Les articles publiés récemment sur mundotoro.com dans l’éditorial intitulé S.O.S. Novilladas, celui de Simón Casas et celui de René-Philippe Arneodau, ici même, qui soulevaient le problème des novilladas à Madrid, demandent effectivement réflexion, de la part des organisateurs, des apoderados des novilleros et des aficionados qui devraient donner leur avis sur cette question dont dépend en partie le futur de la Fiesta de los Toros. De même ces opinions peuvent avoir une certaine résonnance et alimenter les arguments de l’ anti-taurinisme et des politiques de la « nouvelle vague » à l’affût.
Habitué de la Plaza de Las Ventas je dois confirmer que les novillos ont souvent le trapío des toros des arènes catégories inférieures et que durant les quatre mois qui ont suivi San Isidro les novillos ont été opposés à des novilleros qui se présentaient à Madrid sans le bagage technique et rodage suffisants. C'est plutôt ce déséquilibre qu'il faut critiquer. Cette constatation n'est pas le résultat d'une situation nouvelle mais la recrudescence des accidents récents oblige à la réflexion. Pour cette raison, hormis les accidents impondérables qui peuvent survenir dans une corrida de toros, le manque d’expérience des novilleros et sans doute leurs prises de risque parce qu’ils sont à Madrid, le volume et armures respectables des novillos-toros de Las Ventas, sont les facteurs accumulés pour que ces novilladas dominicales soient accidentées et se terminent pour certains par des blessures très graves.
A ce jour, sur les sept novilladas programmées depuis la fin de la Feria de San Isidro, ont été enregistrées sept cogidas et blessures dont deux très graves et seulement quatre oreilles coupées sur les 42 novillos lidiés.
En voici le détail, étant indiquée la moyenne de poids des novillos (PM) :
12/06 Novillos de Guadaira PM: 469 kg. Juan Miguel 1 oreille, Guillermo Valencia (Ven.) blessure grave, Rafael Serna, blessure très grave.
19/06 Novillos de Gabriel Rojas PM: 493 kg. Juan Miguel cogida et blessure: luxation de coude
26/06 Novillos de différentes ganaderías (4)! PM: 521 kg. Juan Carlos Carballo cogida et blessure légère
03/07 Novillos Sepúlveda de Yeltes PM: 491 kg.
10/07 Novillos de Carriquiri PM: 513 kg. “El Gallo” une oreille, Jesús Martínez une vuelta.
17/07 Novillos de Fernando Peña PM: 482 kg. Luis Manuel Terrón blessure grave
24/07 Novillos de Arraúz de Robles PM: 478 kg. Pablo Belando cogida et blessure très grave, Tulio Salguero une oreille et blessure grave, Miguel Maestro une oreille.
Avant et pendant San Isidro huit novilladas furent programmées avec le bilan de 3 cornadas: celles de "Gallo de Córdoba", Miguel Ángel Silva et Luis David Adame. La novillada de El Paralejo dont le poids moyen indiqué était de 456 kg. fut, jusqu’à ce jour, la novillada la plus légère de toutes les novilladas de Las Ventas et les novilleros étaient les trois figuras – Álvaro Lorenzo, Ginés Marín et « Varea » - qui allaient quelques jours plus tard prendre l’alternative à Nîmes….
Il faut rappeler que la limite supérieure de poids autorisée pour les novillos présentés à Las Ventas est de 540 kg. Ceci montre, avec les poids affichés, combien la catégorie de Madrid impose un niveau bien plus élevé que celui des autres arènes (par exemple à Séville cette limite est de 500 kg.) pas seulement de poids, mais aussi de trapío et armures souvent équivalents à ceux des toros adultes lidiés à Séville ou Valence pour ne citer que ces arènes de 1ère catégorie (en France le poids n’est pas toujours affiché...)
De tous les 21 novilleros présents à ces novilladas, 6 faisaient leur présentation à Madrid (Rafael Serna, Diego Carretero, Ricardo Maldonado, José Manuel Sánchez, Daniel Menes (O), « El Gallo » (O), Jesús Martínez (V), Luis Manuel Terrón) et avaient à leur actif moins de 10 novilladas piquées, sinon dans leur carrière au moins en 2015.
En ce qui concerne la qualité des novillos, jusqu’à ce jour bon nombre d’entr’eux n’auraient dû présenter de difficultés pour des novilleros aguerris et parmi les lots de Guadaira, Sepúlveda de Yeltes, Carriquiri, Fernando Peña et Araúz de Robles quelques exemplaires permettaient le succès des novilleros débutants.
