Il y a quelques jours un de mes amis aficionados, excellent analyste et expérimenté me faisait part de sa lassitude et de son désir d'abandon face à la médiocrité ambiante et au manque d'émotion dans les plazas. Que pouvais-je lui dire, moi qui depuis de nombreuses années fustige une évolution du toreo qui me conduit aussi à des moments de doute ? Le toreo stéréotypé et avantageux développé par les techniciens au sommet de l'escalafón m'éreinte. Le toreo sincère et puissant, mais aussi de plus en plus rare, de José Tomás, ne suffisait pas à me rassasier. Heureusement la sincérité de toreros comme Alejandro Talavante, Diego Urdiales, Saül Jimenez Fortes, m'a donné des raisons d'espérer pendant que défilent les jeunes recrues qui calquent sans imagination et sans personnalité le toreo fuera de cacho, jambe de sortie effacée, les trajectoires en ligne, les estocades avec un bond d'esquive, c'est-à-dire le toreo exécuté méthodiquement par leurs idoles à la recherche de l'optimisation du ratio sécurité, rentabilité. Cette espérance se prolonge actuellement car il est en train d’apparaître une génération de toreros qui prennent le contre-pied de cette dérive moderniste pour en revenir à ce qui a toujours été le bon toreo, à savoir celui réalisé avec naturel, simplicité, courage et sincérité.
La novillada d'ouverture de la Feria de Pamplona proposait un cartel alléchant de trois novilleros dans un bon moment. Force est de constater que "Posada de Maravillas" a confirmé sa fragilité et superficialité même si ses belles manières plaisent. Quant à Jonathan Varea, qui avait fait illusion à Valencia, il a révélé qu'il reste inspiré par le toreo moderne avec sa muleta hors gabarit et son palillo aussi long que son ayudado, sans mentionner son style plus qu'hésitant à la mort. Les deux sus mentionnés ont souffert de la comparaison avec l'étoile montante péruvienne Andrés Roca Rey dont le toreo est une extraordinaire allégorie à tout ce que représente la tauromachie dans l'inconscient des aficionados. Hier ce fut au tour de Alberto López Simón de confirmer qu'il est adepte du même registre avec un impact émotionnel impressionnant. Et parmi les très jeunes on voit poindre des toreros résolument orientés vers le toreo pur sans les excès d'artifices du toreo moderne.
Alors qu'on pouvais craindre un développement rapide et irréversible vers la facilité, les nouveaux venus qui font le plus parler d'eux sont clairement des adeptes du toreo pur et ceci est très encourageant pour autant que nous, public, sachions faire la différence entre la profondeur froide de ce toreo pur et la superficialité du toreo contorsionné et virevoltant.
Dans la génération en place, le renouveau de Sébastien Castella est déjà venu brouiller les cartes de l'establishment et Talavante est en passe aussi de mettre de côté le groupe de techniciens qui avaient pour objectif de monopoliser les sommets. Et derrière ces deux locomotives la jeune génération annonce un renouveau au sommet de l'escalafon. Sous peu, si cette jeunesse confirme, nous verrons briller au plus haut Lopez Simon, Andrés Roca Rey ainsi que Jimenez Fortes s'il arrive à canaliser son impétuosité.
A mon ami désabusé, je dis "le toreo pur est de retour". Il faut tenir encore un peu ! Nous nous réjouirons d'un toreo naturel, simple, courageux et sincère. Ojalá!
René Philippe Arneodau.