Madrid 11 novembre 2024 – Importante conférence du vétérinaire Julio Fernández Sanz sur l’hydratation corporelle du toro de lidia et son rendement dans l’arène.

Dans le cadre des conférences de l’Union des Abonnés et Aficionados Taurins de Madrid _ UAATM – le vétérinaire Julio Fernández Sanz présentait en avant première au monde taurin madrilène,  les résultats d’une étude novatrice, jusqu’alors d’un domaine inexploré, à propos de “L’importance de la déshydratation sur le rendement du toro (de combat)”.

Julio Fernández Sanz est vétérinaire spécialisé dans la génétique, étude des encastes, techniques d’analyse des cornes et développement des “outils” de toréer. Il est à l’origine du Livre Généalogique infornatisé du Toro de Lidia en collaboration avec les associations des éleveurs de toro brave dont la Real Unión de Criadores de Totos de Lidia (RUCTL). Il est l’auteur du livre de référence “Descubriendo al toro de lidia (2023).

Comme prémice à l’exposition de son étude, Julio Fernández, met en relief les quatre bases sur lesquelles reposent la réussite et succès de tout éleveur de toros braves: l’alimentation et le maniement des animaux, la génétique et la sélection, l’hygiène et les soins qui doivent leur être apportés. Tout manquement ou écart à l’optimisation de ces conditions conduiraient sans aucun doute à l’échec et appauvrissement des produits de l’élevage.

De nos jours, le toro de lidia, est un animal dont les qualités physiques sont à comparer, toutes proportions gardées, à celles d’un athlète humain. Les efforts soutenus lors de la suerte de varas et l’exigence de résistance à la longueur des faenas modernes requièrent des caractéristiques physiologiques absolument différenciées des autres individus de l’espèce bovine.

Pour cela, le vétérinaire Julio Fernández rappelle les particularités de la physiologie de toro de lidia. Le toro est un descendant du bos taurus primigenius ou auroch. Il est mammifère de la famille de bovidés, mammifère ruminant dont l’appareil digestif - formé de quatre estomacs –métabolise les aliments du toro - herbe, fourrage et pienso – en union avec l’absorption quotidienne d’une quantité considérable d’eau, de l’ordre de 8 à 10% du poids à vif de l’animal

C’est là qu’intervient le principal objet de l’étude: l’hydratation… et les effets contraires de la deshydratation.

Les bénéfices de l’hydratation sont multiples. Hormis le transport de toutes sortes de substances nutritives, minéraux et vitamines, et l’activation d’enzymes pour la provision d’énergie que nécessite l’organisme, elle favorise la régulation de la température corporelle et lubrifie les tissus et articulations.

A l’inverse sont les effets négatifs de la deshydratation, les signes et symptômes qui la caractérisent.  De la diarrhée à une insuffisance rénale, de la perte de poids selon son degré, la deshydratation peut provoquer instabilité corporelle, nervosité jusqu’à des troubles du comportement, diminution de l’attention et fixité, faiblesse et manque de coordination motrice. Deux tableaux cliniques extrêmes peuvent se produire en conséquence de la deshydratation tels que le choc hypovolémique (perte de volume de sang, hypothermie, tachycardie, perte de connaissance et mort) et le coup de chaleur pendant le transport, par exemple, (hyperthermie, oedème du poumon, asphyxie, etc, et mort)

Le toro de lidia est soumis à des situations de stress thermique qui peuvent passer de la tranquilité et adaptation à l’environnement – zones boisées de l’élevage – à des déplacements et enfermements lors de leur transport vers les arènes et séjour dans les corrales et chiqueros de ces mêmes arènes. Pendant le transport et le temps de leur présence dans les dépendances des arènes avant la lidia, les toros ne sont pas ou rarement alimentés en eau. En conséquence, le rythme cardiaque s’accélère, augmentent le métabolisme et l’énergie qui provoque l’augmentation de la température corprelle et donc, pour résultat la perte d’eau. Toutefois les toros disposent d’abreuvoir dans les arènes mais ceux-ci peuvent être mal situés dans les corrales - a contraquerencia – ce qui les empêche de se désaltérer ou bien que l’eau ne soit pas “de leur goût”. On notera que ni les cages de transport ni les chiqueros ne sont pas bien souvent équipés de récipients d’eau, bien que certains ganaderos, transporteurs et mayorales font accompagner les toros de quantités d’eau suffisantes et, de surcroît, celle à laquelle les animaux sont habitués.

