Se présenter seul contre six toros est un défi que Juan Bautista a l’habitude de s’imposer et démontrer ainsi la maturité et solidité de son toreo. En ce mois d’août d’intense activité taurine, Dax en fête était la cité landaise choisie pour cette corrida dans une arène comble et sous le soleil revenu après tant d’incertitude météorologique. Six toros de différentes ganaderias et différents encastes apportaient à ce cartel un lustre et un point d’intérêt supplémentaires. Justement ces toros choisis pour l’occasion n’étaient pas des monstres : de hechuras diverses et d’armures commodes ils remplissaient les conditions propices pour assurer le succès espéré. Dans l’ordre sortaient les toros de Montalvo de 500 kg, de La Quinta de 490 kg, de Pedreza de Yeltes de 545 kg, de José luis Pereda de 510 kg, de Victorino Martín de 500 kg et enfin de Jandilla de 485 kg, sobrero remplaçant un autre jandilla qui se brisait une corne contre un burladero. On reconnaissait dans les cuadrillas des toreros de plata de qualité ce qui confirmait le soin apporté à l’organisation de cette corrida phare des fêtes de Dax. Juan Bautista sortait a hombros par la Grande Porte, l’objectif était atteint mais au gré de certains en dessous des expectatives et surtout du niveau reconnu du torero arlésien qui n’avait pas semblé aller au-delà de ses ressources pour faire honneur à l’évènement.
Le premier, de Montalvo, était accuilli par une larga cambiada à genoux et entrait bien dans les premiers capotazos. Il fut un toro collaborateur, pas trop piqué. Le toreo facile de Juan Bautista s’accommodait d’un toro qui se déplaçait sans trop de classe, surtout à droite, et qui réduisait sa charge sur la fin. Un pase circular et un changement de main profitaient des dernières ressources du montalvo auquel était portée une estocade basse. La première oreille était concédée.
Le toro de La Quinta, léger, suelto, recevait une première pique arrière d’Alberto Sandoval qui s’appliquait pour la deuxième, bien placée et dosée. Juan Bautista s’était chargé de la mise en suerte, laissant le toro à bonne distance qui chargeait le cheval d’un bon élan. La faena se composait de deux parties, la première lorsque le toro suivait bien sur la droite la muleta de Juan Bautista. En améliorant sa position et fixe, il enchaînait les derechazos et pieds joints ensuite en redondo, il atteignait le sommet de sa faena avant que dans la deuxième partie, le toro changeait de comportement, sortait distrait de la muleta, sans la fixité du début, empêchant ainsi la continuité des passes des deux mains. Une première tentative de mise à mort a recibir échouait… la suivante en arrière concluait cette faena qui ne recevait que de faibles applaudissements.
Un toro de Pedraza de Yeltes, par sa corpulence et son poids, son âge - presque cinq ans - donnait un ton différent à la corrida, il «humiliait» dans la cape de Juan Bautista et prenait deux bonnes piques – sans réaction du public… - avec en intermède une mise en suerte par chicuelinas marchées. Sans la fixité requise du toro qui ne se livrait pas, qui ne passait pas à gauche, la faena se déroulait dans un mouvement que n’arrivait pas à tempérer Juan Bautista qui recourrait à une série de molinetes terminée par un martinete pour le grand plaisir du public. Les charges finissaient par le bas et gênaient l’arlésien qui portait une estocade très en arrière.
Après une tercio de piques discret de Gabin Rehabi, le toro de José Luis Pereda, de bonnes hechuras, fut le moins propice à une faena, vite écourtée après sauts et des coups de têtes intempestifs en fins de passes… par le haut, pour ne plus passer ni à droite ni à gauche. Estocade un peu verticale. Silence.
On attendait évidemment le toro de Victorino Martín qui sortait en cinquième position. Léger, dans le style des toros de sa race, il n’acceptait pas les passes de cape de réception et était amené au centre de la piste par des capotazos alternés sur les deux cornes. Le toro «humiliait» et conservait cette qualité au cours de la faena menée par des passes courtes, «templées» mieux de la droite qu’à gauche, au début, pour que finalement se furent des naturelles, unes à unes, qui élevèrent le niveau de la faena. Au moins la maîtrise de Juan Bautista s’affirmait dans cette dernière partie. Des passes par le bas pour préparer la mise à mort pour un pinchazo suivi d’une estocade. Une oreille était accordée après une demande pas très enthousiaste du public.
Il fallait maintenant donner un coup de pouce à cette prestation en demi-teinte et c’étaient les toros de Jandilla qui allaient le permettre. Le titulaire 6ème lançait les pattes avant dans la cape de Juan Bautista et semblait accuser une faiblesse des antérieurs. Par rogerinas il était conduit au cheval pour deux piques légères. Le tercio de banderilles était assuré par le maestro, avec sobriété pour les deux premières paires, la troisième al violín recevait l’approbation du public. A la suite d’un choc contre un burladero, ce toro se brisait une corne et devait être changé. Le sobrero de Jandilla aussi, devait heureusement faire oublier ce contre-temps. De bonne présentation, avec des cornes (c’était un sobrero…) il était reçu par deux largas cambiadas de rodillas, des véroniques et chicuelinas au centre du ruedo précédant une première pique al relance. Le quite spectaculaire par gallosinas ou caracolinas montrait, si nécessaire, le brillant répertoire à la cape de Juan Bautista. La deuxième pique était seulement signalée. Profitant de la charge vive du toro – peu piqué – la faena débutait par un péndulo et derechazos à mi-hauteur et se poursuivait par des passes de toutes sortes donnant peu de consistance à un trasteo qui aurait dû être plus construit d’autant plus que les naturelles finales, le meilleur de la faena, montraient que le toro méritait un autre traitement. Une estocade magnifique a recibir valait à elle seule une oreille, la seconde demandée avec insistance et accordée n’était que pour assurer le triomphe final de notre compatriote torero. Succès mérité, certes, mais à notre avis incomplet compte tenu de l’enjeu du défi et de sa réalisation.
Georges Marcillac
Photos: Rolaland Costedat pour aplausos.es