La traditionnelle Feria del Toro de la cité gersoise était cette année déplacée de Pentecôte au mois de juillet après l’allègement des mesures de restriction pour cause de pandémie. Dans ces conditions, les Arènes Joseph Fourniol étaient copieusement garnies dans les limites de remplissage autorisé à 50%. Cette année, la feria réduite à deux jours concentrait une novillada piquée, une corrida concours le samedi et deux corridas formelles pour le dimanche. L’affiche qui l’annonçait confirmait la créativité du Club Taurin Vicois dans le choix de l’œuvre de l’artiste montpelliérain Vincent Bioules et de la sélection des élevages de novillos et toros. La tradition de la feria, créée en 1966, veut que ce n’est qu’après la sélection des toros dans leurs élevages respectifs, que le cartel des toreros est formé avec ceux qui veuillent bien les affronter. La cavalerie d’Alain Bonijol est désormais obligatoire à Vic de même que l’implantation de l’usage de la « pique Bonijol », pique sensée moins invasive que les piques habituelles espagnoles. De la sorte, le tercio de varas est la marque institutionnelle des corridas de Vic Fezensac, pas seulement réservée à la corrida concours. C’est là une des caractéristiques propres de cette feria, œuvre des fondateurs du Club taurin Vicois et de leurs héritiers actuels qui apportent un soin particulier aux détails, à la liturgie de la fiesta de los toros, aux détails que sont les sonneries des clarines, l’impeccable prestance des alguaciles, en l’occurrence deux belles amazones, le parfait ordonnancement des services de piste, la pose de la devise à la sortie du toril et… l’hymne occitan « se canto » entonné avant le paseillo par le public.
Une novillada de Raso de Portillo, un des plus anciens élevages d’Espagne (création en 1749), plus précisément de Castille, ouvrait cette feria. La race des novillos mettait à rude épreuve les novilleros Carlos Aranda, et Juan Pedro García « Calerito », débordés. Seul José Cabrera s’en sortait mieux, plus motivé, plus affûté aussi et était invité à effectuer un tour de piste en récompense à deux faenas volontaires. « Calerito » recevait les trois avis au 6ème. Il avait néanmoins dessiné une série de naturelles, au 3ème, de face, compas ouvert, de grand style sans émouvoir un public distrait ?? ou bien, sans notion …
Carlos Aranda : un avis et sifflets ; un avis et silence. José Cabrera : un avis et vuelta ; ovation et vuelta. « Calerito » : timide ovation ; trois avis et silence. « Aceñero » (1er) nº 14, né en 11/2016, trois piques, primé de la vuelta al ruedo. |
La corrida concours avait lieu l’après-midi de samedi. Dans cet ordre, selon leur ancienneté, sortait un exemplaire de chacune des ganaderías suivantes: Juan Luis Fraile, Barcial, Peñajara, Hubert Yonnet (France), San Martín et Los Maños. Quatre d’entr’eux étaient d’origine Santa Coloma sauf le 3ème de Contreras et le 4ème de Pinto Barreiros. Selon la règle, un minimum de deux piques était imposé pour jauger la bravoure des toros. Sauf celle du 6ème, la présentation des autres toros était irréprochable. Malheureusement, hormis leur passage obligatoire et médiocre aux piques, les faenas de muleta n’amélioraient pas cette première impression, faenas quasi inexistantes malgré les tentatives, avortées, des matadors. Seul, notre compatriote Adrien Salenc recevait des applaudissements au 6ème pour sa prestation dans de telles difficiles conditions.
Manuel Jesús Pérez Mota : silence aux deux. Sergio Serrano : silence aux deux. Adrien Salenc : silence ; légère ovation, bravos. Le prix J.J Baylac décerné au meilleur toro restait vacant (un comble pour une corrida concours !) |
La corrida matinale de dimanche était de Hoyo de la Gitana, un élevage de Salamanque, produit de deux branches de Santa Coloma (Joaquín Buendía et Graciliano Pérez-Tabernero), offrait un cartel de toreros bien connus à Vic : Domingo López Chaves et Manuel Escribano, deux matadors expérimentés face à des toros de caste ; le troisième Miguel Ángel Pacheco avait été re-"invité" après son passage en 2019. C’est le premier, qui tirait son épingle du jeu face à deux toros qui requéraient expertise et tact pour appliquer des faenas appropriées à un toro peu collaborateur, aux charges brusques (le 1er) et une conduite timide qui demandait une muleta convaincante et suave, persuasive sans brusquer (le 4ème). Domingo López Chaves déployait une technicité tauromachique qui faisait merveille et les aficionados lui réservaient un grand triomphe malgré son égarement à l’épée à son deuxième toro. Manuel Escribano, dont ses toros ne montraient aucunement des qualités exceptionnelles, se tirait d’affaire avec habileté à l’épée et brillait modérément aux banderilles.
Domingo López Chaves : une oreille ; ovation énorme, deux tours de pistes. Manuel Escribano : saluts ; silence. Miguel Ángel Pacheco : un avis et timide ovation ; silence. Le dernier toro qui souffrait un manque de coordination des membres antérieurs et postérieurs était remplacé par le premier sobrero qui à son tour se blessait à la patte avant droite et sortait le deuxième sobrero… |
La quatrième corrida de la feria réunissait les matadors Octavio Chacón, Alberto Lamelas et Noé Gómez del Pilar pour des toros de D. José Escolar Gil. C’est le Madrilène Gómez del Pilar qui terminait en beauté cette feria en coupant deux oreilles au 6ème «Cantador» nº 16, né en novembre 2015, qui était honoré de la vuelta al ruedo. Ce lot de toros de cinq ans, d’origine Albaserrada (Santa Coloma- Saltillo) répondaient bien au type de cette race, au physique bien sûr mais dont le comportement à la muleta ne remplissait pas les attentes d’un public avide de faenas et combats de braves : toros et toreros. Tel était le cas des quatre premiers, sosos, de charges molles, sans codicia ou distraction. Octavio Chacón ne montrait rien de positif, Alberto Lamelas prolongeait ses faenas, faisait l’effort à gauche au 2ème qui passait bien de ce côté ; il éternisait sa faena au 5ème, un prétendant au prix du meilleur toro de la feria avant la sortie du 6ème… C’est avec « Cantador » que Gómez del Pilar montrait à la fois sens et intelligence dans la lidia. A ce toro brave et puissant face au picador poussé jusqu’aux barrières, il dessinait de belles passes, du temple, toro «humilié» et portait une estocade décisive dans l’enthousiasme général. Les deux oreilles tombaient automatiquement et le mouchoir bleu primait ce bon toro.
Octavio Chacón : un avis et silence aux deux. Alberto Lamelas : un avis et silence ; deux avis et… saluts. Gómez del Pilar : un avis et applaudissements légers ; deux oreilles. Vuelta al ruedo pour «Cantador», saluts du mayoral et de l’éleveur. |
Ainsi s’achevait cette Feria del Toro, où justement le toro avait fait défaut, dont la présentation exemplaire cachait un manque de race, exception faite du premier novillo de Raso de Portilo et des deux Escolar Gil du dernier jour… Il est toujours difficile de monter une corrida concours et le danger est de baser l’affiche sur des élevages dits minoritaires sans les garanties qu’offrent d’autres encastes dont les références satisfont les critères de présentation, de caste et bravoure dont les toreros peuvent aussi tirer parti pour un succès complet et consensuel, torista et torerista. Espérons que la saison prochaine nous libèrera des frustrations que nous réserve, encore cette année, l’influence du coronavirus et ses variants. RV en 2022.
Georges Marcillac
Photos d'après mundotoro.com