De l’avis des aficionados cette corrida de El Pilar n’était pas la plus encourageante et elle rendait à peu près ce que l’on attendait d’elle. Des toros de poids, de la lignée Aldeanueva, corpulents, pas très harmonieux et au “moral” ils laissaient à désirer: abantos, ils ne s’intéressaient aux capes de réception que par simple réflexe pour aussitôt s’en éloigner… pour ne pas dire fuir. Seul le 3ème, échu à Victor Hernández, avait du caractère (mauvais) et comme le reste du lot, il montrait quelques déficiences physiques. D’ailleurs les 5ème et 6ème devaient être remplacés par les sobreros de Castilleja de Huebra et Villamarta respectivement. Pour arranger la chose, le vent soufflait en rafales et gênait considérablement certaines phases à la muleta. Diego Urdiales en fut la principale victime.
Victor Hernández coupait une oreille du toro “Busca-Oro”, le plus léger du lot avec ses 555 kg. et ses cinq ans. Il avait des airs de manso avec sa tendance à courir le long des barrières et aussi en direction du toril. Aujourd’hui Israel de Pedro n’était pas heureux aux piques, ratant la cible mais s’appuyant enfin à la troisième rencontre, le toro mettant les reins. La charge descompuesta de ce toro rendait compliqué le trasteo du jeune matador de l’Alcarria. En l’occurence, ce toro virait sur ses pattes avant, “humilié”, en fins de passes, et se trouvait en position de charger dangereusement à nouveau. Il mettait à l’épreuve les recours physiques de Victor et sa lucidité pour lier les passes dans de telles conditions! Principalement des naturelles, une à une, le toro s’étant arrêté et pour terminer cette courte mais intense faena, une bonne série de naturelles bien dessinées et liées. Un trois-quarts de lame suffisait et l’oreille était justement accordée. Le 6ème était renvoyé au corral après être sorti titubant de la première pique et était remplacé par un sobrero de Villamarta de presque six ans et 577 kg., long, ensillado, emplazado au centre du ruedo. Le picador devait sortir des lignes pour piquer, fort cabeceo du toro dans le peto qui malgré tout poussait. Distrait durant le tercio de banderilles, seul Yelco Álvarez plaçait une bonne paire. Victor Hernández lui dédiait la mort de ce toro qu’il recevait en début de faena par des statuaires, une passe par le bas et la passe de poitrine. Les passes de la droite devaient supporter une charge irrégulière du toro, rebrincado vers l’intérieur, plus fluide vers l’extérieur. De nouveau, Victor basait sa faena de la main gauche – c’est par là que l’on gagne les oreilles – de trois-quarts face à l’animal qui n’”humiliait” pas. Toutefois une dernière série de la droite et changement de main pour une últime naturelle montrait une fois de plus le calcul lucide de la durée de la faena. Des bernadinas un peu brouillonnes et la passe de poitrine recevaient l’ovation du public. Las, trois pinchazos et une entière desprendida, ruinaient l’espoir de la Puerta Grande du valeureux Victor Hernández, sérieux et compétent.
Diego Urdiales, chef de lidia naturel en compagnie de deux matadors plus jeunes que lui d’une bonne vingtaine d’années, se heurtait aux éléments - mauvais placement? – vent en rafales qui soulevaient sa muleta et deux toros avec lesquels un semblant de faena n’était même pas posible. Respecté par le public, il faut espérer qu'on pourra le revoir dans de meilleures conditions le 29 mai.
David Galván, vient à Madrid avec l’auréole d’un torero artiste… C’est une lourde charge. Son premier toro ne se livrait pas dans la cape, doutait même. Des piques peu appuyées, le toro ne poussait pas. Juan Carlos Rey se faisait remarquer aux banderilles. Victor Hernández, dans une accalmie d’Eole, pouvait distiller des saltilleras et une revolera. Le début de faena, pinturero, par le haut et passes isolées, était suivi d’une première série de la droite, derechazos torées à distance, dans un mouvement élégant. La suivante idem. Sur la gauche, des naturelles bien dessinées, longues, une série avec le molinete et passe de poitrine comme remate. Le toro s’était arrêté et pour donner un peu d’émotion, David le faisait passer dans le dos. Des manoletinas pour finir desquelles le toro sortait desparramando la vista… La faena, longuette, était sanctionnée par deux avis et une épée contraria. La pétition d’oreille d’un toro insipide montrait toutefois que le public avait apprécié la prestation du torero de San Fernando, élève de Ruiz Miguel et parrain de son alternative. L’oreille n’était pas accordée. Le 5ème sortait en trombe, rasait les barrières, trainait le train arrière et fléchissait de pattes avant et après les piques… Mouchoir vert. Le sobrero de Castillejo de Huebra de 569 kg. possédait un bon tranco, allait au cheval et sortait suelto de la rencontre. Face à la muleta, il ne chargeait pas beaucoup, gazapeando, à pas comptés, dans les premières naturelles. La facilité du geste et allure du toro donnaient l’impression d’absence de mando et faisaient perdre intérêt au trasteo de David Galván. Des hauts et des bas dans cette faena pour, sur la fin, une série mieux réussie de la droite à un toro désintéressé. Une estocade, la muleta couvrant la tête du toro… Pétition d’oreille! Non accordée. Comme à son premier toro, David Galán forçait une vuelta al ruedo accompagnée de quelques sifflets et protestations.
Diego Urdiales: silence aux deux. David Galván: deux avis et vuelta al ruedo; autre tour de piste. Victor Hernández: une oreille; un avis et silence. Assistance: 20.586 spectateurs. |
Georges Marcillac