Le 08 Juin 2025, Corrida de la Beneficencia, Morante de la Puebla coupe deux fois une oreille sur pétition populaire unanime dans les arènes de Las Ventas de Madrid face à une corrida utile et intéressante de Juan Pedro Domecq.
Contrairement à notre habitude qui est de décrire tous les événements des corridas auxquelles nous assistons, aujourd'hui il convient de séparer la "pureza" du reste. La "pureza" c'est le concept du toreo de Morante de la Puebla, et ce depuis de nombreuses années déjà. Il lui manquait, jusqu'à présent, la Puerta Grande de Madrid. Aujourd'hui elle fut demandée, concédée, et fêtée comme aucune autre Puerta Grande que j'ai pu vivre dans mes 55 années d'aficion dont 38 comme aficionado de Madrid.
La première faena du Maestro, subtile, profonde, par moments irrégulière, fut conclue par un espadazo porté avec la même pureté que celle avec laquelle sont donnés ses muletazos. Une pétition d'oreille massive aurait pu, aurait du, se poursuivre en pétition de la seconde. C'était le premier toro, la première faena de la corrida, un syndrome défavorable connu. Ce que nous venions de voir était cependant à des années lumières des autres oreilles accordées durant cette San Isidro.
La seconde faena du Maestro de la Puebla fut une construction, une invention à partir d'une matière première fébrile. Il fallait, dans ces conditions, rentrer dans l'espace du toro pour provoquer les embestidas, ne pas douter, et malgré l'incertitude, créer l'œuvre. C'est ce que Morante a proposé sans douter un instant. Venu l'heure de vérité, nous savions tous que le moment était historique. L'épée est montée, le regard est intense. La muleta est avancée et l'homme bascule sur le toro. L'épée est basse ! Que s'est-il passé ? Rien ou pas grand chose. En effet, lors d'une estocade il y a deux critères primordiaux. L'un est la manière d'entrer a matar, l'autre est le positionnement de l'épée. Lorsque les deux se cummulent c'est un estoconazo. Mais si seulement un des deux critères est présent, c'est l'exécution qui doit toujours primer pour l'aficionado. Et c'est exactement le cas ce jour avec la seconde estocade de Morante de la Puebla. L'exécution fut pure et sincère. L'emplacement de l'épée défectueux. Ceci étant noté, la pétition de l'oreille, massive, peut être validée comme justifiée.
Après avoir vu Morante "citer" parfaitement placé dans tous les muletazos, passer ses toros au plus près de sa taleguilla, le public et l'afición de Madrid a eu du mal à s'émouvoir avec les faenas de Fernando Adrián (une oreille coupée au second, dans l'euphorie suivant la première faena de Morante) et Borja Jiménez. Ils furent à leur meilleur niveau, c'est-à-dire corps penché, hors trajectoire des toros, bras decollé du corps, muleta présentée sur l'œil contraire, en tirant le toro dans des trajectoires décollées du corps. Après la verité de Morante tout ceci n'avait plus le contenu nécessaire pour émouvoir le conclave.
L'émotion et la passion ont émergé et ce sont répandues au bénéfice de celui qui, le 08 juin 2025, a défini, une fois pour toute, les préceptes de la tauromachie du futur. JOSÉ ANTONIO MORANTE CAMACHO.
- René Arneodau.