L’ouverture de la saison taurine en Espagne avait lieu, comme c’est la tradition, à Valdemorillo pour la Feria de La Candelaria. La plaza couverte réunissait bon nombre d’aficionados de Madrid venus découvrir ou tester les qualités annoncées des jeunes matadors tels Javier Zulueta, tête de l’escalafón 2024 et Iker Fernández “El Mene” qui avait fait sensation dans les novilladas de fin de saison, l’an passé. Alejandro Chicharro plus connu - sortie a hombros de Las Ventas - et vainqueur de la Ligue de Novilladas de la Communauté de Madrid était d’ailleurs la tête d’affiche face à des novillos de Guadaira.
Ceux-ci, de poids allant de 440 à 465 kg, d’armures pointées vers l’avant, de forces et tempéraments limités, permettaient des fins de faenas de qualité á Zulueta et à “El Mene”, ce qui en dit long de la bonne lidia et l’esprit ouvert des deux novilleros. La seule pique était de rigueur, seuls les 2ème et 3ème poussaient violemment jusqu’à la barrière. Ovation à Alberto Sandoval qui tenait son cheval, et le coup, sous la poussée du 2ème qui, encore, recevait un picotazo inopiné du picador près du toril. Le 6ème sortait d’une pique sans pousser et se payait deux vueltas de campana!
La chance n’a pas souri à Alejandro Chicharro devant son public madrilène et à un mois de son alternative á Valence, le 15 mars, car ses deux opposants ne lui offraient que des charges sans entrain avec de surcroît une faiblesse de pattes du 1er et sa tendance à viser la porte du toril dès que l’ouverture se présentait dans cette direction. Pour sa première faena, il parvenait à tempérer les charges désordonnées du guadaira pour lui servir d’entrée un péndulo sans suite, génuflexion du bicho, et des passes, non accrochées, mais sans intérêt à cause de l’indigence de l’animal. Des passes ayudados et une estocade tendida, desprendida, trasera. Le 4ème, pas très costaud non plus, ne poussait pas du train arrière ni dans la cape et non plus, de manière visible, face au cheval. Â la muleta, il lançait le tête en haut ou bien se retournait vivement en fins de passes – tornillazos. Alejandro Chicharro ne se démontait pas mais il prolongeait inutilement sa faena. Des bernadinas, quand même… Deux pinchazos, une épée entière tombée et sonnaient un avis puis un autre.
Iker Fernández “El Mene” montrait des gestes, des attitudes qui ne trompent pas sur l’avenir de ce torero de Saragosse mais élève l’Ecole Taurine de Salamanque. Avec seulement dix novilladas piquées à son actif, il a conquis trois “titres” à partir de septembre: l’Alfarero de Oro de Villaseca de la Sagra (Toñède), celui de la Vid de Oro d’Arganda del Rey (Madrid) et celui de la Finale de Ligue des Novilladas de Castilla-y-León. Cela suffisait pour présager de lui un torero de grande importance pour le futur. A ses deux novillos, et surout au 5ème, il réalisait de belles véroniques de réception, profondes, templées gagnant du terrain vers le centre pour une demi-véronique s’enroulant dans la cape. A la muleta, il toréait un peu décollé du novillo, mais une série de naturelles, plus rapprochées, nous rassurait. Le novillo terminait la tête en l’air et la faena s’achevait par des attitudes toreras, pleines d’assurance et de métier. L’estocade entière d’effet rapide, invitait l’octroi d’une oreille finalement non concédée. “El Mene”, étant donné les conditions du novillo, ne pouvait qu’exhiber de belles manières et sobriété gestuelle. Il exécutait une seule mais belle série de naturelles au centre la faena, celle-ci allant a menos, le novillo n'avançant plus. Estocade très rapide et en arrière. Longue mort, négligeant le descabello… Un avis.
Javier Zulueta coupait une oreille pour une estocade un peu arrière, d’effet rapide, mais qui cachait une faena sans relief, jolis muletazos de la droite, embrouillés sur la gauche sur des charges inachevées, Ensuite le novillo rechignait à charger. Sur la fin, des pases ayudados, très toreros relevaient le niveau. Le 6ème, un novillo, haut sur pattes, ne se livrait pas dans la cape du Sévillan. Le quite par véroniques vers le centre du ruedo étaient bien meilleures. Les vueltas de campanas du novillo n’auguraient rien de bon. Malgré cela, c’est Curro Javier qui devait saluer après deux paires de banderilles, biens placées, réunies… La facilité d’exécution et la netteté des derechazos masquaient la position “confortable” du torero, très al hilo, mais qui terminait les séries par de bonnes passes de poitrine. Après des naturelles incomplètes, le novillo n'avançait plus tellement. Deux séries de la droite élevaient le débat et l’ovation était unánime pour la deuxième, compacte, “templée” et liée, rapprochée et terminée par un magnifique pase de pecho. Nous avions assisté à une séquence de haute volée, le meilleur de la soirée. De jolis doblones et un pinchazo suivi d’une demi-estocade efficace n’empêchaient pas la concesión d’une oreille.
Alejandro Chicharro: silñence; deux avis et silence. “El Mene”: saluts après pétition d’oreille;un avis et tour de piste. Javier Zulueta: une oreille; une oreille et sortie a hombros. Incidents: le troisième de la cuadrilla de “El Mene”, José Andrés González perdait pied à chacune de ses paires de banderilles et, au sol, il était fortement et dramatiquement secoué. Trois-quatrs d'arène, pluie glacée et brouillard dehors. |
Georges Marcillac