Comme déjà dit dans la chronique d’hier, il est hasardeux de faire un quelconque pronostic en matière de corridas de toros car bien souvent le meilleur cartel possible nous réserve des surprises et des déceptions. C’est peut-être cette incertitude qui amène les aficionados invétérés à accepter avec philosophie les résultats négatifs que leur réserve le spectacle, que dis-je, leur messe, en espérant que le lendemain sera meilleur. Il n’en est pas de même des spectateurs occasionnels moins blindés qui ne trouvent pas toujours le «retour sur investissement» - le prix du billet – dans le déroulement et bilan de la corrida. Ce fut le cas aujourd’hui avec l’affiche prometteuse qui annonçait des toros de Nuñez del Cuvillo crédités d’une bonne saison (jusqu’à aujourd’hui) que devaient affronter Paco Ureña, Emilio de Justo pour sa deuxième présence au Plumaçon et Ginés Marín, un des grands espoirs de la torería actuelle. Á cela s’ajoutaient des facteurs étrangers au spectacle en soi, tels une ambiance spéciale qui régnait au-dessus et sur des gradins peuplés par quelques ignares «fatigués» au quatrième jour de la feria, les silences du public qui ne discerne pas et donc n’apprécie pas les détails complexes de la lidia et un Orchestre Montois qui a perdu son brio et répertoire d’autrefois.
Les toros de Nuñez del Cuvillo pourraient bien être les seuls à «porter le chapeau» et leur pauvreté, leur manque de caste, de race les faisaient rapidement perdre leur fougue initiale malgré le peu de châtiment que leur appliquaient les picadors. Exceptions faites du 2ème qui se «vidait» sous la forte première pique et du 6ème qui poussait à la première rencontre, tous ne recevaient qu’un simulacre de correction règlementaire. A propos du règlement, ce deuxiéme était un sobrero du même fer, sans devise, annoncé comme le 5ème par le préposé à la pancarte, en remplacement d’un berrendo en castaño claro renvoyé au corral à la suite de protestations impropres car une corne du titulaire était abîmée… Le 3éme, bravucón, tenait le coup dans la muleta de Ginés Marín et le vrai titulaire 5ème fut le plus tonique de l’après-midi.
Ginés Marín coupait une oreille à son premier après avoir dessiné une faena variée dont la clé fut l’avantage donné au toro, «cité» à distance pour profiter de l’inertie de la course et enchaîner ensuite les passes de la droite, longues et liées car le toro s’ «ouvrait». Sur la gauche le cuvillo perdait du ressort mais repris à droite, la faena remontait assortie d’adornos brillants, farol, molinete et pase del desdén, fioritures moyennement acceptées par le public qui restait impassible face aux efforts du torero, aux passes circulaires inversées et sifflant même un desplante!! Des bernadinas pour terminer, un peu bousculé dans la dernière, et l’estocade d’effet immédiat réveillaient cette fois le public qui demandait l’oreille, concédée avec justice.
Au 6ème, Ginés Marín à genoux au centre pour entamer sa faena par un péndulo était à nouveau sifflé…, série en redondos avant que le toro faiblard ne s’étale de tout son long sur le sable. De bonne charge mais sans force, ce toro recevait un traitement d’infirmier pour le maintenir sur pattes. Une autre bonne estocade et saluts au tercio.
Emilio de Justo touchait donc le sobrero qui dès les premiers contacts avec la muleta donnaient des signes de faiblesse et même plus que cela, d’épuisement, qui rendaient les efforts du matador inutiles et surtout inadéquats. A l’épée, un pinchazo profond suffisait. Au 5ème Emilio de Justo voulait à tout prix repartir de cette feria avec un succès qui ne venait pas. La faena allait a más après des doblones initiaux et une charge qui allait s’améliorant dans la muleta, d’irrégulière à constante, tête basse sans le cabeceo du début. Il y avait transmission dans le déplacement du toro de même qu’une transmission vocale du torero - exagérée et déplacée – pour inciter la charge. Une demi-estocade verticale après un pinchazo refroidissait la bonne tonalité de la faena. Au terme de son labeur Emilio de Justo ne recevait qu’une très légère pétition d’oreille.
De Paco Ureña on dira qu’il n’a pas été favorisé par le sorteo. C’est en partie vrai pour le premier qui avait tendance à aller vers les tablas, mansote et manquant de race. Il ne permettait rien de notable à la muleta. L’estocade desprendida suffisait. Le 4ème, avait une charge paresseuse et un peu sournoise, mettait bien la tête et Paco Ureña lui dessinait de bonnes naturelles mais ce trasteo sérieux et froid n’avait aucun effet sur le public. Peut-être aussi que le torero ne se «vendait» pas bien, restant de profil, oubliant les gestes, les siens habituels, pour attirer l’attention des spectateurs. La mise à mort catastrophique – metisaca compris – n’arrangeait rien à l’affaire. Victor Hugo Saugar «Pirri» et Álvaro López «Azuquita» de la cuadrilla de Paco Ureña avaient assuré un bon tercio de banderilles.
Georges Marcillac
Photos d'Emilio Méndez pour cultoro.es