Madrid 15 août 2019 – La torería de Juan Ortega en portion congrue.

La corrida du 15 août à Madrid qui célèbre la Virgen de la Paloma, patronne des Madrilènes, est traditionnellement celle qui permet de (re)découvrir des toreros qui ne font pas partie habituellement du circuit des grandes ferias. L’an passé ce fut le cas de Juan Ortega, un torero sévillan, qui coupait une oreille à un toro de Valdefresno. Cette année, de nouveau, il figurait au cartel après ses deux prestations à Las Ventas, le jour de Pâques et durant la San Isidro. Pour peut-être conjurer le sort ou à cause d’un vestiaire peu garni, il faisait le paseillo avec le même costume (pas de lumières) que l’an dernier: ivoire et azabache… Il accompagnait Fernando Robleño et le Colombien Sebastián Ritter pour des toros de Martín Lorca réduits au nombre de quatre, complétés par un de Escribano Martín (1er) de même origine et d’un sobrero sorti en cinquième position de José Luis Osborne. Tous de sang mélangé de Juan Pedro Domecq. A la lecture du programme, on observait que ce lot de toros allait faire l’affaire du boucher de service car à la bascule seuls deux d’entre eux avaient pesé moins de six cents kilos, les autres affichaient 645, 646, 691 (record de l’année battu!) et 669 kg ! Cette première observation relative au pesage semait, à priori, le doute des aficionados quant aux facultés physiques de ces toros sous les 35 ͦC de température ambiante. Les craintes s’avéraient exactes car le 1er se sauvait d’un retour aux corrales - pour sa faiblesse de pattes -  seulement par la passivité du président qui ne pouvait faire autrement que sortir le mouchoir vert pour le 2ème pour les mêmes conditions; le 3ème s’arrêtait à la sortie des piques; avec ses presque 700 kg le 4ème avait un bon tranco d’un premier élan mais ne résistait pas aux passes suivantes; le 5ème mansote se trainait sous la muleta du Colombien et le 6ème recevait les deux seules piques appuyées de la corrida mais n’admettait aucunes passes de muleta.

La faena de Juan Ortega au 3ème alimentait les commentaires d’après corrida, surtout ceux de ses thuriféraires, auxquels s’associaient ceux des aficionados qui avaient seulement des références de chroniques passées et qui enfin avaient pu apprécier l’indéniable torería du torero andalou. Les passes de tanteo exhibaient à la fois le calme du torero et sa maîtrise du geste pour mettre le toro dans la muleta. Ensuite les passes, une à une, déclenchaient les ovations aussitôt tues dans l’attente de la passe suivante à son tour célébrée par des olés enthousiastes. Au début le torero « perdait » quelques pas pour enfin se fixer face au toro dans des  «cites» de trois-quarts, le corps vertical, et distiller des passes naturelles de grande plasticité assorties de remates fleuris. Malheureusement cette faena, courte, se trouvait entachée d’une estocade tendida, un peu atravesada suivie d’un grand nombre de descabellos. S’envolait ainsi une possible oreille qu’aurait mérité le Sévillan malheureux ou maladroit à l’épée. Le toro, juste de force et statique, n’avait que très peu participé à une œuvre seulement esquissée.

                     

Le 6ème, un toro de belles hechuras, révélait à la fois des pointes de mansedumbre et de mauvaises intentions, les banderilleros en faisaient l’expérience. Le tanteo de Juan Ortega, en mouvement comme l’aurait fait son homonyme (feu Domingo Ortega), prétendait jauger et fixer ce toro,  pas clair. Il décidait d’en terminer sans une vraie passe, par un macheteo qui aboutissait à une nouvelle série de maladresses à l’épée.

Fernando Robleño n’était pas mieux servi mais son professionnalisme, son expérience lui servaient pour, malgré tout, donner des passes exclusivement de la droite à un toro de charge incertaine et faiblarde, le 1er,  irrégulier dans le port de tête en fins de passes. Une estocade habile et le toro tombait aussitôt. Le mastodonte quatrième était «cité» à distance pour profiter d’une bonne course – tranco – pour ensuite ne plus répéter la même charge, rester court et ne pas aller jusqu’à la fin de la passe. Trois-quarts d’épée en deux temps et nombreux descabellos. Un avis.

Sebastián Ritter recevait à la cape le 2ème, un toro qui avait belle allure mais d’une faiblesse telle qu’il devait être remplacé par celui prévu 5ème au sorteo. Celui-ci fuyait les premiers capotazos avant de prendre deux piques sans trop s’employer. Roberto Martín « Jarocho » se distinguait aux banderilles. Il n’y eut pratiquement pas de faena, car dès les premières passes de muleta, le martin-lorca fléchissait des antérieurs. La tentative de naturelles, pieds joints, échouait pour cette raison. À l’épée, un pinchazo précédait une estocade entière qui roulait le toro sans puntilla. Le sobrero de José Luis Osborne exhibait deux cornes disproportionnées – cornivuelto – pour un physique ingrat - c’est un euphémisme – franchement vilain. Sans « humilier » et sans transmission, il se déplaçait mollement au centre du ruedo où l’avait conduit Sebastián Ritter pour éviter qu’il n’aille vers la querencia du toril. Selon son style de toreo vertical, quasi pieds joints, il exécutait plusieurs séries principalement de la gauche, volontaire, sans vraiment intéresser et c’est dommage. Un avis sonnait pendant les essais infructueux de mise à mort par plusieurs pinchazos en allongeant le bras et un descabello décisif.

Fernando Robleño : saluts ; applaudissements discrets. Sebastián Ritter : silence ; un avis et silence. Juan Ortega ; un avis et saluts ; silence. 6.250 entrées

Georges Marcillac

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