public survolté, debout! Morante se profilait pour une estocade décisive. La plaza se couvrait de mouchoirs jusqu¡à l’obtention des deux oreilles.
Sortait en premier, un colorado de 582 kg qui ne supportait pas son poids et qui tirait la langue dès son entrée en piste. Les premiers capotazos au fil des barrières ne donnaient rien. Par chicuelinas marchées Morante plaçait le toro pour deux piques de Pedro Iturralde, quelconques sans appuyer ni le toro ni le picador, toro à limite de l’équilibre à la sortie de la rencontre et peu de codicia. Entre-temps, il nous avait régalé de quelques véroniques “templées”. La faena était néanmoins marquée du sceau du maître de La Puebla car il fallait ménager les forces du toro tout en profitant de sa noblesse, “humilié” dans la muleta. Des naturelles pieds joints de grande impression, des derechazos courts mais bien “enroulés” et un desplante à l’instar de “Joselito” (impensable à son époque…) touchant la corne du toro. Deux pinchazos et descabellos.
Juan Ortega rivalisait avec le Maestro principalement à la cape par des delantales dans un quite au premier de la course, ensuite à son toro, le 2ème, par véroniques lentes, cadencées mais un à une, tardo le toro et qui ensuite sortait de la suerte. Des signes de mansedumbre face au cheval, pour un châtiment insignifiant. Meilleures les véroniques dessinées au centre du ruedo après les piques. Sans fixité jusqu’alors, le toro s’animait dans le tanteo et recevait “humilié” des passes de la droite. A gauche, ce n’était pas facile mais placé de trois-quarts, près des tablas, Juan Ortega, disposé, réussissait des séries estimables de naturelles. Le toro réduisait ses charges, grattait le sol. Il plaçait une épée desprendida. Il s'était montré très engagé dans un trasteo auquel n'avait pas répondu son opposant. Le 5ème, presque terciado et ses 520 kg. suelto, passait sans plus dans les capotazos suaves de Juan Ortega avant de souffrir vuelta de campana et encaisser les piques dont il sortait un tantinet sans coordination du train arrière. Quite par chicuelinas, une merveille de rythme et d’élégance dans le geste et mouvement de la cape. Pablo Aguado y répondait sans la même gestuelle, le toro se réservant. A la muleta et au ralentí, Juan s'appliquait par des ayudados por alto, très toreros, une naturelle et la passe de poitrine pour entrer en matière et de quelle façon! Malheureusement le toro allait a menos, “protestait” car il ne pouvait plus avancer… Une estocade caidilla roulait ce toro ingrat.
Pablo Aguado recevait le 3ème, un toro montado, de morrillo proéminent, qui sortait au trot pour s’installer au centre de la piste. Il fallait aller le chercher mais le toro passait dans la cape, suelto, manseando. Après une vuelta de campana, ce toro s’intéressait un peu mieux à la cape mais chargeait le cheval al relance, mettait les reins et sortait pour recevoir une pique du picador de réserve! La faena débutait par un joli tanteo, un genou en terre, des derechazos, trincherazos le tout dans un mouvement continu et lent. Pablo Aguado déployait une belle torería de naturel et d’élégance, façonnée de muletazos tantôt à mi-hauteur tantôt par le bas, pieds joints ou semi-écartés, du temple et des adornos, molinete ou naturelle “évanouie” en fins de séries. Le toro avait toujours tendance à sortir des suertes… Cette jolie faena n’était pas bien terminée: deux pinchazos, une épée entière arrière tombée. Le toro se trouvant dans le terrain du toril…
Le dernier de Domingo Hernández, la nuit tombée, ne paraissait pas en meilleure forme, derrengado, il se déplaçait avec difficulté et “protestait” dans la muleta. Il entrait mieux sur la gauche mais sans la force de terminer la série pour la passe de poitrine à droite. Un pinchazo précédait une estocade entière , arrière et atravesada.
Morante de la Puebla: un avis et saluts; deux oreilles. Juan Ortega: saluts aux deux- Pablo Aguado: saluts; applaudissements. Jorge Fuentes de la cuadrilla de Juan Ortega était victime d’une cogida durant la brega du 3ème et excoriation de la face interne de la cuisse gauche et hématome au mollet gauche. Iván García de la cuadrilla de Pablo Aguado saluait après la pose des banderilles au 6ème. Lleno de no-hay-billetes. Température printanière, |
Georges Marcillac