La pluie ne décourageait pas les aficionados pour cette corrida de clotûre de l’édition 2024 de la traditionnelle Feria de La Madeleine. C’est un lot de Victorino Martín qui revenait à Mont de Marsan après le scandale de 2019. Cette année, d’impeccable présentation, hechuras et encornures, caractères propres de l’encaste Albaserrada, les toros de Victorino Martín ne pouvaient décevoir. Tous cinqueños et de robe cárdena, on peut les distinguer de toutes les autres élvages. Ils sont aussi reconnaissables dès qu’ils sont en piste par leur course et port de tête. Tous, sans exception, “humiliaient” sans trêve et les toreros face à eux devaient avoir les sens éveillés et le physique pour provoquer et ensuite diriger des charges vives mais pas trop retorses comme les alimañas d’autrefois. Manuel Escribano, Morenito de Aranda, qui faisait sa présentation à MdM en remplacement de Borja Jiménez, en convalescence après sa blessure de Pampelune, et Joselito Adame, Nº1 des matadors mexicains, formaient la terna qui affrontait les victorinos.
Manuel Escribano, spécialiste de l’encaste Albaserrada, était accueilli froidement par un public qui s’installait encore et prenait ses marques sur les gradins encore mouillés, public empêtré entre ponchos et parapluies. Pourtant, le vétéran de Gerena se dépensait face à “Migrador”, à la cape et aux banderilles – malgré le sable mouillé et glissant - en variant les suertes, al sesgo por fuera et al sesgo por dentro pour les deux dernières paires. A la muleta, au centre la piste là où subsistaient quelques flaques de pluie, entre derechazos et naturelles méritoires, Manuel Escribano, un peu décollé de la charge, “perdant” quelques pas pour pouvoir lier les passes, faisait que la faena allait a màs. Le toro noble – ce terme prenant un autre sens concernant un victorino – permettait une faena dont chaque passe avait son importance, pas reconnue par le public qui ne fêtait même pas l’estocade entière, desprendida, la corne gauche à hauteur de la poitrine au cours de la réunion. Le toro sorti 4ème, cornes large ouvertes “humiliait” dans la cape de Manuel Escribano, malgré un petit saut, du côté droit, en fins de lances. Le tercio de piques se déroulait normalement, la première soutenue et poussée jusqu’aux tablas, la seconde puya bien placée et le tercio de banderilles assuré par le matador était brillant, al sesgo por fuera depuis l’estribo de la barrière, al violín dans un quiebro. Le traitement qu’appliquait Manuel Escribano à ce toro en mouvement, des doblones au début, le cite à distance exacte, permettaient d’extraire de bonnes charges sur la gauche. Quelques passes de châtiment par le bas pour cadrer le bon victorino et la demi-estocade desprendida, delantera, nécessitait plusieurs descabellos.
Morenito de Aranda coupait une oreille à chacun de ses toros après des trasteos sérieux dont la principale vertu fut de bien accompagner les charges sans que les cornes atteignent l’étoffe de la muleta. Un tel enganchón, au 2ème, déchirait comme un rasoir la muleta. Ce toro avait pris trois piques, pas trop appuyées, une trasera, la troisième meilleure après des courses à “vitesse limitée” vers la cavalerie. Les mouvements respectifs du toro et de MdA qui “citait” exagérément à la voix, “perdant” des pas pour le reprendre dans la muleta, principalement dans des passes de la gauche, ou bien se sortant de la situation difficile des retours rapides du toro en se collant habilement aux flancs du Victorino, impressionnaient le public. Une demi-épée tendida suffisait. Le 5ème, cornes large ouvertes, allait trois fois au cheval d’un élan allègre, après un placement à bonne distance. Le picador Hector Piña était fortement applaudi. On pourrait dire que ce toro “faisait l’avion” dans la muleta de MdA, d’une course mesurée qui demandait néanmoins vigilance à tout instant. Des passes de la gauche, avec répétition et libération par la passe de poitrine, la bravoure du victorino était manifeste conservant du ressort jusqu’à la fin. L’estocade tombait légèrement en arrière, desprendida. La pétition d’oreille était forte. Ovation à la dépouille du toro à l ’arrastre.
Joselito Adame surprenait, dès la sortie du 3ème, en lui servant une série de véroniques comme s’il s’était agit d’un domecq! Deux piques, tête fixe dans le caparaçon, après une charge lente au cheval. L’autre surprise fut l’attitude du Mexicain, à la muleta, courant la main avec aplomb et maîtrise dans des derechazos et longue passe de poitrine. Le toro passait moins bien sur la gauche. Une autre série, à droite ponctuée de deux molinetes et passe de poitrine; un suivante, martinete et pase de pecho. Cette faena avait la vertu de faire presque oublier qu’elle était réalisée face à un victorino avec métier et dans des conditions difíciles. L’oreille était gagnée après une demi-épée desprendida, delantera, mais finalement perdue par une succession de descabellos. Le 6ème, un toro court sur pattes et bien armé, qui “humiliait”, museau dans le sable, était reçu par une série de véroniques, jambe contraire semi-fléchie. Deux piques en arrière, poussant le cheval et soutenues par le picador, s’avéraient insuffisantes comme le confirmait la charge débordante de ce toro qui mettait en difficulté Joselito Adame. Des naturelles, quand même, et deux molinetes pour se sortir d’affaire protestés par le public! Â la mise à mort, Adame n’était pas très à l’aise et portait deux pinchazos dont le dernier, profond, tombé et croisé, un estocade croisée aussi, qui venaient à bout de ce toro intéressant mais compliqué.
Manuel Escribano: un avis et silence; un avis et silence. Morenito de Aranda: une oreille; une oreille. Joselito Adame: un avis et ovation; un avis et silence. Les trois derniers toros étaient applaudis à l’arrastre. Brindis à Victor Mendes au 5ème. La Marseillaise était jouée et chantée par le public après le paseíllo. Arènes remplies 100%. Vive La Madeleine et à l’an prochain, |
Georges Marcillac
Photos: André Viard pour mundotoro.com