Donc la qualité de l’eau est importante et parfois lui est ajouté un soluté de réhydratation pour en améliorer les niveaux de sels minéraux. Le phénomène de deshydratation est accentué en fonction de la température ambiante et du temps écoulé entre l’apartado, l’entrée aux chiqueros et le début de la corrida. Il est impñortant de signaler que dans bien de villes et villages en fête, la tradition de l’encierro, le matin même de la corrida, représente une épreuve supplémentaire pour les toros, non alimentés et hydratés correctement. Les règlements taurins ne tiennent pas compte de ces “détails” et stipulent que le sorteo aura lieu le matin de la corrida, à 12 h par tradition du siècle dernier… sans préciser le temps passé dans les chiqueros et leurs conditions d’aération, de température.

Résultats d’analyse de sang post mortem

Au cours de la saison taurine 2024, Julio Fernández a effectué des analyses de sang - post mortem - et mesuré la concentration de sodium en mM/L, méthode habituelle car le sodium aide à réguler la quantité de fluide sanguin et par conséquent déduire du niveau d’hydratation ou de deshydratation des bovins, en particulier des toros de lidia. Pour une meilleure compréhension et comparaison des données, le code de couleurs des feux de signalsation est utilisé pour définir les niveaux d’hydratation.  On a aussi mesuré le niveau de stress dont souffrent les toros en fonction de la température et humidité relative ambiantes. (Tab. gauche)

     

On voit que la bonne hydratation est mesurée pour 145-148 mM/L et la mauvaise pour > 152 mM/L (millimoles par litre) (Tab. droite)

L’étude porte sur les prises de sang de 110 toros (81 > 4 ans et 29 novillos) mis à mort à l’occasion de corridas de Las Ventas et en d’autres plazas de toros des provinces de Madrid, Castille-la-Manche et Andalousie. Le tableau suivant, toujours appliquant le même code de couleurs, indique les valeurs moyennes par corrida de la concentration de sodium et, ainsi, le niveau moyen d’hydratation des toros.

Le niveau d’hydratation des toros de combat peut avoir une influence sur le comportement de l’animal dans l’arène et de la valoration que peut faire public par sa réaction au moment de l’arrastre: ovations, silence, sifflets (pitos). Les graphiques suivants en sont le résumé, avec la valoration de l’ensembe des 44 toros combattus à Madrid – Las Ventas (1er graphique gauche)

              

     

Julio Fernández s’est attaché à relever ces réactions et manifestations pour les toros des 14 arènes et éventuellement des trophées reçus par les matadors au terme de leurs faenas aux dits toros. Le détail de tous ces résultats et les commentaires de Julio Fernández sont disponibles sur le lien:

https://www.youtube.com/live/2odRzwQQCLU?si=JPPPxqwrTEIbD-KR

Par cette intéresante et instructive conférence, Julio Fernández vient de mettre l’accent sur les effets négatifs de la deshydratation sur le rendement des toros de lidia., pour la première fois, avec expertise et précision. Par tradition et sans esprit curieux, la plupart des ganaderos et des organisateurs de corridas, les règlements taurins non plus, n’ont pas prêté attention au traitement auquel étaient soumis les toros leur dernier combat dans l’arène. Loin de leur habitat, sans leur alimentation habituelle et les conditions ambientales auxquelles ils sont exposés, les toros ne peuvent développer leurs capacités physiques et comportementales pour lesquelles ils ont été sélectionnés. Les conditions climatiques actuelles accentuent sans aucun doute, en Espagne comme dans le Sud de la France, les problèmes dus à la chaleur et leur effet sur le métabolisme des toros et leur hydratation. Pour y remédier, étayé par sa récente étude et expérimentation vétérinaires, Julio Fernández propose des mesures tangibles et pratiques pour éviter et réduire les problèmes de stress et comportement des toros durant la lidia:

  • installation d’abreuvoirs, propres et d’accès facile pour les toros dans les corrales.
  • mesures préventives pour le maintien et surveillance de la qualité de l’eau
  • réalisation des encierros nocturnes, la veille de la corrida
  • modification des horaires du sorteo en fonction de l’horaire de la corrida
  • instalation d’abreuvoir ou récipients dans les chiqueros
  • habituer les toros à reposer dans un corral de la finca quelques fois avant la corrida

Espérons que ces recommandations et la logistique qui s’y rapporte ne devraient pas poser de difficulté à leur application par les professionnels du monde taurin dans leur propre intérêt et surtout celui de l’amélioration de présentation et comportement des toros pour l’intérêt, celui-là, et de la satisfaction des aficionados.

Georges Marcillac

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