Pour la deuxième corrida de la Feria d’Hiver de Madrid étaient à l’affiche trois novilleros dont une jeune torera, Rocío Romero, de Cordoue, qui faisait son début avec picadors. Le choix des novillos de « El Parralejo » par l’empresa Tauroemoción était des plus judicieux car ce fer – d’origine Jandilla et Fuente Ymbro - jouit d’une réputation certaine malgré ses seuls dix ans d’existence et création de la ganadería. La cordouane avait pour partenaires au cartel Antonio Catalán «Toñete» (2ème au classement 2017 avec 30 novilladas) et Ángel Téllez, une valeur montante avec seulement 16 novilladas piquées à son actif depuis fin mai 2017.
Les novillos avaient un poids affiché autour de 500 kg - ils en paraissaient moins, surtout le premier – néanmoins de corpulence bien proportionnée avec des cornes pas trop agressives. Ils eurent des comportements divers avec une pointe de bravoure la plupart et de mansedumbre le 5ème, qui tirait vers les planches ; plusieurs allaient au cheval al relance, sans une mise en suerte correcte pour des piques pas toujours bien placées, et pour cause. Justement le 2ème protestait sous la pique et, même, désarmait le piquero ; le 4ème poussait fort et restait longtemps dans le peto ; le 6ème effectuait deux vueltas de campana mais tenait le coup sans trop se ressentir de cet exercice impromptu. Malgré tout, du fait de la variété des caractères en piste cela permettait de mieux juger ou apprécier les aptitudes et attitudes des novilleros.
Antonio Catalán «Toñete» était sans doute le mieux préparé et son assurance en piste le montrait mais justement sa facilité et son placement enlevaient l’émotion qu’il aurait pu communiquer en se jetant un peu plus dans la bataille. Bataille que ne provoquaient pas non plus ses deux novillos, le premier noble et insipide permettait des pauses et des poses qui ne s’imposaient pas. Au 4ème, un novillo suelto que «Toñete» gardait intelligemment dans la cape par delantales et le conduisait suavement, en tanteo, jusqu’au centre de la piste en début de faena. Le novillo s’ «ouvrait» et permettait au novillero de s’exprimer par des passes de joli style, dans une une série de naturelles et trincherilla, et plus près du tercio, avec de nouvelles naturelles liées et doblones avant la mise à mort pour une estocade entière, tombée, qui roulait le novillo. L’oreille était accordée.
Ángel Téllez avait une attitude de novillero, actif et varié à la cape dans des quites, entreprenant à la muleta et ne laissant aucun répit à ses deux novillos. Son premier était accueilli par de bonnes véroniques, meilleures du côté droit car sur la gauche le novillo «pesait» comme il fera également dans un quite par saltilleras avec un desarme pour une revolera à gauche. La faena débutait à genoux au centre du ruedo pour une charge allègre du novillo qui «protestait» dans la muleta mais, celle-ci tenue basse, maîtrisait cette difficulté. Des naturelles très serrés, on s’en doutait, liées à un farol et passe de poitrine. Une autre série avec la finition par molinete et passe de poitrine. Le tout sans perdre un seul pas, lié dans un mouchoir. Les charges étaient plus courtes et la faena «faite». Les bernadinas étaient exécutées sans broncher, avec une cogida - sans dommage - comme suite à une distraction du … torero. La mise à mort était ratée, assortie d’un avis et sans trophée, sinon une longue ovation. Au 5ème, pour forcer le succès perdu au 2ème , il fallait retenir le novillo, mansurrón, qui recherchait les planches. Ceci nous valait d’applaudir le banderillero Juan Navazo pour une paire al sesgo por fuera, une suerte peu pratiquée mais qui donnait tout son sens à la lidia tant des membres de la cuadrilla que celle du matador ensuite. Un quite par chicuelinas stylisées ultra-serrées confirmait la volonté d’Ángel Téllez de gagner une oreille comme ses compagnons de cartel qui l’avaient précédé. Pour cela il fallait éloigner le novillo de sa querencia. En une série de naturelle y parvenait, une à une, mais bien «templées», suivie d’une autre série de la droite, la muleta collée au museau du novillo jouant à plaisir du poignet. Bonne gestion des terrains et du placement. Une oreille était la récompense après un pinchazo et une estocade entière poussée à fond.
Rocío Romero montrait deux facettes de sa personnalité au cours de cette novillada de présentation avec picadors. Des novillos costauds pour la jeune fille qui ne rompait une seule fois et qui eut de bien beaux gestes, meilleurs à la muleta qu’à la cape. Elle signait sa première faena par une estocade entière qui lui valait une oreille, de sympathie, car à la muleta Rocío avait toréé très décollée, accompagnant à distance les charges nobles de son premier utrero, surtout sur la corne droite. A gauche, c’était mieux. Au 6ème, moins nerveuse, Rocío Romero dessinait de belles passes de tanteo avant de prendre la muleta à gauche pour de bonnes naturelles « templées » et terminait sur la droite, relâchée, se plaisant dans des derechazos courts mais bien données au noble novillo. Tout se gâtait à la mise à mort pour un pinchazo et une infinité de descabellos, sauvée in extremis avant le troisième avis. Malgré cette lacune à l’épée, Rocío Romero partait sous les applaudissements, ayant rempli dignement son accès à la catégorie des matadors de novillos.
Antonio Catalán « Toñete » : un avis et saluts ; une oreille. Ángel Téllez : un avis et applaudissements ; une oreille. Rocío Romero : une oreille ; deux avis et applaudissements.
Georges Marcillac
Photos : Javier Arroyo - Aplausos