Et les toros me direz.vous? Des toros de El Cortilillo, le deuxième fer de la famille Lozano, (encaste Nuñez) furent d’une belle présentation, de pelage castaño ou colorado, d’armures de respect sans être excessives et tous de cinq ans d’âge. Les poids accusaient une moyenne de 550 kg. Ceci l’indiquaient la vidéo du matin et le programme mais restait à voir leur comportement dans l’arène. Là était la version négative de ce lot, tous abantos de sortie, fuyant pour la plupart les capes et révélant des signes plus ou moins accentués de mansedumbre. Le deuxième était renvoyé au corrales et son remplaçant, le 4ème du sorteo, entre les mains de José Ignacio Uceda Leal pouvait, le seul, recevoir une bonne note ; ceux d’Antonio Ferrera étaient les moins aptes à faenas ; ceux de Francisco de Manuel, voyaient leur manque de classe surmonté par la volonté et savoir-faire du toricantano.
José Ignacio Uceda Leal, vétéran torero de Madrid, ne foulait plus le sable de Las Ventas depuis plus de cinq ans. Aujourd’hui, avec métier, élégance et torería, il signait une grande faena malheureusement gâchée par une estocade tombée qui le privait d’un prix qu’il méritait sans discussion. C’est donc après le renvoi aux corrales du toro sorti deuxième qu’il touchait un autre de El Cortijillo, qui entrait mal dans la cape, d’une charge vive mais fléchissante à la sortie des capotazos. Après deux piques dosées et brindis au public, Uceda Leal entreprenait ce toro dans une série de la droite, vertical, « templant » une charge continue. La série suivante était moins liée mais l’attitude du torero la même, conduisant muleta basse la charge allègre du toro, « humilié ». Venaient ensuite deux séries de naturelles, pureté du geste, position sans forcer la figure. Des naturelles, des passes aidées par le haut et par le bas couronnaient cette faena sobre et mesurée, avant de cadrer le toro, toujours dans le même terrain… L’estocade, entrant court, décisive, tombait malheureusement trop bas pour que le trophée amplement mérité fût accordé par la présidence.
Le sobrero de 595 kg, irrégulier de charge dans la cape d’Uceda Leal, ne chargeait pas le cheval pour la première pique, le picador dépassant les lignes pour forcer la rencontre, ne poussait pas non plus à la deuxième, pique levée aussitôt. Le début de faena, par d’élégants ayudados était suivi d’une série de la droite, toro réservé avant de charger sans classe. Néanmoins, les trajectoires courtes étaient l’occasion de passes courtes aussi en redondo, « templées ». Les dernières naturelles, une à une, précédaient un pinchazo hondo – suerte contraire – et un descabello. Le métier, la classe de José Ignacio Uceda Leal furent les marques de cette prestation, à ce jour, la plus importande depuis le début de saison à Madrid.
Francisco de Manuel confirmait l’alternative avec le toro « Socarrón » nº22, 522 kg né en octobre 2016, colorado de robe. Abanto, emplazado, il se freinait dans les premiers capotazos et … prenait le large. Aux piques, le toro donnait de la tête dans le peto, grattait le sol, et recevait la deuxième puya, bien placée, courte. Le toro s’animait dès les premiers doblones de la faena, avant d’aller au centre de la piste pour recevoir des passes de la droite. Francisco prenait la mesure de ce toro pour des séries successives droitières et par naturelles, certaines biens dessinées et serrées, une à une sur la fin car le toro finissait par se réserver. Une bonne estocade, un peu en arrière mais le toro tardait à s’effondrer. Le 6ème, tantôt fuyait, tantôt chargeait rageur et rendait la lidia difficile. Il allait au cheval al relance pour la première pique et traversait le rond pour prendre une autre pique du picador de réserve… Probón, de charges âpres et démarrages brusques, ce toro manifestait un caractère de manso bien que lorsqu’il passait dans la muleta, il « humiliait » dans des charges en rafales. Dans ces conditions, Francisco de Manuel gérait plutôt bien que mal sa faena et paraissait y avoir pris goût… Sonnait un avis avant la mise à mort d’une estocade entière d’effet rapide.
Cette saison, Antonio Ferrera semble être en représentation à chacune de ses sorties comme on l’a vu dernièrement à Valence, Arles et Séville. Sans se renouveler et affublé de son capote bleu, flasque et soyeux – qui ressemble plutôt au rideau qu’il aurait décroché de sa chambre d’hôtel avant d’aller à l’arène… - il arrive à bien toréer, parfois dans des éclairs que certains qualifieront de génie, parfois aussi en forçant la figure et frôlant le ridicule. Ce fut le cas aujourd’hui devant des toros les moins propices au déploiement de figures artistiques mais Antonio Ferrera sut donner le change, dans des attitudes baroques ou bien plus classiques en toréant avec « temple » notamment au 3ème, un toro hondo, fuyard, mal piqué, bien banderillé par José Chacón. Des naturelles courtes et des derechazos sans l’épée-ayuda, une passe de la firma, tels étaient les seuls points à retenir de cette première faena. Quant à sa deuxième, on ne retiendra rien sinon la brièveté pour expédier un modèle de mansedumbre ou, en tout cas, de comportement irrégulier recevant les sifflets à l’arrastre. Estocades rapides et concluantes.
José Ignacio Uceda Leal : Vuelta al ruedo; Saluts. Antonio Ferrera: silence aux deux: Francisco de Manuel: deux avis et saluts; un avis et saluts. |
Georges Marcillac
Photos d'après Cultoro