Après deux ans de pénurie taurine dans la cité des Landes, la première corrida de la feria commençait après vingt minutes d’attente à cause de la longueur des contrôles du pass sanitaire autour des arènes du Plumaçon. A ce retard, il a fallu ajouter les temps de renvoi aux corrales de deux toros, l’un invalide (le 2ème) et l’autre (le premier sobrero) qui se cassait la patte avant gauche en chargeant pour la première paire de banderilles. Au total, plus de trois heures sur les gradins, heureusement sans trop souffrir de la chaleur ni de l’étroitesse des places des autres années. C’est insupportable, surtout si les faenas s’éternisent et si on laisse une banda jouer ses morceaux en fin de faenas !! Lorsqu’on mélange concert de musique et tauromachie, c’est cette dernière qui y perd. Les connaisseurs pouvaient néanmoins apprécier - presque religieusement - l’interprétation de « Suspiros de España » par l’Orchestre Montois pendant la deuxième faena de Daniel Luque qui n’en méritait pas tant, sinon des soupirs devant l’inconsistance du vegahermosa provenant du même sang de Jandilla. En comparaison avec ses compagnons de cartel, Miguel Ángel Perera et Thomas Dufau, Daniel Luque gagnait aux points pour sa prestation au deuxième sobrero qui sortait incognito du toril sans sa devise (en réalité d’Antonio Bañuelos). En effet, ce toro, de quelconque présence, sans être trop piqué - c’est un euphémisme - mettait bien la tête dans les capes et dès les premières passes de tanteo à la muleta, dans un mouvement continu vers le centre du ruedo, le torero de Gerena distillait des passes brillantes, cadencées – trincherazo, trincherilla, molinete, changement de main et naturelle au ralenti de remate – du grand art ! La suite de la faena se composait de passes longues, certaines d’un grand temple à la faveur d’une belle charge du toro, s’ «ouvrant» en fins de passes, de la droite principalement. Un nouveau changement de main était suivi d’une naturelle de 360º. Après cela, le passage à gauche n’avait plus la même qualité et, le toro, vidé du peu de bravoure qu’il possédait, cherchait ostensiblement le refuge des barrières. Dans ce terrain, Daniel Luque soutirait des passes d’improvisation, presque des luquecinas, à ce toro ingrat sur la fin. La piteuse mise à mort, par pinzhazos et un bajonazo, réduisait à rien un possible triomphe.
De Miguel Ángel Perera, qui remplaçait Enrique Ponce, on dira bien peu. Sa tauromachie facile et mécanique élimine toute émotion, pas même artistique. On peut lui reconnaître sa maîtrise pour mettre les toros dans sa muleta convaincante comme il démontrait face à ses deux jandillas dont il fallait corriger les défauts – de tête le 1er, violence de charge le 4ème – pour réussir des passes estimables. Néanmoins, il se laissait déborder par ce dernier… Ses mises à mort étaient catastrophiques, prenant la tangente avant même de placer l’épée.
Quant à Thomas Dufau, dont on célébrait les dix ans d’alternative dans ces mêmes arènes, on regrettera qu’il ne sût pas adapter sa tauromachie aux difficultés que présentaient ses deux jandillas. De la volonté et de la vaillance sont à mettre à son crédit devant son public. Son premier avait une charge violente et tendance à se serrer de la droite, tout comme le 6ème. Dans les deux cas, il encaissait les charges avec le risque d’être pris comme cela arrivait au dernier, sans dommage heureusement. Les toros de Jandilla possèdent un « piquant », une certaine vivacité qui souvent met en danger ceux qui négligent cette caractéristique et Thomas Dufau en faisait les frais. Les deux cogidas survenaient dès la deuxième statuaire au centre de la piste, ensuite lorsque le Montois insistait sur la corne droite dans une série de derechazos : il était cueilli à hauteur de la poitrine… Malgé cela, indemne, après un pinchazo il portait la meilleure estocade de l’après-midi.
Les toros de Jandilla n’ont pas répondu à ce que l’on attendait d’eux. Des cinqueños (2ème, 4ème et 6ème), l’un aurait eu six ans le mois prochain (3ème) On remarquait les belles hechuras des 1er et 2ème (renvoyé aux corrales) et 6ème. Seul le 5ème poussait à la première rencontre avec le picador. Le lot décevait dans l’ensemble sans trop de qualité dans les muletas. Seul le deuxième sobrero était excellent jusqu’à son abandon dans la muleta de Daniel Luque.
Miguel Ángel Perera : saluts sans petition… ; un avis et silence. Daniel Luque : ovation ; silence.Thomas Dufau : silence ; un avis et ovation de sympathie. Bonne brega et ensuite bonnes paires de banderilles de Juan Manuel Pérez Mota de la cuadrilla de Daniel Luque. Mathieu Guillon de la cuadrilla de Thomas Dufau saluait pour ses deux paires de banderilles au 6ème. |
Georges Marcillac
Photos de mundotoro.com