Pour l’ouverture de la Feria de La Madeleine le mano a mano El Juli / Juan Bautista promettait car l’initiative était originale et offrait en théorie des garanties avec des toros de Garcigrande bien que finalement il y eut un panaché de quatre Domingo Hernández (et un sobrero du même fer) et deux Garcigrande (1er et 3ème). Tous de même origine et du même propriétaire, Justo Hernández, qui prenait la suite de son père décédé en mars de cette année. Pour cela les toros portaient la devise noire en signe de deuil. Dès le premier sorti des chiqueros, on pouvait imaginer la suite : des toros pas très imposants, des cornes commodes mais bien plantées, sans excès de poids (qui devrait être affiché dans une place française de 1ère catégorie). Quant au «moral», au fil de la course, on constatait qu’ils n’offraient pas trop de difficultés si ce n’étaient des charges irrégulières – descompuestas – que les deux maestros parvenaient à canaliser tant bien que mal et cela par intermittence car ces toros n’étaient pas des parangons de régularité ni d’obéissance. La suerte de varas n’était pas non plus exemplaire – les piqueros oubliant qu’ils officiaient en France – dans l’exécution ou dans le châtiment dû aux toros de combat dignes de ce nom. Seul le cinquième poussait dans ses deux rencontres avec la cavalerie, la première jusqu’aux barrières mais il se blessait à patte avant gauche et devait être remplacé par le sobrero. Les autres recevaient des piques peu appuyées avec le palo rapidement levé. Le comportement, en général, des pensionnaires de la finca Garcigrande, résultait insipide mais leur endurance en dépit de leurs carences physiques mérite d’être soulignée…
Julián López «El Juli» dont on rappelait sa présentation comme novillero à Plumaçon en 1995 est un maestro que personne ne discute. Toutefois son passage en 2018 ne restera pas dans les annales. Sans doute l’irrégularité du comportement de ses opposants est une explication pour ses trois faenas qui ne réussissaient pas à élever le niveau que l’on attendait de lui. A son premier, il devait inciter les charges du toro à la voix. Il lui était difficile d’enchaîner les passes.. Seul un changement de main pour une naturelle d’une extrême douceur devait régaler les aficionados attentifs. L’estocade qui concluait cette faena ennuyeuse était l’exemple même, d’une suerte que l’on dit «suprême» qui, exécutée par «El Juli», devrait révulser les maîtres estoqueadores de l’histoire : sortant de la suerte avant même d’avoir planté l’épée, allongeant le bras, dans un parfait et horrible « julipié », l’estoc tombait très bas… Avec le 3ème « El Juli » s’appliquait à tracer des derechazos longs, la muleta au ras du sol obligeant le toro à charger, des naturelles profondes pour finalement tirer des passes au toro arrêté. La mise à mort était catastrophique avec des pinchazos et descabellos à répétition. Sonnait un avis. Au 5ème, le sobrero, les véroniques d’ouverture révélaient une charge presque parfaite. Ensuite durant la faena « El Juli » faisait l’effort de garder coûte que coûte le toro dans sa muleta pour sans doute ne pas vouloir perdre le duel – à fleurets mouchetés – avec son collègue français. Si la première partie de la faena se composait des passes fondamentales exécutées dans un parfait style «juliesque», profondeur, longueur du tracé, de profil, temple et corps relâché, la deuxième partie était une succession sinon un abus de passes en rond souvent sans discontinuité dans un sens et dans un autre bien que le toro était réticent sur le côté gauche. Une demi-estocade en «julipié» quand sonnait un avis et un descabello opportun ne provoquaient aucune pétition d’oreille qui pourtant s’imposait compte tenu des circonstances.
« Juan Bautista » coupait une oreille à son premier après une faena qui profitait de la mobilité d’un toro dont la charge descompuesta en aurait gêné plus d’un, lui laissant la muleta toujours à la vue. Des naturelles certaines parfaites, d’autres moins à cause de l’inconstance de l’animal. Des passes en rond – prisées du public –, le torero comme axe de rotation, sans doute excessives et une estocade a recibir, défectueuse, au centre de la piste (le toro avait montré une certaine affection pour les barrières en début de faena) déclenchaient une demande d’oreille, accordée. Au 4ème, faible des pattes avant, il réussissait en début de faena à faire croire à la qualité de charge de ce toro qui, peu à peu se décomposait… Pourtant les naturelles étaient belles et «Juan Bautista» se montrait supérieur à son opposant. Une grande estocade, et, celle-ci, ne méritait aucune reconnaissance du public! Le 6ème était accueilli à genoux pour des véroniques, d’ailleurs dédaignées par le toro fuyard. Mobile mais sans classe, il acceptait les passes de muleta et, de plus, il perdait un sabot de sa patte avant gauche. L’intérêt de la faena de «Juan Bautista» décroissait à mesure de la baisse de régime du toro jusques là vaillant. L’estocade était portée fuera de cacho pour une série de pinchazos et descabellos.
« El Juli » : applaudissements ; un avis et sifflets ; un avis et silence. « Juan Bautista » : une oreille ; ovation et saluts ; un avis et applaudissements. Au terme du paseillo, tous deux recevaient la Médaille d’Or de la ville, «El Juli» pour ses vingt ans d’alternative et «Juan Bautista» en souvenir de sa magnifique faena de l’an dernier primée des deux oreilles et la queue.
Georges Marcillac
Photos André Viard pour aplausos.es