Pour la première apparition des toros de Fuente Ymbro de cette San Isidro, les aficionados seront partis de Las Ventas frustrés pour le résultat incomplet des pensionnaires de Ricardo Gallardo et les échecs à l’épée de Miguel Ángel Perera et Ginés Marin après leur importante faena au 4ème et 6ème respectivement. En effet, hormis le quatrième et le sixième qui émergèrent du lot, deux autres furent renvoyés aux corrales et les deux restants incomplets dans leur comportement. Le toro “Amargo” nº 184 de 548 kg marqué du guarismo 0 (né 11/2019) peut d’ores et déjà prétendre à un prix malgré un combat quelconque aux piques. Les deux sobreros de Chamaco – même origine Jandilla que Fuente Ymbro - nés en septembre 2019 – étaient bien engraissés, courts sur pattes, acapachados de cornes et… mansos.
Miguel Ángel Perera signait une faena dont on peut regretter, et le maestro le premier, le ratage à l’épée. Sans avoir pu fixer “Amargo” à la cape, MAP le conduisait aux medios. Le tonitruant début de faena recevait une enorme ovation, public debout: double péndulo à genoux, passe de poitrine allongée, sur pied, un derechazo, un molinete et la passe de poitrine, le tout enchaîné dans un espace réduit au centre du ruedo. Le cite à distance, le galop du toro et son passage dans la muleta, du temple ajusté à sa vitesse allègre formaient une première série vibrante de derechazos. Une nouvelle série de la droite avait pour début une capeina. Un changement de main montrait que le toro valait aussi de ce côté. Suivaient des naturelles en perdant quelques pas avec en remate un molinete et pase de pecho. MAP liait aussi des manoletinas en pivotant pieds joints et terminait par une passe dans le dos et la passe de poitrine. Le toro n’avait en aucun cas réduit sa charge ce qui donnait encore plus d’importance à l’ouvrage de MAP qui laissait échapper un succès à Madrid par deux pinchazos et une entière arrière, tombée. Sonnait un avis… Le premier sobrero de Chamaco présentait tous les défauts des mansos, fuyant les capes, rechignant à aller au cheval et à combattre, sortant suelto des rencontres. Malgré cela, MAP s’appliquait à toréer près des planches, muleta basse, mieux de la droite que sur la gauche. Le toro grattait le sol et il n’était pas facile à cadrer. Estocade desprendida, trasera… et des descabellos.
Paco Ureña tentait de fixer le 2ème fuente-ymbro à la cape par des parones sans effet. Juan Melgar, le vétéran picador, portait deux bonnes piques, la deuxième calibrée. Venait un échange de quites par chicuelinas et une demi-véronique efficace de Ginés Marín, Paco Ureña lui répondant par gaoneras et revolera dans une attitude imperturbablement tragique… Ovation! Au centre du ruedo, des statuaires stoïques, le toro démarrant depuis les tablas. Cette suerte et l'attitude qui lui correspond, marquaient le caractère résigné et grave du trasteo de Paco Ureña qui poursuivait son labeur par de bons derechazos alors que le toro fléchissait des pattes avant par moments. Sur la gauche, la charge était descompuesta et cela obligeait Paco Ureña à corriger sa position (le public lui en avait fait le reproche) Un pinchazo - sonnait un avis - précédait une demi-estocade, desprendida, atravesada. Le 5ème était renvoyé aux corrales. Le sobrero de Chamaco avait toutes les “qualités” d’un manso qui aurait fui de son ombre – la nuit était tombée sur Madrid –, qui se freinait et surtout sautait dans le capote de Paco Ureña. Le picador était obligé de passer les lignes pour piquer et cela trois fois tant le contact avec la puya avait été bref et insuffisant. Ce toro paraissait s’être blessé des pattes avant et cela avait pour conséquence une charge incertaine que Paco Ureña encaissait à la merci d’un écart soudain de trajectoire. Trois pinchazos une estocade de côté. Un avis.
Ginés Marín est de loin le meilleur styliste de la terna d’aujourd’hui. Á la cape comme à la muleta, il montrait tout son savoir faire et de plus il exhibait une envie de toréer peu habituelle… Sans préparation, il recevait par des véroniques, la demie et une larga, le 3ème qui fonçait sur le cheval pour le contourner et le déséquilibrer et cela en deux occasions, puyas traseras. MAP, tranquille, exécutait un quite par chicuelinas et tafalleras bougées. Le tanteo à la muleta était à la fois efficace et très torero, marchant vers le centre, des passes par le bas, trincherilla et passe de poitrine. Cette faena imposait au toro un rythme qu’il n’avait pas au début, qui permettait de ralentir les charges et lier ainsi les passes de la droite et les naturelles ensuite. Le toro “obligé” n’en pouvait plus. Il s’arrêtait. Un pinchazo et une entière roulait l’animal. Curieusement un silence indifférent sanctionnait cette faena. C’est au 6ème que Ginés Marín profitait de la noblesse d’un toro détenteur d’une charge claire et longue. Malgré une vuelta de campana à la sortie de la première pique, ce toro conservait un bon tranco. Le tanteo à la muleta n’était pas très réussi. La charge changeait, elle n’était plus aussi claire mais plutôt saccadée, descompuesta. Ginés Marín gérait parfaitement cet inconvénient, les charges toujours vives, “humiliées” et répétées. Les naturelles étaient de bonne facture, la charge réduite. On notait des retours vifs en fins de passes et même un avertissement, la corne gauche traînant au cours d’une naturelle. Ginés Marín continuait, porfión, toréait de face, pas très heureux dans ce cas, et il plaçait une estocade qui couchait le toro pour la puntilla.
Miguel Ángel Perera: un avis et silence!; saluts. Paco Ureña: silence; un avis et silence. Ginés Marín: silence; tour de piste. Le vent gênait les évolutions des trois matadors. 21.698 spectateurs. |
Georges Marcillac