Après 50 ans, soit un demi-siécle d’existence, c’est la prouesse de Seissan, commune de l’Astarac(*)-Val de Gers, à quelque trois lieues d’Auch la préfecture du département, d’organiser chaque année pour la fête locale un festival, une fête taurine aux accents hispano-gascons. Sans aucune tradition taurine, Seissan entrait dans l’histoire et la référence tauromachique de la région jusqu’alors dominée pour Pentecôte par la Feria del Toro de Vic-Fezensac. Cette année, dimanche 6 septembre, dans l’espace de verdure et les arènes du Soleil d’Or, l’affiche de la «rencontre taurine» - il faut ménager les termes et les susceptibilités anti-taurines – réunissait des novillos-erales de Jean Louis Darré qui seraient combattus, piqués, sans mise à mort, par les matadors français Stéphane Fernández Meca et Andy Younes, Alain Bonijol titulaire de l’élevage et écurie de chevaux de picadors, lui-même ex-novillero, Hervé Galtier, aficionado práctico et le novillero Maxime Solera avec son apoderado le matador Denis Loré. La présidence était assurée par Jean-Marie Boussat et ses assesseurs Jean-Pierre Labit et Francis Martet. En dépit des mesures de restriction sanitaire et de la période anxiogène due à la Covid-19, les gradins étaient bien garnis d’un public passionné et fidèle parmi lequel on notait une forte représentation du Club Taurin Vicois.
L’histoire taurine de Seissan trouve son origine dans l’afición aventureuse et romantique d’un des enfants du village – tout juste 1000 habitants – Jean-Marie Boussat, jeune notaire de l’étude paternelle et aficionado curieux de l’histoire et de l’ «exotisme» de la fiesta de los toros. Caméra Super 8 au poing, c’est au cours de ses voyages dans l’Espagne profonde des années 60, de l’Andalousie à la Navarre, à la recherche des fêtes taurines populaires, que germe l’idée d’introduire à Seissan un simili de ces fêtes. Avec la collaboration des jeunes du Comité des Fêtes une plaza de toros était montée sur la base des «plans» des pueblos visités. Jean-Marie, maître d’œuvre de ce montage, payait de sa personne et pendant cette période ses mains n’étaient pas celles d’un notaire…. Les barrières étaient dressées autour de la grande cour d’une maison seissanaise, la grange adjacente servant de corral. La première becerrada avait lieu le 7 septembre 1970 pour les vaillants toreros amateurs du Sud-Ouest qui affronteraient des becerros – magnifiques – de Christian Lescot de Saint Martin de Crau en Camargue (cartel en tête de cet article). Succès aidant, ce spectacle inédit en Astarac allait perdurer jusqu’à nos jours, 50 ans d’affiches diverses et prestigieuses comme celle du 6 septembre 1971 qui réunissait les premiers et futurs matadors français de l’époque moderne.
A gauche les toreros amateurs, au centre Jean-Marie Boussat derrière le burladero entouré de Christian et Alain Montcouquiol « Nimeño II et « Nimeño I », Frédéric Pascal, Simon Casas, « Chinito », Jean-Marie Bourret.
Les années suivantes d’autres toreros en herbe foulaient le sable de Seissan comme Vincent Bourg « Zocato » futur journaliste taurin de Sud-Ouest, André Viard, Juan Cubero accompagné de son jeune frère José « Yiyo » (1973), Michel Lagravère de Vic (1975), Richard Milian (1976) Joêl Matray (1978). Toute une génération de toreros, dont les carrières ont servi d’exemple et référence pour l’éclosion et reconnaissance de la tauromachie française moderne. Bien plus tard, le 3 septembre 1989, un jeune garçon d’Arnedo (La Rioja) faisait le paseo sous le nom de Diego Arnedo, de son vrai nom : Diego Urdiales, un des matadors espagnols les plus célèbres actuellement reconnu par son classicisme et pureté de style. (Photo ci-contre, à droite du paseo) Depuis, plusieurs promotions d’élèves d’écoles taurines françaises sont passées à Seissan.
L’originalité de la fête taurine seissanaise ne se limite pas au festival ou becerrada ou simplement «rassemblement taurin». Au fil des années, des jeux taurins pour les plus petits sont venus enrichir le programme, et surtout, à l’instar des villages navarrais, était créé l’encierro qui allait acquérir ses lettres de noblesse en Gascogne. Cette nouvelle «spécialité» apportait du piment à la fête et la jeunesse locale pouvait s’en donner à cœur joie lors de la course de vaches, en boucle, dans les rues du village. On connaît la «personnalité» des vaches braves, landaises de surcroît, dont les caprices font encore l’objet de récits croustillants tels les échappées dans la campagne environnante, l’escalade du toit d’une maison, la visite impromptue au domicile d’une villageoise distraite ou trop confiante…. Sur le parcours de l’encierro, les jeunes des peñas Fiesta Brava et El Encierro préparent des grillades de côtelettes de mouton - la chuletada – selon la tradition culinaire des villages des bords de l’Ebre en Navarre visités par Jean.Marie Boussat et serviteur en 1968…
Au fil des ans, l’aventure taurine seissanaise s’est donc convertie en une tradition, créée par notre ami Jean-Marie Boussat, maintenue et enrichie par le maire actuel François Rivière. De la précarité de la plaza de toros des débuts, montée et démontée chaque année, la renommée de la fête taurine aidant, naissait le projet de la construction d’une arène en dur: son étude était appuyée d’une décision du Conseil Municipal et finalement votée. En 2011, les arènes dressées dans un site de verdure prenaient le nom de Soleil d’Or en souvenir nostalgique des arènes de Toulouse du même nom dont un burladero et des portes de corrales, acquis à l’encan, certifient l’authenticité et l’affectation de l’ouvrage. La piste de forme ovale est entourée de gradins et d’une zone pesage d’une capacité totale de 1500 places. Une scène au-dessus des corrrales et une tribune couvertes complètent l’ensemble d’usage polyvalent.
Vue d'ensemble de la plaza du Soleil d’Or et paseo du 6 septembre 2020
Comme le montre la photo ci-dessus, la nouvelle arène permet des spectacles taurins selon le rituel et l’espace propice aux corridas de novillos qui requièrent l’épreuve des piques. Verra-t-on un jour une novillada intégrale avec mise à mort ? C’est évidemment tout ce que l’on souhaite à Seissan, de pouvoir perpétuer cette belle entreprise inaugurée il y a 50 ans et ainsi planter un nouveau jalon pour le maintien de la tradition taurine dans le Gers mais aussi en Occitanie tout entière.
Georges Marcillac
(*) L’Astarac (origine Guardiola) est le nom donné à un des deux fers de l’élevage de Jean Louis Darré, le Cantaou à Bars (Gers), l’autre étant Camino de Santiago (origine Marqués de Domecq) Photos : Collection particulière de Jean-Marie Boussat et Le Petit Journal
Très bel hommage à notre ami Jean-Marie Boussat qui oeuvre depuis toujours à
la défense de la culture taurine. Nos vieux souvenirs communs confortent notre
vieille amitié.
Abrazos fuertes à tous les deux
Paco