Tous les espoirs mis dans cette affiche somptueuse furent anéantis par le mauvais temps et la décrépite corrida de Juan Pedro Domecq. Seul le sixième donnait le change et permettait à Pablo Aguado de réaliser une faena qui le remet sur le devant de la scène après son opération du genou (ligaments et ménisque) à la fin de la temporada 2021. La corrida commençait avec vingt-cinq minutes de retard après les palabres des matadors et des autorités pour savoir si la course pouvait avoir lieu. En effet il pleuvait –pas trop fort -, le vent soufflait, certes, et la piste semblait intacte et parfaitement préparée comme il était prouvé par la suite. Malgré cela, à l’issue du paseillo, les trois toreros devaient répondre aux applaudissements du patient, stoïque et bienveillant public valencien. La pluie intermittente empêchait votre serviteur à prendre des notes mais le concours des intempéries, des toros de Juan Pedro Domecq et des indigentes mais excusables prestations des « maestros », le compte-rendu de la corrida ne demandait pas un grand effort de mémoire.
L’ennui et l’abattement des spectateurs tout au long de la corrida était le résultat des déficiences sinon physiques surtout du « moral » des toros, « décastés », distraits ou coureurs, sans fixité, ou bien ayant parfois des réactions imprévues qui gênaient les toreros. De présentations inégales mais acceptables pour des poids à la bascule allant de 520 à 594 kg (le 6ème), de plus de cinq ans, sauf le 5ème, protesté par le public et son manque de trapío, ils permettaient par leur course, encore vive avant les piques, des séries à la cape où excellaient tour à tour Morante, Juan Ortega et Pablo Aguado. Après cela, ce fut à peu près tout : ils s’arrêtaient, se défendaient ou s´échappaient. Si parfois. chacun des trois sévillans pouvait s’exprimer à la muleta, l’embellie durait peu car, à la passe suivante, le toro brisait cet instant de communion toro-torero-public !
Morante de la Puebla essayait, par tous les moyens, de faire passer son toro, le 4ème, montrant à la fois capacité et conscience professionnelle face à l’adversité, son adversaire et non plus son collaborateur, pour une faena décousue, réalisée dans tous les terrains. La faena était trop longue et un avis sonnait avant de se résoudre à prendre l’épée. Pendant ce temps, la musique jouait comme sur le Titanic… A son premier, presque rien, car rien n’était possible.
Juan Ortega, toréait, sous la pluie le 2ème qui ne répondait que par à-coups, à contre-style, dans sa muleta, pas très convaincante. Au 5ème, c’était pire, par la multiplication des accrochages de la muleta, les derrotes en fins de passes et on passera sous silence la qualité des estocades…
Pablo Aguado ne faisait rien de notable seulement encouragé par un public avide d’ « art » au 3ème, qui avait tendance à aller vers les barrières. Le 6ème, après une réception à la véronique, paraissait mieux se déplacer et répondait bien au tercio de banderilles. Cela incitait Pablo Aguado à dédier le toro au public sans que son geste reçût une réponse enthousiaste. La faena, de courte durée, donc bien mesurée, fut une succession de gestes, de suertes à la muleta, d’une fantaisie et grâce sévillane incomparables, molinetes, un kikiriki, un changement de main par devant et passes de poitrine qui terminaient, enfin, des séries de la droite. Sur la gauche, c’était moins bien, sinon le changement de main par devant déjà cité. L’épée tombait basse et la mort presque fulgurante. Une oreille était demandée. Il fallait bien ça pour terminer cette corrida maussade…. comme le temps.
Morante de la Puebla : silence ; deux avis et ovation. Juan Ortega : silence aux deux. Pablo Aguado : silence ; une oreille. Deux-tiers d’arène pour cette affiche tant attendue. Sifflets aux toros à l’arrastre. |
Georges Marcillac
Photos de Alberto de Jesús pour Mundotoro