Cette corrida à priori ne présentait qu’un intérêt limité en comparaison de distributions plus attractives de toreros figuras et toros de « garantie ». Mais Joselito Adame, l’aîné d’une fratrie mexicaine et Ángel Téllez montrèrent, l’un par sa maturité l’autre par sa récente intrusion dans la catégorie des matadors de toros, tout leur talent et surtout leur volonté d’être quelqu’un dans ce monde taurin parfois injuste et ingrat. Le Mexicain mettait un intermède de réflexion à sa carrière pendant la période de pandémie alors que celle-ci freinait la progression du Tolédan de récente alternative en 2019… Le Sévillan Pepe Moral complétait l’affiche avec des toros d’Araúz de Robles issus d’un mélange de sangs de Gamero Cívico par Samuel Florés et Marqués de Saltillo. Tous d’armures imposantes, de caractères divers, ces toros furent les protagonistes de péripéties heureuses et malheureuses de cette corrida. Le premier se cassait la patte arrière gauche à hauteur du sabot et devait être renvoyé aux corrales, remplacé par un sobrero de « Chamaco » d’origine Jandilla, à son tour remplacé par le deuxième sobrero de même fer. Le quatrième de l’élevage titulaire, un toro nommé « Carantoña » (esp : caresse) fut tout le contraire de son nom car il infligeait une sévère voltereta à Joselito Adame à l’amorce d’une statuaire au fil de la barrière. Le 3ème était plus calme et permettait à Ángel Téllez de déployer son talent dans de magnifiques naturelles. Les toros pour Pepe Moral, l’un manso, l’autre guère mieux, le mettaient en perdition.
Joselito Adame devait aller chercher au centre de la piste le deuxième sobrero, cornes large ouvertes, qui sortait d’un bon galop, abanto, pour lui servir des capotazos par le haut et le conduire au cheval où il était légèrement piqué, sortant suelto des rencontres. Les premières séries de la faena de muleta profitaient du déplacement du toro pour des « cites » lointains et des charges acceptables sur le côté droit, plus compliquées sur le gauche, descompuestas. Les molinetes étaient une façon de terminer les séries accompagnés de la passe de poitrine ou le pase del desprecio. Le tout bien enlevé dans une faena courte terminée par un pinchazo hondo. Le 4ème, de bonnes hechuras pour 540 kg et bien armé, renversait la cavalerie, chute monumentale et dans la deuxième rencontre, il recevait une bonne puya, bien placée, de laquelle il sortait suelto. Exceptionnelle paire de banderilles de Fernando Sánchez qui associait à l’ovation son compagnon, Tomás Lòpez. La cogida d’entrée et surtout la mauvaise chute sur la nuque ne laissait présager rien de bon. Néanmoins Joselito Adame reprenait le combat et du centre du ruedo « citait » le toro pour des charges violentes, d’une bravoure qu’il fallait canaliser car certaines passes, muleta basse, étaient du meilleur effet, alors que d’autres l’étaient moins. Sur la gauche. Le toro lançait la tête par le haut et cela se compliquait. De nouveaux derechazos, transmission du toro, mais celui-ci se « décomposait » et il fallait stopper la faena, Des manoletinas avec le hachazo final et un pinchazo très bas, une estocade desprendida portée avec décision, ne justifaient pour autant pas la vuelta acceptée par le public, sans doute impressionné par la cogida et la volonté de poursuivre le combat, somme toute honorablement. Faena néanmoins qui aurait néanmoins demandé plus de fermeté en toréant par le bas.
Pepe Moral touchait un toro d’allure anovillado malgré ses 550 kg, tout juste quatre ans, qui avait une charge violente dans les premiers capotazos, se retournait en virant sur ses pattes avant, poussait sous la première pique trasera, courte la seconde. Dès le tercio de banderilles, ce toro cherchait les barrières et ce défaut, cette mansedumbre déclarée, s’amplifiait dès les premiers muletazos. Il n’y eut pas de faena. L’estocade était portée sur la tangente, deux pinchazos et mort lente le long des barrières tout autour de la piste… Le 5ème n’indiquait pas de meilleures conditions, il lançait ses pattes avant dans le capote de Pepe Moral, était mal piqué de côté et puya replacée. Sans fixité durant le deuxième tiers, par contre il attendait ferme lorsque se présentaient les banderilleros. Brindis au public ?? A genoux, au centre du ruedo, débutait la faena, torero décollé, passes à bout de bras. Ensuite le toro se défendait dans la muleta et finalement s’arrêtait. Pepe Moral capitulait. Une estocade légèrement tombée provoquait une hémorragie buccale.
Ángel Téllez, très concentré durant le paseillo, intervenait dans les quites et surtout fixait le 2ème dès les premières véroniques, dessinées jambe en avant. Ce toro, sans trapío, donnait des signes de faiblesse au sortir de la première pique. Laissé à bonne distance, il recevait la deuxième, bien dosée, pique aussitôt levée. Ángel répondait à son tour par chicuelinas à un quite de Joselito Adame par gaoneras. Le deuxième tiers animé par Juan Navazo et Alberto Zayas montrait que le toro avait encore de la ressource. Brindis à Miguel Martín, ex-matador et excellent subalterne aujourd’hui retiré. Le début de faena n’engageait pas trop à l’optimisme sauf par le jeune matador qui le « citait » du centre du ruedo pour des passages dans la muleta, toro descompuesto. La deuxième série était meilleure. C’est sur la corne gauche que la faena prenait une autre tournure : Ángel Telléz tirait littéralement le toro dans des naturelles super-lentes, « templées » dans un espace réduit. Comme le toro tendait à s’arrêter, il se croisait et forçait ainsi la charge. Les passes de poitrine ou pases del desprecio détachant sa vue du toro vers le public étaient du meilleur effet. Malheureusement, un pinchazo et une estocade entière desprendida, contrariaient le résultat de cette faena qui aurait mérité l’oreille.
Le 6éme, s’arrêtait dans la cape et montrait à la fois peu de fixité. Ángel Téllez le gardait dans la cape pour l’amener vers le cheval. Ce toro donnait des signes de mansedumbre car il fuyait une première fois pour aller ensuite au cheval de lui-même, s’ « endormait » sous la pique et s’enfuyait… Les banderilles posées quasiment à toro arrêté confirmaient son manque de bravoure. Dès le début de faena, l’absence de classe et de charge sur la fin, malgré son insistance à le faire passer, Ángel Téllez prenait l’épée, pour une dernière tentative de bernadinas, serrées et émouvantes, pour en finir par une estocade, celle-ci rapide, tendida, desprendida. Un avis. Légère pétition d’oreille.
Joselito Adame : saluts ; un avis et vuelta al ruedo. Pepe Moral: deux avis et silence; silence. Ángel Téllez : un avis et vuelta al ruedo ; un avis et saluts. Fernando Sánchez et Tomás López de la cuadrilla de Joselito Adame saluaient après la pose des banderilles au 4ème. Joselito Adame passait par l’infirmerie pour une contusion cervico-dorsale. Il était dirigé vers la Clinique de La Fraternidad pour un examen radiologique. 13.602 spectateurs. |
Georges Marcillac