Après le désastre taurin d'hier, il fallait bien retrouver la vérité de la chose taurine avec la corrida de Victorino Martín et des hommes pour la combattre. Le cartel qui réunissait trois toreros de styles différents a pu maintenir l’intérêt et l’attention du public et ainsi clore une feria de La Madeleine sur une bonne note. Les pensionnaires de La Tiesa – finca de Victorino Martín – présentaient différentes caractéristiques physiques et de comportement plus ou moins accentuées selon l’idée que l’on se fait de cet élevage modèle de l’encaste Albaserrada. Néanmoins, tous étaient des cinqueños. Manuel Jesús Cid doit naturellement faire briller son apodo de “El Cid” mais il est sur le retour et sa présence â Plumaçon surprenait; Morenito de Aranda, qui avait ouvert la feria mercredi dernier, lui, récoltait les fruits de ses derniers succès en France; Saúl Jiménez Fortes, de Málaga, est moins connu mais sa personnalité et le toreo qu’il exprime en font une des révélations de la temporada.
Morenito de Aranda marquait de son empreinte cette dernière course au 5ème, un toro plus volumineux et cuajado que ses congénères. Malgré la difficulté inhérente de ces toros Morenito décidait de toréer en deux fois trois véroniques pour une demie au centre de la piste. Il marquait ainsi ses intentions qu’il conservait, et avec quelle ardeur, tout au long de la lidia de “Jarrinero” qu’il faisait piquer et ménager en trois assauts. La faena se composait de séries des deux mains avec l’obligation de “perdre” des pas entre les passes et éviter les retours des deux cornes pour garder le toro dans la muleta. Cela avait l’allure d’un combat où, tour à tour, le torero devait prendre le dessus alors que le toro attaquait avec violence et réduisait ses charges. Le trasteo de pitón a pitón laissait le toro cadré pour la mise à mort. Un pinchazo dans le haut précédait une estocade desprendida. L’oreille était unanimement sollicitée et accordée. Le 2ème, dans le type, était tout de même moins bien présenté. La faena allait crescendo en qualité des passes, d’abord des naturelles courant la main - sans chercher… ni obtenir une quelconque esthétique sinon efficacité – et finalement des derechazos où les retours par le bas étaient plus évidents… Il réussissait une série sur la droite sans les pas de correction. A la mort, un festival de pinchazos et une estocade tombée. Un avis.
Saúl Jiménez Fortes touchait un toro, le 2ème, léger mais très encorné, cornipaso, qui poussait bien jusqu’aux tablas à la deuxième pique. Fortes s’étirait de la droite tout en corrigeant sa position pour enchaîner les passes. Même système pour des naturelles. Le corps vertical, la muleta en arrière, une série de naturelles étaient dessinées sans réaction du public peut-être à cause de la mollesse des charges du victorino… La dernière série de la droite, plus statique, et la passe de poitrine n’avaient aucune répercussion sur les gradins! L’estocade délantera et deux pinchazos hondos en finissaient avec l’animal Un avis. C’est au 6ème que Fortes montrait tout son talent pas toujours compris par le public montois et… d’ailleurs. Cet exemplaire, distrait, sans fixité, allait presque au pas au cheval comme l’avaient fait les toros précédents mais il prenait trois piques mesurées. À la muleta, sans le tanteo préliminaire, le toro était entrepris sur la droite par le Malagueño dans un bon style, corps vertical mais aussi détaché de la trajectoire du toro. Les passes suaves en naturelles, en caresse à mi-hauteur, ne semblaient pas émouvoir le public. Il était surprenant, il est vrai, que ce toro ne montrait guère de vivacité. Les dernières naturelles de face, deux d’entr’elles très spectaculaires et bien dessinées en terminaient avec cette faena de Fortes coiffé de sa montera ce qui en intriguait plus d’un! L’estocade un peu en arrière et plusieurs descabellos étaient nécessaires… Un avis sonnait.
“El Cid” se faisait déborder par le 1er victorino dans le capoteo de réception en direction du centre du ruedo. Ce toro prenait trois piques de diverses considération et ne se déplaçait pas trop durant le tiers de banderilles mettant à la peine les banderilleros. Peu à peu “El Cid” mettait son toro dans la muleta pour d’estimables derechazos. Sur la gauche, c’était plus compliqué mais cela passait sans le style habituel de Manuel Jesús en naturelles. La reprise sur la droite et un accrochage de muleta produisait une réaction telle que le toro ne passait plus. Abaniqueo. Une estocade atravesada sortait sur le flanc gauche. Le 4ème était un toro haut sur pattes, cornivuelto, plus fait, qui recevait une ration exagérée de deux piques rechargées par le picador qui était gratifié d’une monumentale bronca. Les hommes à pied plantaient les banderilles comme ils le pouvaient. "El Cid" recevait une bronca en conséquece de l'attitude des hommes de sa cuadrilla, le public refusant le brindis inaproprié. Durant la faena, le toro diminué grattait le sol et se réservait pour charger. Il finissait par douter et devenait avisé. Deux pinchazos et une estocade basse.
“El Cid”: saluts; silence. Morenito de Aranda: applaudissements; une oreille. Fortes: un avis et silence: un avis et saluts. Des cuadrillas, Curro Robles était le peón protecteur de “El Cid”, Iván García de celle de Morenito saluait au 6ème après la pose des banderilles, Victor García “El Victor” et Raúl Ruiz aux ordres de Fortes étaient aussi applaudis aux banderilles. Temps couvert. Arènes pleines. Â la prochaine Madeleine 2026. |
Georges Marcillac