De tout ce qui précède on peut facilement déduire qu’est fortement engagée la responsabilité de l’empresa Taurodelta et des mentors des jeunes novilleros pour les lancer dans une entreprise souvent au-dessus de leurs capacités. Il est possible qu’un succès à Madrid soit le tremplin pour de futurs contrats pour certains mais pour d’autres l’appel que représente Las Ventas ne sera qu’un « miroir aux alouettes » ou simplement le bord du gouffre de l’oubli, du découragement ou du renoncement… La situation actuelle, crise économique et politique, n’est évidemment pas favorable à l’organisation de novilladas pour le rodage et développement des novilleros qui, en désarroi, ne trouvent ni débouchés, ni opportunités de contrats pour toréer même dans les plus misérables conditions.
L’exagération des termes de Simón Casas cachent peut-être des intérêts présents ou futurs pour l’organisation des corridas à Madrid. Actuellement, les novilladas estivales ne sont pas de promotion mais plutôt un recul tant sur le plan économique pour l’empresa qu'une série d'embûches pour les novilleros. La portée des critiques de Simón Casas va à contre-sens de ses intentions, n’en doutons pas, car les adversaires de la corrida se régaleront de son affirmation que "les novilladas de Madrid flirtent avec le concept de crime contre l’Humanité". L’humanisme, qu’il défend, va au-delà de la réalité actuelle car, il le sait, le spectacle tauromachique est justement le paradigme de la vie telle qu’elle est, les valeurs humaines étant dignifiées et exacerbées par le torero dans son combat avec le toro. S'il veut défendre la tauromachie et son humanisme il pourrait utiliser d'autres termes et surtout oeuvrer dans ses arènes pour que ne se perdent pas les valeurs qu'il prône.
Il faut savoir qu’actuellement l’assistance aux novilladas de Las Ventas est atypique et très différente de celle du public de la San Isidro: beaucoup d’étrangers, touristes de toutes origines qui, pour la plupart, seulement informés du spectacle taurin à Madrid le dimanche, vont aux arènes comme à une représentation folklorique et se dispersent ou disparaissent pendant les faenas, sans n’avoir rien compris, souvent choqués ou simplement parce qu’une autre activité les attend préparée par les tour operators. Du fait de l’ennui régnant, des blessures fréquentes des novilleros, il est juste de penser que l’image de notre spectacle peut en souffrir et la propagande anti-taurine peut se nourrir d’opinions ou sentiments superficiels, facilement propagés, qui sont éloignés de la vérité et des valeurs de l’art tauromachique. Le problème repose donc sur les obligations du contrat avec la Communauté de Madrid qui sont contre-productives car le nombre, période des novilladas et leur habituel déroulement ne fidélisent pas les aficionados. La solution serait une programmation différente de l’actuelle avec la promotion des novilladas selon un schéma qui devrait corriger les erreurs ou lacunes passées: programmer des novilladas nocturnes à des prix populaires, sélectionner des novillos de trapío raisonnable correspondant à celui de leur encaste, préparer des cartels novateurs de novilleros déjà aguerris associés à un autre de moindre expérience et de novillos qui ne soient pas les « monstres » actuels… Cela permettrait à de nouveaux aficionados de s’initier aux règles et au rite de la corrida et ainsi, favoriserait le renouvellement de l’afición qui, par ailleurs, formerait un rempart plus solide face aux attaques de l’anti-taurinisme ambiant.
Il est donc nécessaire de revoir le contrat de gérance de Las Ventas qui vient à échéance à la fin de cette saison. Les nouvelles conditions de l’adjudication seront publiées en octobre-novembre. Il y sera stipulé que le nombre des novilladas programmées par la nouvelle empresa – ou l’actuelle Taurodelta qui de manquera pas de se présenter – devra être supérieur à 16 (nombre atteint d’ores et déjà au 31 juillet 2016). D’autre part l’année 2017 devrait voir l’augmentation de l’offre sur le marché des novillos par rapport aux années précédentes car le cheptel de toros bravos est à la hausse après les années de crise du secteur ganadero, donc le choix sera plus large et facilitera cette sélection. Cela évitera la pratique habituelle et nuisible qui consistait à forcir les utreros disponibles pour être sûr qu’ils passeraient le crible – ou reconocimiento – des présidents et vétérinaires de Las Ventas. Il faut espérer que dorénavant toutes ces mesures puissent être appliquées à Madrid pour que la Fiesta de los Toros conserve son caractère sans en dénaturer les valeurs pour le bien du spectacle mais aussi celui de l’afición exigeante de Madrid.
Georges Marcillac
Tout est dit. Très bien Georges
Tout est dit.tres bien Georges.