La corrida concours est un défi du monde taurin qui par ce spectacle prétend mettre en exergue les qualités du toro brave. C’est particulièrement en France que des groupes ou associations poursuivent le rêve d’une corrida où les meilleurs exemplaires de l’espèce taurine seraient réunis pour primer le meilleur d’entre eux et célébrer le ganadero qui aurait pu dégoter le plus beau fleuron de son élevage. Car il faut se rendre à l’évidence de la difficulté pour rassembler tous les éléments du phénotype d’une race en un seul exemplaire et qu’il soit détenteur de la bravoure comme résultat de la sélection des étalons et vaches génitrices au cours des années de formation et consolidation d’un encaste. A tout cela, il faut ajouter les aléas du transport, de la température, de la nourriture et les impondérables de la lidia, la compétence des toreros pour que toro idéal puisse passer avec succès l’examen des aficionados et autres jurys intransigeants et pointilleux.
La corrida concours de la Féria de la Madeleine annonçait six toros de six élevages de noms prestigieux que devaient affronter les matadors Fernando Robleño, Jesús Martínez “Morenito de Aranda” et Alberto Lamelas. Par odre d’entrée en piste on trouvait:
“Jamuquero” de Saltillo, nº 16, né en janvier 2019, cárdeno claro, caribello, coletero sortait du toril sous les acclamations du public pour son allure, cuajado, et imposante l’encornure. Il se freinait dans la cape de Fernando Robleño et après plusieurs tentatives, le saltillo se laissait piquer, longtemps sous la pique d’Israel de Pedro montant “Destinado” de la cavalerie d’Alain Bonijol et plaçant la puya devant, soutenan,t la poussée. Depuis le centre de la piste, la charge et la pique encaissée étaient l’indication d’un caractère qui allait a más sous le châtiment. Au deuxième tiers, les préposés aux banderilles les clouaient comme ils pouvaient… La faena était celle d’un torero qui sait combattre les toros diffíciles, pas impressionné par le gabarit de celui-ci. Il réussissait à le toréer presque relâché découvrant une noblesse dont il profitait en plusieurs séries, meilleures du côté droit. Le seul défaut de ce toro était de terminer ses passages dans la muleta la tête en l’air. L’épée verticale, demi-lame desprendida, demandait toutefois le descabello, effectif au deuxième essai.
”Ojos-verdes” du Conde de la Corte, nº 93, né en janvier 2020, negro mulato, bragado, n’avait pas les hechuras comparables à celles du précédent, les “condesos” étant naturellement moins corpulents mais affublés de cornes imposantes et effilées. D’abord suelto dans la piste, il ne pouvait pas être fixé à la cape de Morenito de Aranda. Il était piqué para Hector Piña, pour une première puya qu’il “protestait” et faisait sonner l’étrier. Il sortait de la rencontre pour se diriger vers le toril.,, manseando. Après avoir raté la deuxième pique et rectifié sa position, le picador levait la pique. Morenito de Aranda “citait” ce toro à la voix et le passait à distance, avec brusquerie. Le toro se dirigeait vers le toril une nouvelle fois et abandonnait la lutte. Trois pinchazos avant un estocade entière, tendida, desprendida et quatre descabellos!
“Secuoyo” de Dolores Aguirre, nº 3, né en noviembre 2018,castaño, salpicado, bragado, meano corrido, dédaignait Alberto Lamelas qui l’attendait à genoux avec la cape… Il n’était pas fixé, se déplaçait dans un gazapeo sans but avant d’aller au cheval D’Artagnan monté par David Prados qui administrait trois piques, bien placées, soutenues, malgré la faible poussée du toro à la première, qui sortait par une demi-vuelta de campana, qui poussait plus fort à la deuxième et sortait suelto de la troisième. David Prados était longuement applaudi. Durant la faena de muleta ce toro ne passait pas, encore moins à gauche qu’à droite, s’arrêtait même. Il donnait un signe d’aller vers les tablas. Une estocade trasera, très tombée.
“Paquetito” de Peñajara, nº 54, né en abril 2019, negro bragado, meano. Dès sa sortie du toril, il soulevait les protestations justifiées de certains aficionados pour une présentation incongrue pour une corrida concours. Sa course était loin d’être parfaite dans la cape de Fernando Robleño. Il allait seul – al relance – au cheval pour une pique arrière, une deuxième sans s’appuyer, le picador Victoriano García “El Legionario”, et la troisième, en arrière de nouveau et rectifiée. Sifflets. La faena était plutôt bougée, le toro répondait sans classe, les passages dans la muleta se raccourcissant, pour ne plus avancer. Près des tablas, Fernando portait pusieurs pinchazos avec, en prime, un metisaca mortifère. Un descabello.
“Capachero” de Flor de Jara, nº42, né en janvier 2019, cárdeno oscuro, bragado corrido, axiblaco, lucero, n’avait pas les rondeurs habituelles des toros de santa-coloma, il était plutôt osseux et pas très impressionnant de cornes… Il était accueilli a porta gayola par Morenito de Aranda qui lui servait ensuite une larga cambiada de rodillas au tercio. Piqué par Manuel Sayago, ce toro ne s’employait pas trop et la pique était relevée. Il fléchissait du train avant à la sortie de la deuxième rencontre. MdA demandait le changement. Ce toro se déplaçait bien aux banderilles et la faena de muleta commençait bougée. Au terme d’une série de la droite on remarquait un magnifique changement de main, donc une naturelle de remate et une non moins magnifique charge du toro. Là était la clé de la faena. La charge à gauche, “humiliée”, le museau dans le sable, n’était pas exploitée par MdA. Malgré une bonne série de naturelles, les suivantes accélérées, naturelles en redondo pour éviter le retour typique du toro santacolomeño en fin de passes. Beaucoup de passes et le répondant du toro enthousiasmaient un public bon enfant. A l’épée, un pinchazo bas et une estocade basse qui roulait le flor-de-jara. La pétition d’oreille était acceptée.
“Apasionado” de Christophe Yonnet, nº878, né en janvier 2019, castaño, chorreado en verdugo, cornivuelto, faisait une sortie imposante face à Alberto Lamelas, lui aussi face au toril a porta gayola. Suivaient deux largas cambiadas de rodillas au tercio et il était facile de déceler une faiblesse de pattes qui allait s’accentuant sous les piques, le toro s’affalant sous le cheval monté par Antonio Prieto qui n’y pouvait rien. Ce toro de magnifique présence aurait dû être renvoyé au corral, mais… Alberto Lamelas ne pouvait tien faire dans ces conditions, alors que ce toro, ses forces intactes, aurait, semble-t-il, donné cours à des charges vives mais nobles… Des manoletinas, malgré tout, qui ne rimaient à rien! Un pinchazo bas et un trois-quarts de lame aussi tombé venaient à bout de ce toro qui promettait.
Fernando Robleño: un avis et vuelta; Morenito de Aranda: silence; une oreille. Alberto Lamelas: silence aux deux. Les picadors Israel de Pedro et David Prados étaient applaudis au 1er et 3ème. Victor del Pozo, de la cuadrilla d’Alberto Lamelas, saluait après la pose des banderilles au 3ème. Etaient applaudis à l’arrastre le 1er et le 5ème. Les prix au meilleur toro de la corrida concours et au meilleur picador n’étaient pas décernés par les jurys correspondants. |
Georges Marcillac
Photos: André Viard pour mundotoro.com