La plaza de «La Bombonera» de Azpeitia (1903)accueillait cette année, au cartel toros – zezenak en eukerra - trois ganaderías de l’encaste Santa Coloma, celle de Ana Romero de Alcalá de los Gazules (Cadix) qui avait triomphé l’an passé, celle de La Quinta de Palma del Río (Cordoue) aussi d’origine Santa Coloma-Buendía et enfin celle des Fils de Celestino Cuadri de Trigueros (Huelva) qui pourrait-on dire forme un encaste propre avec des produits Santa Coloma- Ibarra et des gouttes de Parladé et Urcola.
Dimanche 29 juillet – Triomphe d’Emilio de Justo.
Les matadors destinés à combattre les toros d’Ana Romero étaient Emilio de Justo, Juan del Álamo et Luis David Adame, le cadet de la famille torera des Adame du Mexique. Les poids annoncés étaient de l’ordre de 520 kg d’un lot de toros hétérogène de présence et modestes armures. La mono-pique s’imposait pour ne pas trop les forcer et malheureusement s’installait en système tout au long de la corrida. Donc, des marques de faiblesses en particulier pour le 4ème qui devait être remplacé par un sobrero du même fer, plus léger de poids (490 kg. mais mieux armé…). Emilio de Justo jouait de malchance à son premier qui se blessait à la patte avant gauche et devait abréger sa faena qui avait bien commencé… Belle estocade.
Le 4ème était renvoyé aux corrales et finalement sortait un exemplaire dont le principal défaut était de ne pas «humilier» mais, noble, il permettait au torero de Cáceres de construire une faena, ferme dans sa position et tracé des passes avec un fléchissement de rythme dans série de la droite aussitôt rattrapé par une série de naturelles pieds joints - le sommet brillant de la faena. Avec décision et prise de risque, Emilio de Justo portait une estocade sortant accroché à la poitrine et les deux oreilles étaient accordées confirmant ainsi l’émergence d’un torero de talent qui désormais triomphe en occupant une place qui lui était niée jusqu’à la saison dernière. Juan del Álamo coupait aussi une oreille à son premier, un très bon toro auquel, au gré de certains, il ne sut imposer le «temple» que «Clavero» nº 50 de 525 kg semblait demander tant sa charge était fluide et continue mais difficile à contenir. Pour donner le change, une série rapide de la droite et un martinete et pour conclure une estocade tendida, restant sur la face. Les charges changeantes du 5ème conduisaient à un trasteo décousu, volontaire mais sans relief. Le Salmantin saluait après une estocade arrière et un metisaca très bas en guise de refilón. Luis David Adame, sans avoir vraiment démérité, ne semblait pas être très à l’aise face à des toros, l’un qui ne permettait pratiquement rien, tantôt vif dans ses charges tantôt arrêté, l’autre distrait et sans se livrer qui acceptait les passes sans transmission. Le jeune torero d’Aguascalientes n’était pas très heureux à la mise à mort et il écoutait un avis au terme de chacune de ses deux prestations…
Lundi 30 Juillet - La Quinta : une classe en moins.
