La terminologie est la discipline des termes selon la définition de l’Académie Française. Pour cela, la terminologie taurine ne doit pas échapper à cette condition de discipline. Le foisonnement des termes taurins qui souvent apparaissent dans les chroniques et autres textes peuvent paraître, pour le lecteur occasionnel néanmoins intéressé à la cause taurine, un charabia, un cocktail de mots exotiques, souvent intraduisibles qui conduisent à une abstraction éloignée du but poursuivi par l’auteur et la publication qui l’édite. Le jargon, dans le sens noble du terme, des professionnels, initiés et aficionados de l’art taurin est riche, précis et imagé à la fois, évolutif et il s’est imposé dans le langage courant espagnol où une multitude d’expressions taurines viennent compléter la longue liste des proverbes, locutions et phrases-toutes-faites de la langue de Cervantes.
Le vocabulaire employé dans les articles, chroniques et essais taurins ne peut se libérer de l’entrave, si ce n’est de l’obligation, d’utiliser des termes qui ne peuvent même pas être traduits par une expression ou métaphore. Sans doute, dans ce dernier cas, les poètes ou journalistes inspirés ont l’avantage de jouer avec les mots pour décrire une série de passes, l’envolée d’une cape ou la course d’un taureau. Mais la traduction exacte de l’action, du geste, ne passe pas par autre chose que le mot exact qui les définit. Là, il ne s’agit pas de faire de la poésie – utile et nécessaire, par ailleurs, car la corrida est un chant épique et tragique à la fois, une œuvre d’art multiforme et multicolore – mais d’employer un vocabulaire qui ne transige pas avec les mots : une naturelle est une naturelle et bien plus qu’une passe exécutée de la main gauche!
L’académicienne et hispaniste, Florence Delay, recevait une bronca magistrale de feu Jean Lacouture lors de la présentation, en 1989, au Centre Pompidou de Paris, de sa traduction de la Música callada del Toreo de José Bergamín. En effet, le titre était devenu «La Solitude sonore du Toreo» faisant référence à deux vers de Saint Jean de la Croix (1542-1591), la música callada/la soledad sonora, (Cántico Espiritual – strophe15) dans une réflexion mystique sur le couple, évidemment éloignée du sujet qui nous occupe mais qui, pour le premier vers, traduisait la «musique» de certaines faenas mémorables de toreros inspirés par le duende. La joute oratoire qui s’installa dans le débat avait pour origine le parti pris déclaré de l’écrivaine de «renoncer à la langue inventée par la critique taurine en France, une extraordinaire langue à deux versants, deux penchants, l’un français, l’un espagnol, une langue mixte, transpyrénéenne, tatillonne et lyrique, technique et imagée, qui laisse loin derrière soi la tépitude (sic) de la critique littéraire ou les congères des critiques d’art contemporains». Comme exemple, Florence Delay n’hésitait pas à traduire la faena de muleta comme un «travail au bâtonnet», la passe molinete comme un «moulinet» ou encore torete codicioso comme «taurillon avide» (re-sic). On voit que la traduction littérale conduit inévitablement au ridicule – pardon à l’Académie - si ce n’est au non-sens et n’apporte absolument rien à la connaissance de la réalité et spécificité taurines.
En Espagne, le vocabulaire taurin est né du peuple, agricole de surcroît, au contact du bétail et de l’élevage du bétail « brave » qui animait les jeux taurins des fêtes populaires en l’honneur des saints patrons des villes et villages. Associé à ces capeas et encierros, plus tard à la corrida règlementée, s’est créé un langage particulier donnant aux mots courants un sens éloigné de leur sens académique pour former un jargon – la jerga taurina – qui s’est étoffé au gré du temps, des modes et des modalités de la corrida moderne.
Notre afición se nourrit de mémoire et d’imaginaire mais face à la réalité du spectacle, vivant et vécu l’espace de quelques secondes ou minutes, la relation d’une faena, d’une suerte, de l’état du toro et son comportement, nous oblige à décrire avec les mots les plus précis le détail de la lidia ainsi que les réactions du public de telle sorte que le lecteur absent visualise le spectacle, son ambiance et ressente les mêmes émotions que s’il avait été présent sur les gradins.
Pour toutes ces raisons, Toreo y Arte a jugé nécessaire de créer un glossaire, qui peu à peu s’enrichit de termes nouveaux dont les définitions ne seront pas toujours orthodoxes, certaines s’éloignent de la froideur des dictionnaires, mais sont le fruit de l’expérience des auteurs et des sources encyclopédiques de leur bibliothèque. Pour une meilleure connaissance de la lidia, le nom des passes demeure insuffisant et requiert une description de leur exécution que seule une image vivante peut capter. Progressivement, le glossaire sera complété d’images vidéo dans le but d’apporter ce complément indispensable, interactif et technique. De cette manière se renforce la devise au frontispice de notre portail taurin.
Georges Marcillac
Voir aussi: De la difficulté d'écrire une chronique taurine en langage courant.