Les toros de La Quinta sont généralement une garantie de spectacle. Daniel Luque après le retentissement de son succès le 13 août 2022 à Dax, sa sortie a hombros avant-hier, était le premier protagonistede garantie de cette corrida au Plumaçon qui enregistrait un no-hay-billetes sous un grand soleil revenu. L’autre attraction était évidemment le retour d’Emilio de Justo et surtout la présence de Clément Dubecq “Clemente” dans un renouveau de carrière et dont la tauromachie ne laisse pas indifférent. Ces deux derniers de l’affiche furent les héros de cette corrida triomphale sans démériter Daniel Luque évidemment. Les trois auraient pu sortir a hombros sans la dramatique cogida de “Clemente” à la mort du 6ème qui, lui, sortait par la porte de l’infirmerie, les deux autres sortant à pied par respect à leur compagnon blessé. Quant aux toros de La Quinta, bien présentés, sauf le 3ème…, ils donnèrent sans trop de brio du répondant aux toreros chevronnés et ainsi être aussi acteurs de la réussite de la corrida. Le 5ème de nom “Corchaíto”(*) nº 95 né en décembre 2018 était primé de la vuelta al ruedo. La suerte de varas étant la séquence la plupart du temps réduite à une première rencontre, la deuxième quasi un simulacre. Aujourd’hui, on n’eut pas à célébrer de grandes piques, ni de grand comportement des toros au cheval.
Daniel Luque déployait une nouvelle fois tout son talent pour, au terme de chaque faena, couper une oreille. Cette fois-ci, ses toros n’offraient pas de difficultés particulières à moins que l’expertise du maître les aient gommées dans ses trasteos à la cape et surtout à la muleta. La parsimonie avec laquelle il traite ses opposants relève de la connaissance de ces toros d’origine Santa-Coloma, qu’il ne faut pas brusquer mais aussi de leur nature, même souvent, de charges molles qui rendent les faenas monotones et… ennuyeuses. À son premier, la bonté du toro lui permettait des séries en redondo, à plusieurs tours, très appréciées du public… et les inévitables luquecinas. Le final, par des passes variées des deux mains et en mouvement, fut peut-être le monment le plus torero avant une estocade un peu tombée. Le 4ème, de bon trapío, “humilíé” dans la cape, était laissé à bonne distance pour permettre une belle charge au cheval répétée à la seconde rencontre sans que, sous la pique, ce toro se soit vraiment battu. Cette charge se transformait en des passages de grande mollesse dans la muleta éliminant toute émotion à la succession des passes. Le toro tombait presque immédiatement sous une estocade arrière. Cette mort spectaculaire valait un nouvelle oreille.
Emilio de Justo allait recevoir le 5ème a porta gaiola. Il ne se passait rien, ni même un bonne larga. Les véroniques suivantes, électriques, et chicuelinas dans le tercio n’étaient pas “toréées”. De nouveau, à genoux pour débuter la faena de muleta, en passes de la droite, ensuite debout: plus d’effectisme que de qualité. Les naturelles sont meilleures avec des temps morts au centre de la piste qui donnent le loisir d'écouter l’Orchestre Montois interpréter une mélodie, comme au concert, sans vraiment s’occuper du torero… Insupportable et irrespectueux pour le torero qui s’expose. en bas dans la piste. Le toro s’animait dans ses passages à droite, ce qui relevait l’intérêt pour ensuite donner des signes d’ennui. De bonnes naturelles, pieds joints pour terminer avant la mise à mort: un pinchazo et une estocade radicale qui roulait le toro. Deux oreilles et mouchoir bleu – exagéré – pour la vuelta al ruedo du toro. A son premier, un toro qui poussait dans le peto, la tête à mi-hauteur, Emilio de Justo toréait facile, décollé de la trajectoire du toro sur la droite. A gauche ce n’était plus pareil, l’animal se retournait dans des charges plus courtes. Une estocade, un peu en arrière, suffisait.
“Clemente” nous offrait une grande et merveilleuse surprise: une extraordinaire faena qui, réalisée à Madrid, aurait fait la une de toutes les informations et chroniques taurines. Le récital commençait par la réception à la cape par deux faroles de rodillas, l’un au tercio l’autre au centre la piste. Lui aussi pratiquait les passes de cape en rond pour fixer le toro et remate par revolera. Le début de faena, de la meilleure forme par passes aidées par le haut et par le bas mettait en bouche pour une série de la droite et passe de trinchera, des naturelles super lentes d’extrême élégance. Des remates en passe de poitrine genou en terre, ou debout, trincherilla, pase de la firma, etc. Cite à muleta plegada pour des naturelles pieds joints, d’autres de grande classe et d’extrême élégance et assurance. La dramatique cogida survenait au centre du ruedo! en exécutant la mise à mort a recibir, un pinchazo. De toute évidence “Clemente” était blessé, le sang tachait déjà le bas de sa jambe droite et la taleguilla était déchirée au milieu de la cuisse! Malgré, cela, il tentait une nouvelle estocade, l’épée tombait desprendida et l’unique descabello déclenchait l’ovation, un moment tue, “Torero” “Torero”! était scandé par le public enthousiaste et ému. Une oreille seulement mais cela n’est pas le plus important. L’oeuvre accomplie devrait rester dans les mémoires et relancer la carrière de notre compatriote., en Espagne principalement. A son premier, de très pauvre présentation, toro distrait, charge non “humiliée”, molle, sans transmisión le trasteo de “Clemente” qui profitait de la charge boyante du de La Quinta de nom “Platanero”?? (mou comme une banane?). Estocade arrière, tendida et trois descabellos. Un avis.
Daniel Luque: un avis et un oreille; oreille. Emilio de Justo: silence; deux oreilles. “Clemente”: un avis et silence; cogida et une oreille. Des cuadrillas, de celle de Daniel Luque saluait aux banderilles Juan Contreras, de celle de “Clemente” se distinguaient dans la brega Mehdi Savalli et Marco Leal aux banderilles. “Clemente souffre de deux cornadas, l’une de deux trajectoires de 12 cm et 15 cm dans la cuisse droite, l’autre de 10 cm au mollet. Il était transféré à l’hôpital de Mont de Marsan. |
Georges Marcillac
(*) Corchaíto est le nom célébre d’un toro de l’élevage de Graciliano Pérez Tabernero toréé et mis à mort par Manuel Jiménez “Chicuelo” (1902-1967) à Madrid le 24 mai 1928. La faena de ce jour-là fut, pourrait-on dire, le signal de départ d’une ère nouvelle de la manière de toréer. ”Chicuelo”, à la grande stupéfaction de tous, enchaînait sans discontinuité quatre naturelles, modalité jamais vue, entrevue dix ans auparavant à l’actif de “Joselito El Gallo” (1895-1920), le Roi des Toreros comme chacun sait.
Photos d'André Viard pour mundotoro.com