Pour faire suite à la chronique de Georges Marcillac et profitant de la journée de rejoneo un retour sur la corrida du 19 Mai 2017 à Las Ventas n'est pas inutile. On peut en tirer un certain nombre d'enseignements et alimenter la réflexion.
Le premier souvenir que je garderai de cette corrida est celle d'un Sebastien Castella qui cherche ses marques vers de nouvelles frontières et qui s'en approche comme lors de son premier début de faena dans lequel nous avons apprécié un torero reposé, flegmatique, maître de ses décisions et gestes, se déplaçant à un rythme contrôlé et décidé. Tout en lui transmettait maestria et toreria face a un intéressant sobrero de Buenavista qui répondait de loin, pas toujours avec la classe que certains lui ont attribué. Puis, soudain, le charme fut rompu et c'est un torero tendu et électrique qui s'est réfugié en terrain rapproché, technique, qu'il maîtrise, mais qui n'est pas du goût de Madrid. Cela fait une paire de saisons que le maestro semble travailler son toreo et il y a des signes que le Graal est proche.
Ensuite, dans la lignée du commentaire de François B. à la chronique de Georges, et après neuf journées de San Isidro, on peut se risquer à dire que l'arrivée de la nouvelle empresa a amené une tendance à sélectionner des toros terciados et / ou de moindre poids. La logique est bien évidemment celle des partisans du toro bien fait et sans excès qui est censé permettre le bon toreo. Le problème est que cela ne marche pas, pas plus que le toro gigantesque qui ne bouge pas. Les bichos les plus légers ne sont pas ceux qui tiennent nécessairement debout ou qui chargent le mieux contrairement à ce que nous explique à longueur de corrida certains commentateurs. Le toro qui combat est celui qui a en lui la bravoure de le faire. Madrid a de surcroit des critères auxquels il sera difficile de déroger avec les résultats actuels.
Hier c'est le toro le plus lourd, celui que personne ne voulait, sobrero déjà à deux reprises les 16 et 17 mai, mais pas hier, qui a permis le triomphe de Alelandro Talavante en sortant en troisième sobrero. Un toro de 577 kg né en 08/12 de nom "Buzonero·" du Conde de Mayalde à l'apparence plus "rematada" et agressive que ses congénères de la corrida. Il n'a pas été protesté et a permis à Talavante de couper une oreille véritablement importante.
Un autre enseignement est celui du toreo de Alejandro Talavante. Quand d'autres figuras cherchent à repousser de leur corps les embestidas, lui, les laissent passer au plus près. Tous ses gestes sont mesurés, voir minimalistes, sans contorsions et étirements inesthétiques. C'est de ce fait une impression de vérité fondée sur la simplicité qui se dégage de son toreo. La marque des grands.
Plaza 1 de Simon Casas joue gros sur cette San Isidro. Il reste suffisamment de temps pour que le début poussif et non conforme aux critères de cette arène soit contrebalancé. Faute de quoi une remise en question sera indispensable pour éviter un clash avec l'afición qui donne ses premiers signes de tension dans le tendido 7. Encore quelques toros terciados qui n'avancent pas ou tombent et l'épidémie se transmettra à tous les tendidos. La semaine qui vient s'annonce cruciale.
René Philippe Arneodau.