Le cartel attractif de cette feria était modifié par l’absence de Sébastien Castella –- certificat médical à l’appui - qui aurait fait sa présentation à Azpeitia et fut remplacé par « Román » Collado. Curro Díaz et David Fandila « El Fandi » complétaient l’affiche pour des toros de La Quinta. Des toros plutôt légers de 475 à 500 kg, bien faits, cinq ans accomplis pour cinq d’entr’eux , et 515 kg celui destiné à «El Fandi» dont on se demande ce qu’il faisait dans ce cartel, peut-être se le demandait-il lui aussi car sa prestation fut seulement celle de toréer pour la galerie, multipliant les passages en dehors des cornes pour ses spectaculaires poses de banderilles (sa spécialité) et, à la cape et muleta, donnant des passes, certes, beaucoup confondant quantité avec qualité Le petit 5ème se déplaçait, ne demandait qu’à suivre la muleta en bas mais « El Fandi » se contentait de lui donner deux passes et la passe de poitrine si ce n’étaient molinetes et martinetes pour impressionner, se collant au train arrière. Rien de sérieux. Il récoltait même un avis au terme de cette faena horripilante. Curro Díaz ne s’efforçait pas trop à son premier avec des détails mais peu de toreo profond à un toro «sympathique». Au 4ème, il devait hausser le ton en toréant plus long mais alors c’est le toro qui n’était pas le collaborateur désiré. Faena bougée, accompagnant les charges, agrémentée des remates précieux. Souvent pour faire «joli» Curro Díaz délaissait l’essentiel, toréait al hilo et ne convainquait même pas ses partisans qui lui refusaient de saluer… «Román» foulait pour la première fois le sable de la plaza guipuzcoana. A ses deux toros il montrait sérieux et capacité. Sa première faena était amputée des séries de la gauche car à la première tentative de naturelle le toro allait directement au corps… Pour le reste il était victime d’une caractéristique commune aux la-quinta : celle de sortir de la muleta la tête en l’air, distraits, et de ne montrer qu’un intérêt limité à répondre vivement aux cites. Cet exaspérant défaut enlevait aussi l’intérêt des efforts du torero et celui spectateurs qui s’ennuyaient. Mal à la mort. Il est regrettable que les toros de La Quinta, bien présentés, belles hechuras, n’aient pas répondu aux espoirs mis en eux, moyens aux chevaux, sans trop de codicia malgré une pointe de genio en fins de passes pour certains mais sans agressivité patente.
Mardi 31 juillet – Pepe Moral se sauve du naufrage de Cuadri.
Comme à l’accoutumée le lot des toros de Cuadri était le plus lourd de la feria, les poids allant de 570 à 610 kg ! On se souviendra que Cuadri n’est pas tout à fait Santa Coloma et si le physique se distinguait de celui des toros des jours précédent, c’était le cas aussi au «moral» sans la caste qui leur permettait de répondre avec un minimum d’agressivité aux cites des toreros. Des toros statiques, de charges courtes parfois avisées après les tercios de piques, des faiblesses de pattes aussi. Ils furent un cauchemar pour les banderilleros qui ne pouvaient régler leurs courses ni placer les banderilles en condition face à des toros qui ne se déplaçaient plus… Pepe Moral fut le seul à tirer son épingle du jeu à force d’effort, de placement et de suprême technique pour s’accommoder d’une courte charge avec une muleta convaincante – poder et mando – et dominer magistralement la situation à son premier cuadri. Au 5ème, de presque 6 ans, sous la pluie qui finissait par faire fuir certains spectateurs, le sévillan réussissait à bouger un toro statufié et lui servir des passes estimables compte tenu des circonstances. Les pinchazos précédant les estocades le privaient d’un succès total recevant néanmoins le prix d’une vuelta au 2ème et d’une ovation reconnaissante au 5ème. Rubén Pinar devait capituler devant ses deux toros auxquels il n’était possible de leur donner deux passes suivies : sans force et sans race son premier, doutant le 4ème qui avait jeté l’ancre et ne daignait plus avancer! Tomás Campos n’était pas plus gâté. Il fut le seul de vouloir et en partie réussir des quites à la cape mais ensuite à la muleta sa prestation se déroulait entre essais et hésitations pour engager ses opposants à entrer dans sa muleta, qui y entaient sans se livrer donnant l’illusion d’une course en début de faenas pour ensuite se freiner et même rebañar c’est-à-dire laisser «traîner» la corne comme pour emporter le leurre. Dommage pour l’extremeño qui sérieux et appliqué ne trouvait pas la solution – impossible - pour développer son toreo artistique. Sous une chape nuageuse et pluvieuse qui couvrait Azpeitia s’achevait la feria après une corrida désolante à cause du comportement de ces derniers toros qui continuent de nourrir les espoirs des aficionados mais qui finiront par irrémédiablement les décourager.
Georges Marcillac.
Photos: Javier Arroyo pour aplausos.es